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Billet de blog 14 avril 2025

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La colonne de feu et les enfants de l’ombre

Faim, feu, ruines : le manuel colonial du XXIe siècle

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Voici venu le dernier acte, celui qu’on jouera sans masque ni décor, à ciel ouvert, dans le théâtre de la mort qu’est devenue Gaza. Le rideau tombe sur l’humanisme occidental et, avec lui, sur tous les mensonges en uniforme. Plus de nourriture, plus d’eau, plus d’hôpitaux, plus de lumière : rien que des cendres et des corps. Le message est limpide, inscrit au phosphore blanc sur les murs éventrés de Rafah : partez ou mourrez. Le projet colonial d’Israël touche à son acmé, dans un crescendo d’explosions, de famines et de silence diplomatique.
Les roquettes pleuvent, les otages servent de monnaie d’échange, les enfants sont pulvérisés entre deux réunions du Conseil de sécurité, et les « valeurs de l’Occident » s’effondrent dans le néant moral où l’on pèse les morts en grammes d'antisémitisme supposé. Gaza est devenu un laboratoire de la cruauté contemporaine. Un Auschwitz sans chambres à gaz, un Ghetto de Varsovie au drone chirurgical, un Little Bighorn(1) inversé où les vaincus ne seront même pas réduits à l’état de réserve, mais à celui d’épave humaine, errant sans terre, sans toit, sans nom.
Tout mensonge israélien s’est effondré comme une tour de béton sous frappe ciblée. L’idée d’un droit international ? Dynamitée. Celle d’un cessez-le-feu respecté ? Enterrée. Le Hamas serait responsable de la famine, des hôpitaux détruits, des écoles effondrées, des aides bloquées. Il serait omniprésent, tentaculaire, logé dans chaque berceau, chaque clinique, chaque ruine. Un prétexte parfait pour justifier l’extermination d’un peuple sous l’œil distrait des chancelleries et le silence complice de ceux qui, le reste du temps, s’enflamment pour un hashtag ou un gobelet réutilisable.
Les États-Unis, fournisseurs officiels de bombes et de moraline, financent les frappes et criminalisent ceux qui s’indignent. On distribue les dollars, on accuse d’antisémitisme toute personne dotée d’une mémoire, et on regarde les décombres de Gaza comme on regarde une série Netflix : avec un mélange d’indignation tiède et de zapping honteux.
Le plan était clair depuis le départ. Israël signe les accords comme on signe une reconnaissance de dettes qu’on n’a jamais l’intention d’honorer. Phase 1 : obtenir ce que l’on veut. Phase 2 : ignorer ses promesses. Phase 3 : reprendre les bombardements. Depuis Oslo jusqu’à ce « cessez-le-feu » cadavérique, rien n’a changé. L’objectif demeure inchangé : une Palestine vidée de ses habitants, une terre sans peuple pour un peuple sans paix.
Mais ce dernier chapitre, cette grande orgie de violence, cette offensive terminale, a quelque chose de plus obscène. Elle ne vise même plus la dissimulation. Tout est visible, documenté, diffusé, partagé. Et pourtant, rien ne s’arrête. On n’est plus dans le cynisme : on est dans l’ère post-cynique. Plus besoin de justifier l’horreur, elle se suffit à elle-même. On tue parce qu’on peut. On affame parce qu’on contrôle les camions. On bombarde parce qu’aucune force au monde ne dit non.
Le monde regarde. Et le monde oubliera. L’Occident s’en lavera les mains dans l’eau polluée de ses lâchetés successives. Mais le reste du monde, lui, n’oubliera pas. L’ère des leçons de morale est révolue. L’universalisme à géométrie variable, l’humanisme à sélection ethnique, les droits de l’homme sous conditions : tout cela gît désormais à Gaza, enseveli sous les gravats.
Il ne reste qu’une vérité, nue et indécente : la barbarie d’Israël est devenue la nôtre.
(1)    Chris Hedge « Le rêve génocidaire démentiel d’Israël devient réalité » Elucid

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