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Billet de blog 12 juin 2025

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L’impôt ou le yacht

Pour une fiscalité juste face au mythe de l’exode des riches

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Taxer les ultra-riches ? Blasphème suprême dans l’Évangile néolibéral. *

Car, nous dit-on, si l’on ose effleurer le magot des milliardaires, ils fuiront la France en jet privé, pleins d’aigreur et d’ingratitude, laissant derrière eux ruine, misère et Rungis sans truffes. Pire encore : leurs fortunes étant “illiquides”, ils seraient contraints de vendre leurs entreprises ou d’hypothéquer leurs yachts pour payer quelques misérables pourcents à l’État glouton. Et puis, cerise sur le caviar, ce serait inconstitutionnel, madame ! Bref, l’apocalypse en smoking.

Ce disque rayé tourne depuis des décennies dans les salons feutrés des éditorialistes, des ministres et des fondations bidon grassement financées par ceux-là mêmes qu’on n’ose nommer : les rentiers du sommet. Et pourtant, une fois confrontés à la lumière crue des faits, ces arguments s’effondrent comme un château de billets mouillés.

Exode fiscal ? Un fantasme de plateau télé.

On nous vend le scénario catastrophe d’une France vidée de ses riches, en mode "Bienvenue chez les Belges". Mais la réalité est moins sensationnelle : 0,2 % des redevables du feu-ISF prenaient le large chaque année. Les chiffres de la DGFIP et les travaux de Gabriel Zucman montrent que ce prétendu exode n’est qu’une fuite en avant rhétorique. Et quand bien même quelques fortunés partent, d’autres reviennent. L’économie ne s’effondre pas, les yachts n’explosent pas en vol, et les riches continuent d’acheter des hôtels particuliers à 200 millions comme d’autres font leurs courses à Monoprix.

La théorie du ruissellement ? Une escroquerie sémantique.

Supposée nourrir l’économie réelle, la suppression de l’ISF n’a fait qu’engraisser les actionnaires. Pas d’effet notable sur l’investissement ou l’innovation, mais une pluie de dividendes pour le 0,1 %. À croire que l’or ne ruisselle pas, il s’évapore ! Même le FMI le dit : trop d’inégalités, et c’est la croissance qui trinque. Ce n’est donc pas l’impôt qui étouffe l’économie, mais l’accumulation stérile du capital. L’argent dort, planqué au Luxembourg, pendant que les hôpitaux crèvent la bouche ouverte.

Le mythe de la fortune “non liquide” ? Une farce pour ultra-privilégiés.

Les milliardaires ne peuvent pas payer, paraît-il, car leur argent est coincé dans des Picasso, des villas Renaissance et des parts de start-up. Pourtant, ils trouvent toujours un moyen de vivre comme des nababs, de s’acheter des yachts consommant 2 000 litres à l’heure, ou de stocker leur art en Suisse. Les outils existent – dividendes, prêts adossés à des actions, ventes partielles – pour que cette élite puisse contribuer sans vendre son âme ni sa holding.

“Ça rapporterait si peu…” Encore une contre-vérité.

4,5 milliards par an envolés avec la suppression de l’ISF. 19 milliards depuis 2018. Avec une taxation modérée, les recettes potentielles frôlent les 25 milliards annuels. De quoi doubler le budget de la justice, relancer la rénovation thermique, voire offrir un avenir à un hôpital public exsangue. Mais non, on préfère ponctionner les smicards à la pompe à essence et à la caisse du supermarché.

Complexité administrative ? L’excuse du paresseux fiscal.

Bercy sait très bien faire quand il s’agit de traquer les allocataires trop gourmands ou les fraudeurs à 300 €. Pour 300 000 contribuables fortunés, on ne va pas nous faire croire que c’est mission impossible. L’informatique, ça existe aussi pour les riches. Et puis, miracle ! Le fisc devient tout à coup très imaginatif lorsqu’il s’agit de surveiller les petits. Pourquoi serait-il soudain incompétent quand il s’agit des puissants ?

Et la Constitution, alors ? Un écran de fumée bien pratique.

L’ISF a été validé pendant trois décennies. La taxation du patrimoine est parfaitement constitutionnelle, dès lors qu’elle est progressive, proportionnée, et respecte la capacité contributive. Le Conseil constitutionnel n’a jamais dit qu’on ne pouvait pas taxer les riches. Il a juste rappelé qu’il fallait le faire intelligemment. La nouvelle taxe Zucman, adoptée en première lecture, coche toutes les cases : ciblée, modérée, légale, juste. Et elle ne concernerait que 0,01 % des Français. Soit ceux qui peuvent, sans souffrir, donner un peu plus à la République.

En résumé :

Taxer les ultra-riches, c’est du bon sens. Ce n’est ni une hérésie économique, ni une injustice, ni un crime contre la propriété privée. C’est une nécessité démocratique. Une exigence morale. Une urgence sociale. Et surtout, c’est un pas vers une République qui cesse de courber l’échine devant ceux qui ont tout, pendant que ceux qui n’ont rien payent pour tous.

Bref, taxer les ultra-riches, ce n’est pas tuer l’économie. C’est tenter de la ressusciter.

* inspiré du texte de Marine Rabreau Elucid

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