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Billet de blog 6 mai 2025

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Rien ne sert de travailler, il faut hériter à point

Héritocratie française : quand le PIB se transmet en famille

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

La France adore le travail, surtout quand il reste cantonné à ceux qui n’ont que ça à vendre. Pendant que les ministres chantent en boucle l'hymne à la « valeur travail », les dividendes de la naissance se jouent à huis clos dans les villas, les notaires et les niches fiscales. L’égalité des chances est morte, étouffée dans un oreiller de soie monogrammé.
Depuis trente ans, l’ascenseur social est en panne ; il est désormais réservé à ceux qui possèdent déjà le bâtiment. Les inégalités de patrimoine flambent, les revenus stagnent, et l'héritage devient la clé dorée d’un monde où la richesse n’est plus un effort mais une transmission, une rente, une rente sur la rente, une rente sur la pierre, et une rente sur l’évasion.
La moitié des Français se partage les miettes : 8 % du patrimoine pour 50 % de la population, quand les 1 % les mieux dotés se vautrent sur des millions d’euros qui tombent du ciel… ou plutôt des cercueils. Ce n’est plus la bourgeoisie, c’est la nécrocratie : une société gouvernée par les morts, où les vivants héritent d’un avenir fossilisé.
On aurait pu imaginer une République redistributive, on a inventé l’économie néo-féodale. La pierre, qui avait permis à une génération d’accéder à la dignité par la propriété, est devenue instrument de ségrégation. L'immobilier flambe ? Tant mieux pour ceux qui ont acheté hier, tant pis pour les jeunes, contraints d’être locataires à vie, ou d’accepter de dormir dans leur voiture, mais dans un parking « bien placé ».
Et puis il y a les multipropriétaires, seigneurs modernes des villes Airbnb, qui détiennent plus de 10 logements, quand les autres bataillent pour en louer un seul. C’est l’apothéose de l’accumulation : des immeubles comme des portefeuilles, des loyers comme des rentes, des pauvres comme des flux.
Mais ne croyez pas que tout cela soit taxé. L’impôt, autrefois levier de justice, est désormais un bibelot poussiéreux que les riches contournent avec l’élégance d’un héritier fiscalement bien conseillé. Pacte Dutreil, assurance-vie, donations exonérées, c’est l’orfèvrerie de l’injustice. Les ultra-riches paient 2 % d’impôt, pendant que les infirmiers et les caissiers financent les infrastructures.
Quant à l’héritage, ce cancer des démocraties, il est devenu le cœur battant de l’inégalité. On ne transmet plus des souvenirs, on transfère du pouvoir, des rentes, de l’immobilier et des actions. La fortune n’est plus une conquête, c’est une hérédité.
Bientôt, on héritera plus tard, mais on héritera plus, et toujours plus pour les mêmes. À ce rythme, on pourra faire des donations directement au berceau – ou à l’utérus. Les jeunes pauvres n’auront pas de capital, mais ils auront des campagnes de pub sur « l’égalité des chances ».
Le patrimoine est désormais le principal déterminant du destin social. Et ce n’est pas un hasard si ce débat est enterré sous les poncifs : parler d’héritage, c’est ouvrir la boîte de Pandore du privilège. Même à gauche, on détourne les yeux, hypnotisé par la peur d'effrayer le petit héritier en puissance qui dort en chaque électeur.
La France se reconstitue en caste, douce et feutrée, bourgeoise et bornée. Une aristocratie républicaine où l’on naît avec des parts de SCI dans le biberon et où l’on meurt exonéré. Pendant ce temps, la majorité s’échine, s’endette, s’épuise. Mais elle garde foi en la méritocratie, cette grande illusion fabriquée à crédit.

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