La tragédie nationale se rejoue encore une fois, sur fond de bleu marine et de fonds publics détournés. Marine Le Pen, descendante d’une dynastie aussi républicaine que Louis XVI, vient d’être rattrapée non par l’Histoire, mais par la comptabilité. Cinq ans d’inéligibilité, quatre ans de prison dont deux avec bracelet, cent mille euros d’amende, et une note de frais de 4,4 millions d’euros à l’Union européenne : voilà le prix d’un nationalisme budgétairement créatif.
Le Rassemblement national crie au complot, invoque la « tyrannie des juges » comme d'autres jadis invoquaient celle des colonels, et accuse la justice d’avoir voulu abattre une potentielle présidente. C’est beau, c’est grand, c’est lyrique, mais c’est surtout faux. Le tribunal n’a pas jugé la candidate à l’Élysée, il a jugé la comptable en chef d’un petit système d’optimisation politique très franchouillard, où les assistants parlementaires servent moins à légiférer qu’à tracter dans les marchés.
Car ce n’est pas un dérapage, une bourde, un oubli de déclaration de patrimoine. C’est un système, un vrai, huilé, organisé, méthodique, sur plus de dix ans, pour renflouer un parti qui confondait déjà comptes publics et compte Paypal. Pas d’enrichissement personnel, dit-on. Non, seulement l’enrichissement du parti : voilà une version post-moderne de l'intérêt général.
Le tribunal, en républicain rigide, a eu le culot de rappeler que voler l’argent public – même pour faire campagne contre Bruxelles – reste du vol. Et que mentir en boucle devant les juges n’était pas une preuve de panache mais de récidive en devenir. Marine Le Pen, juriste de formation et avocate déchue, a donc été condamnée pour avoir substitué le droit par une "conception personnelle" de la démocratie. Une monarchie élective, où l’on pioche dans la caisse en s’indignant d’être pris la main dedans.
Et quand le jugement évoque « un cynisme déterminé » de la part d’un parti se targuant de haïr l’Union européenne tout en siphonnant ses subventions, il ne s’agit pas d’un procès politique. Il s’agit d’un rappel de politesse élémentaire : quand on crache dans la soupe, on ne facture pas l’assiette.
Mais ne vous y trompez pas : ce n’est pas Marine Le Pen qui est tombée, c’est la République qui a encore trébuché sur l’un de ses spectres. Ce jugement, c’est un baroud d’honneur de l’État de droit dans un pays où la probité est une vertu de perdants. Et c’est précisément cela que redoute le RN : qu’un jour, on prenne au sérieux l’idée que la démocratie ne se finance pas au noir.
Billet de blog 7 avril 2025
Marine Le Pen, victime du code pénal
L’Europe, c’est le mal… sauf en espèces
Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.