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Billet de blog 11 décembre 2025

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La France redémarre… en descente

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Il paraît que la France « redémarre ». C’est ainsi qu’on nous l’annonce, la bouche en cul-de-poule et la main crispée sur un graphique mal imprimé : +0,5 % de croissance au troisième trimestre 2025. L’air triomphant avec lequel Bercy brandit ce minus habens statistique mériterait un César de la meilleure fiction. Car pour qui lit vraiment les courbes — celles que la communication gouvernementale s’empresse de maquiller — ce +0,5 % ressemble surtout à la contraction post-mortem d’un corps cliniquement inerte.
Le PIB par habitant stagne à son niveau de 2019*. Cinq ans perdus. Cinq ans pour revenir au point mort. La France a l’air d’un coureur essoufflé qui célèbre l’arrivée alors qu’il n’a pas bougé de la ligne de départ. Et pourtant, quelle débauche d’enthousiasme pour une économie qui ne progresse qu’en fermant les yeux très fort.
La vérité, la seule, c’est que l’économie française flotte comme une barque trouée : un pied dedans, deux seaux pour écoper, et une communication gouvernementale qui hurle à la « reprise » comme on encourage un enfant à apprendre à nager… en pleine noyade.

La croissance qui n’en est pas une : merci Airbus, le reste peut mourir
Car sans Airbus, sans ses moteurs, ses fuselages et ses contrats long-courriers, la France retournerait immédiatement à la croissance négative. Ce ne sont pas les ménages ni les entreprises qui portent la croissance, ce sont les exportations aéronautiques**. L’Hexagone dépend de quelques milliers d’ingénieurs de Toulouse pour sauver l’honneur d’une économie entière.
C’est dire notre état : un pays de 68 millions d’habitants sauvé par des ailes en carbone. Comme si l’économie réelle s’était transformée en annexe d’Airbus.
Le reste, l’économie des gens normaux, celle qui tient par la consommation, s’étouffe doucement. La demande intérieure ne bouge pas. Les ménages ne consomment plus, ou seulement l’essentiel. Et encore, en se pinçant le nez devant le ticket de caisse.
La France devient une économie sous respiration artificielle, dépendante d’un unique poumon industriel. 

Un pays fatigué qui survit en grignotant ses économies
Pendant ce temps, le pouvoir d’achat continue de s’éroder. Les chiffres*** ont la brutalité d’un couperet : les revenus stagnent, les impôts progressent, les prix mordent, et pour ne pas sombrer, les ménages puisent dans ce qui leur reste d’épargne. Non par stratégie, mais par nécessité. Quand le frigo est vide, on ne demande pas l’autorisation à la BCE pour casser son Livret A.
On comprend alors les mines réjouies de certains éditorialistes qui nous expliquent que « les Français consomment enfin leur épargne Covid ». Quel délicieux euphémisme pour dire : ils survivent à découvert.


Les entreprises coulent pendant qu’on chante la « confiance »
Quant aux entreprises, celles qui devaient « profiter de la reprise », elles sombrent. Les faillites explosent. L’investissement se rétracte. Les marges s’effondrent. Le canal industriel français ressemble à une salle d’attente d’hôpital : beaucoup de souffrance, peu de soignants, et personne pour payer les factures.
On prétend que tout ira mieux demain. Mais demain n’existe plus : nous avons mangé demain.

La dépense publique, ce dernier pansement qu’on accuse de saigner
Depuis des années, la seule jambe encore attachée au tronc économique s’appelle dépense publique. Et pour cela, elle est insultée, contredite, vilipendée. Mais sans la dépense publique, le PIB serait déjà sous terre. Il n’y a pas de moteur privé. Il n’y a pas de miracle entrepreneurial. Il y a l’État, la dette, et une BCE qui regarde ailleurs.
On nous répète que « la dette est un problème ». Oui, bien sûr, quand on ne l’utilise pas. Mais l’État français, désormais simple comptable de la survie, n’ose plus investir, même dans ce qui empêche le pays de s’effondrer : hôpital, école, logement, énergie, industrie. On préfère couper dans les budgets d’avenir pour sauver la face aujourd’hui.
C’est cela, la « responsabilité » moderne : laisser brûler la maison pour économiser l’eau.


Un pays encore debout, mais par habitude plus que par force
Alors, que vaut réellement ce fameux +0,5 % ? Rien. C’est un spasme, un soubresaut musculaire post-mortem. La France ne croît pas : elle se contracte. La France ne progresse pas : elle persiste. La France ne redémarre pas : elle tremble un peu, comme un vieux moteur fatigué.
Et pourtant, sur les plateaux télé, on se félicite déjà. On se congratule. On sort les graphiques colorés, les PowerPoint pastels et les petites phrases triomphantes.
Mais le pays réel, celui qui vit en bas des courbes, sait déjà ce qu’il en est : la reprise n’est pas une reprise. C’est un miracle statistique. Une illusion d’optique. Un trucage sans truc.
La croissance française n’a pas redémarré. Elle respire encore par inertie.
Et le plus tragique, c’est que tout le monde semble s’en satisfaire.


*voir « Le PIB et la croissance de la France 3ème trimestre 2025 » tableau 5 Elucid
** ibidem page p10
***ibidem p20 à 22

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