L’homme me déçoit, quand il m’exaspère, je parle à mes animaux. Je leur dit tout, je leur livre mes états d’âmes, mes doutes, mes révoltes, jusqu’à entendre mes colères tonitruantes.
Là, ils se planquent, ne sachant si c’est du lard ou du cochon, celui dont on a fait boucherie en décembre. Lui aussi, il protestait. Pauvre de lui, je l’aimais bien le cochon du voisin. Pour quémander mon indulgence, il m’a offert une boucle de boudin. Pauvre imbécile, il ignorait que ce cochon-là reniflait les truffes sous mon chêne vert !
Quand je leur parle à l’oreille, mes cockers, des jumeaux, écoutent avec une patience infinie mes salades sans queue ni tête, sachant que le bougre va leur donner une gâterie.
Les chats sont moins communicatifs, ils me filent entre les jambes, un pinson ou une souris entre les crocs. Passe encore pour la souris mais le pinson, de grâce, ne sont-ils pas mélomanes ces félins de gouttière ?
Voici deux mois que je n’ai rencontré ma copine la couleuvre, elle a pris ses quartiers d’hiver dans les fissures d’un mur de pierre. Pensant à cette intermittente de la belle saison, j’hésite à colmater ses brèches avant qu’il ne s’écroule.
Depuis l’automne, ça pétaradait gros dans la colline. J’en connais plus d’un, de ces chasseurs à l’affut de Max, le sanglier que je croise à l’aube des nuits sans lune.
Je parcours l’enclos, je manque m’enfoncer dans la marre aux canards et les voilà qu’ils nasillent, qu’ils cancanent à tue-tête pour défendre leur territoire.
Les oies blanches sifflent comme si elles appelaient la maréchaussée en renfort. Pas étonnant qu’elles craignent pour leur virginité !
Seuls les poissons rouges, au fond de l’étang, ne disent mots et dodelinent de la tête comme des Japonais.
Mes poules sont au chômage technique en l’attente d’un heureux événement. Même le coq, qui n’a rien d’un Gaulois, a mis son drapeau en berne.
Je m’échappe de cette basse-cour pour rejoindre Pomme, mon âne fétiche, le héros d’un livre qui a eu ses heures de succès l’an passé.
– Dis, Fred, avec tes droits d’auteur, tu pourrais doubler ma ration de foin de la Crau.
Me voici désemparé, Darwin n’a-t-il pas eu tort de découvrir la théorie de l’évolution, celle des ânes, en particulier, qui maintenant se syndicalisent…