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Billet de blog 22 octobre 2025

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Le socialisme pour les riches, l’austérité pour les autres

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

L’État qui trahit le travail
L’État français se dit stratège, il n’est plus qu’un comptable.
On croyait encore vivre sous un État-providence. On s’est réveillé avec un État-patron, obsédé par la baisse du coût du travail, incapable de produire autre chose que des tableaux Excel et des subventions à la compétitivité.
Chaque gouvernement a rejoué la même pièce : promesses sociales le matin, cadeaux fiscaux l’après-midi. La gauche a renoncé à redistribuer, la droite a cessé de prétendre gouverner autrement que pour les actionnaires.
Le capitalisme d’État français n’a plus rien d’un compromis. C’est une délégation générale donnée au marché, avec la bénédiction de Bercy.
On appelle cela “politique économique”. En réalité, c’est un détournement de fonds légal. L’argent public circule vers les grandes entreprises, les banques, les fonds d’investissement. Plus de deux cents milliards d’euros par an : le coût officiel du “soutien à l’activité”. Un effort national au service des multinationales.
Pendant ce temps, les hôpitaux étouffent, les écoles ferment, les salaires stagnent.
On nous explique que la rigueur budgétaire est nécessaire, que la dette publique doit être maîtrisée, que la dépense sociale doit reculer. Mais ces sacrifices n’ont jamais touché les vrais bénéficiaires du système : les détenteurs du capital, les dirigeants d’entreprise, les rentiers.
L’État a cessé de protéger. Il administre la pénurie pour les uns et la rente pour les autres.

Le grand hold-up fiscal
Le pouvoir répète que “les entreprises créent la richesse”. C’est faux. Les entreprises captent la richesse que d’autres produisent.
Depuis quarante ans, elles se déchargent sur les salariés du financement collectif.
Les cotisations patronales ont fondu, remplacées par des impôts payés par tout le monde : TVA, CSG, taxes sur la consommation. Le fardeau fiscal a glissé vers les ménages, pendant que le capital se planquait derrière l’argument de la “compétitivité”.
Le ruissellement, cette vieille fable libérale, ne s’est jamais produit. L’argent public coule vers le haut, puis s’évapore dans les dividendes, les rachats d’actions et les paradis fiscaux.
Les entreprises n’investissent plus : elles thésaurisent, rachètent leurs propres titres, dopent artificiellement leurs cours en bourse.
Les profits explosent, les salaires réels baissent, la productivité stagne.
L’État, au lieu d’imposer, supplie. Il mendie l’investissement privé qu’il subventionne déjà.
Le “quoi qu’il en coûte” est devenu un modèle économique permanent. On nationalise les pertes et on privatise les gains.
Ce n’est plus une politique, c’est une servitude volontaire.
Et comme toujours, la communication s’invite à la rescousse. On parle de “soutenir l’innovation”, de “stimuler la compétitivité”, de “réformer pour l’avenir”. Mais derrière ces mots, il n’y a qu’une réalité : la spoliation organisée du travail au profit du capital.
On a remplacé la justice sociale par la stratégie de communication. L’État se félicite de son sérieux pendant qu’il creuse les inégalités qu’il prétend combattre.

L’austérité comme ordre moral
L’austérité est devenue une vertu. On ne la discute plus, on la célèbre.
Les dirigeants politiques répètent qu’il faut “faire des efforts”, “réduire la dépense”, “assainir les comptes”. Ces formules rassurent les marchés et angoissent les vivants.
Car derrière la morale budgétaire, il y a une logique de classe : protéger le capital de toute contribution, reporter la charge sur le travail.
Chaque budget est désormais un exercice de soumission. Les coupes dans les services publics deviennent des preuves de responsabilité.
Les ministres posent avec gravité devant les caméras pour annoncer de nouvelles économies. Ils se félicitent de “moderniser” l’État, alors qu’ils le dépècent.
Ce n’est pas une réforme, c’est une liquidation.
Et pour contenir la colère, on muscle la répression.
Les moyens manquent pour la santé, mais jamais pour les forces de l’ordre.
Les budgets sociaux diminuent, les budgets sécuritaires gonflent. La peur sert d’écran à la pauvreté.
Ce déséquilibre permanent n’est plus un accident : c’est la méthode de gouvernement.
Le capitalisme d’État français ne produit plus rien, sinon de la résignation.
Il ne promet plus la prospérité, il exige la patience.
Les dirigeants parlent de rigueur, de courage, de réalisme. En vérité, ils administrent le déclin sous anesthésie comptable.
La justice sociale est devenue un luxe, la solidarité un souvenir.

Postlude – Le pays des comptes ronds et des têtes creuses
La France de l’austérité ressemble à une entreprise en faillite qui s’offre encore des consultants. On y coupe les vivres aux hôpitaux mais on distribue des “bonus à la performance” à ceux qui ont su bien tailler dans la chair vive. L’État, ce grand malade, se soigne à coups de powerpoint et d’économétrie, persuadé que la misère est un indicateur de bonne gestion.
On ne gouverne plus un pays : on l’administre comme un portefeuille. Le peuple devient un poste de dépense, la justice sociale un coût non amortissable. Et pendant que le ministre vante sa “trajectoire de réduction du déficit”, les profs achètent leurs fournitures, les infirmières comptent leurs heures et les caissières comptent leurs centimes.
L’économie française est devenue un gag comptable : on se félicite d’avoir réduit les dépenses en fermant les urgences, on applaudit la “rationalisation” des services publics en remplaçant des guichets par des chatbots.
Les chiffres sourient, les visages se ferment.
Dans cette République des chiffres ronds, il ne reste plus qu’une certitude : le courage politique a été externalisé. L’État le sous-traite à la Bourse, qui, elle, ne tremble jamais.
Et puisque la politique n’est plus qu’une gestion de flux, il ne reste qu’à prier pour que le prochain krach vienne rappeler à ces comptables de la décadence qu’un peuple ne se gère pas comme un bilan.
Un peuple, ça se gouverne. Ou alors ça se venge.

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