J’ai paraphrasé la devise d’un ami disparu, peintre de l’art brut : « Je peins ce que je ne peins pas »
Pas un seul billet depuis plus de deux mois, le calme plat, ma paresse est au plus haut niveau. Lire ou écrire, il faut choisir, alors je lis tout ce qui me passe par la tête, des quotidiens, des hebdos, des racontars, des nouvelles qui n’en sont plus, tant ils se dupliquent de jour en jour.
Loin de moi l’intention de clouer toute la presse au pilori, d’assimiler les éditorialistes, les journalistes d’investigation, à la masse des gratte-papier de la rubrique des chiens écrasés. Donc, si je n’écris pas depuis deux mois, d’autres le font mieux que moi, se gorgent d’informations sans distinguo pour alimenter leurs rubriques. Le sauvetage des canards est à ce prix-là !
Il me reste les livres, les auteurs que je picore de ci, de là.
Ce soir, l’académicienne Dominique Bona, fait l’honneur à un village de deux milles habitants, Maussane-les-Alpilles, de nous parler de sa passion d’écrire. Elle privilégie la biographie et son dernier livre : « Je suis fou de moi » (Grasset) raconte la passion foudroyante et destructrice de Paul Valéry, à la fin de sa vie, pour une jeune femme qui avait la moitié de son âge.
Coïncidence ou pas, je viens d’écrire une nouvelle dont je ne résiste pas à vous offrir les premières lignes.
TROP JEUNE POUR MOI
Trop jeune pour moi cette gamine ou je suis trop vieux pour elle. L’adolescente, qui se prénomme Fanny, ne se pose pas ce dilemme fondamental, alors que je m’apprête à combattre mes phantasmes. Un après midi de juin, cette jeune femme qui n’est plus tout à fait une gamine, bien qu’elle en ait tous les atours, fait des brasses dans la piscine, ce rectangle bleu turquoise planté au devant de ma demeure. Elle fait la planche, fait des allers-retours, plonge comme un dauphin, réapparaît, ses petits seins hors de l’eau reluisent au soleil, puis elle se retourne et ce sont ses fesses qui bondissent à la surface, comme deux mamelons en quête de ciel. Fanny est nue, vraiment nue comme une naïade que l’on pourrait croire venue de nulle part. Et pourtant, Fanny ne vient pas de nulle part, c’est la fille de ma voisine qui squatte ma piscine comme bon lui semble. En sortant de l’eau, elle prend plaisir à s’étendre sans pudeur sur un transat pour se sécher au soleil, non sans avoir pris le temps, et plus que le temps, de s’enduire le corps d’une crème protectrice, me demandant assistance pour appliquer cette potion magique de ses épaules à son popotin. C’est peu dire si elle en prend soin de sa peau d’une blancheur printanière, tout en n’étant pas dupe de titiller les réflexes d’un vieux libidineux.
(à suivre...)