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Billet de blog 20 décembre 2025

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La finance ou l’art de brûler la planète à crédit

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Les banques fossiles : pyromanes en costume-cravate
Les banques jurent qu’elles ont vu la lumière verte. En réalité, elles roulent toujours au noir. Pétrole, gaz, charbon : la finance mondiale continue d’alimenter l’incendie climatique à coups de milliards, avec le calme d’un assureur qui parie sur l’effondrement après l’échéance du bonus. Depuis 2016, plus de 8 000 milliards de dollars ont été injectés dans les énergies fossiles. La transition, elle, reçoit des miettes. À ce niveau, ce n’est plus une incohérence, c’est une stratégie.
Les banques parlent de « gestion des risques », mais leurs bilans sont assis sur des gisements. En Europe, 95 % des fonds propres bancaires reposent sur des actifs fossiles. Autrement dit, le système financier tient sur une bombe à retardement. Ces actifs, qu’on appelle encore « valeur », sont les subprimes climatiques de demain. Dès que la transition deviendra réelle, ils s’évaporeront. La finance le sait. Elle préfère une planète brûlée à un bilan dévalorisé.
Greenwashing : repeindre le cercueil en vert
Pour éviter la panique, la finance a inventé le camouflage parfait. Obligations vertes finançant des majors pétrolières. Pipelines rebaptisés infrastructures durables. Portefeuilles « neutres en carbone » promis pour 2050, ce paradis suffisamment lointain pour ne jamais arriver. On repeint les bilans en vert comme on repeindrait un cercueil pastel. L’écologie devient une branche du marketing, l’éthique un produit dérivé.
Les États participent à la mascarade. Ils annoncent la sortie des fossiles pendant que leurs banques nationales creusent les puits. On parle sobriété à la tribune des COP et on exporte du gaz liquéfié à la chaîne. La schizophrénie devient politique énergétique. Le Titanic sert toujours le champagne ; seuls les discours ont changé.
Le carbone, nouvelle monnaie morale
L’innovation géniale du capitalisme contemporain, c’est d’avoir transformé la culpabilité en marché. L’écologie ne se discute plus, elle s’achète. Le CO₂ devient une unité de compte, la tonne un prix, la vertu un dividende. On ne réduit plus, on compense. On n’arrête plus, on achète des indulgences.
L’Europe a ouvert le bal avec sa bourse du carbone. Des quotas gratuits, échangés, revendus, spéculés. Résultat : plus de profits pour les pollueurs que de réductions d’émissions. Plus tu pollues, plus tu gagnes. La Chine a suivi, version XXL : 1 700 centrales à charbon, un marché carbone géant, et la même illusion comptable. Greffer un marché sur une économie carbonée, c’est coller un moteur Tesla sur un tank : ça fait du bruit, pas une transition.
La compensation parachève le cynisme. Polluer ici, planter là-bas. Émettre d’une main, financer trois arbres de l’autre. Au Sud, on confisque des terres au nom du carbone. Au Nord, on achète une virginité climatique. L’Occident exporte sa culpabilité, le Sud exporte son oxygène. La colonisation change de vocabulaire, pas de logique.
L’illusion financière, ou le retour du Veau d’or
Cette marchandisation du climat prolonge une vieille histoire. Celle d’une finance qui se prétend rationnelle mais obéit aux rumeurs, aux bulles et aux paniques. Subprimes hier, carbone aujourd’hui. Même mécanisme : titriser le réel jusqu’à l’effondrement, puis appeler l’État à la rescousse.
La contrainte énergétique a pourtant changé la donne. La croissance fossile est morte. L’endettement ne sauvera rien. La seule issue serait de reprendre la main sur la monnaie, d’orienter le crédit vers la transition, de financer la vie plutôt que les bulles. Mais cela supposerait de toucher au Veau d’or : les marchés.
Or les marchés sont devenus l’alibi suprême pour bâillonner la démocratie. On les invoque comme des oracles pour justifier l’inaction. Comme si les taux d’intérêt étaient dictés par le Saint-Esprit. La politique se prosterne, la finance décide, et la planète paie.
Changer de civilisation ou liquider le vivant
Il ne s’agit plus de réguler un casino, mais de changer de civilisation. Sortir de l’idolâtrie financière. Repenser la monnaie, le crédit, l’investissement comme des communs. Séparer les banques, interdire le trading à la nanoseconde, plafonner les rendements. Non par morale, mais par survie.
Car la vérité est simple : la finance mondiale ne sauvera pas le monde. Elle en tirera les derniers dividendes avant la panne. La croissance verte est un slogan, la neutralité carbone une illusion comptable, la finance durable un oxymore.
Le capitalisme ne mourra pas d’un krach financier, mais d’une overdose énergétique. Le pétrole aura été son or noir et son poison lent. Et lorsque les bilans s’écrouleront sous le poids de leurs mensonges, il ne restera plus qu’un actif à liquider : la planète elle-même.
À moins que, collectivement, nous décidions enfin de désacraliser les marchés, et de rappeler une évidence oubliée :
l’économie est faite pour servir la vie, pas pour l’hypothéquer.

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