La COP30, c’est la même pièce de théâtre depuis trente ans : des États en costume, des ONG exténuées, des scientifiques qui présentent pour la 59ᵉ fois les mêmes courbes qu’on feint de découvrir, et une horde de lobbyistes qui se déplacent en escadrille, comme des rapaces flairant la carcasse. On appelle cela une Conférence des Parties, mais le « parti » qui en sort gagnant est toujours le même : celui du carbone.
Déjà dans les premiers documents, le tableau était posé : la COP discute, le climat brûle
Les COP avancent en paroles, le climat avance en degrés
On aime à répéter que Kyoto fut un tournant et que Paris a sauvé le monde. C’est faux : Kyoto a inventé le marché du carbone — une sorte de droit de polluer premium — et Paris a surtout gravé dans le marbre un objectif dont tout le monde savait déjà qu’il ne serait jamais tenu.
Dix ans après Paris, les températures flirtent déjà avec +1,42 °C, les océans gonflent comme des cadavres oubliés au soleil et 2015-2025 forme la décennie la plus chaude jamais enregistrée
Belém, capitale mondiale de la langue de bois
On imaginait Belém comme une COP du sursaut.
On a eu Belém, COP du “on verra”.
L’événement est décrit comme une grand-messe pour trois fois rien, un sommet à blanc où l’on évite soigneusement de nommer l’ennemi — les énergies fossiles — comme si le mot lui-même avait des propriétés corrosives.
À Dubaï, au moins, le terme « transition hors des fossiles » figurait encore sur le papier.
À Belém, il disparaît comme par magie (la magie des pétrodollars, évidemment)
Le résultat : une « feuille de route » sans route.
Un accord plat comme une piscine vide.
Une accumulation de verbes inoffensifs : reconnaître, accueillir, souligner… mais surtout ne rien faire.
La transition énergétique, ou le colonialisme repeint en vert
Sous les discours, la transition énergétique cache un nouveau colonialisme.
Les métaux pour les batteries, les terres rares pour nos voitures électriques : ils viennent d’Amazonie, du Pará, de territoires autochtones transformés en mines à ciel ouvert.
Le progrès écologique a parfois le parfum d’un massacre discret.
Les peuples autochtones, eux, témoignent qu’ils n’ont plus d’autre choix que d’utiliser leurs corps comme boucliers face à l’agrobusiness, aux drones de pesticides, aux milices privées qui protègent le soja comme on protège un trésor mafieux.
Une COP qui se prétend “verte” mais laisse tomber ceux qui protègent réellement les forêts.
Ils viennent mendier de la reconnaissance et repartent avec des photos, des badges et des promesses creuses.
La finance, ce vampire qu’aucune COP n’ose affronter
La finance climatique est le véritable trou noir de la diplomatie.
Tout tourne autour d’elle, rien ne s’en échappe.
Le Nord promet 300 milliards.
Le Sud réclame 1 300 milliards.
Résultat : on crée une commission pour étudier la possibilité d’envisager de réfléchir à la manière d’évaluer les besoins.
Une procrastination budgétaire de compétition.
Les pays africains demandent un triplement des fonds pour s’adapter : on leur répond par un report de cinq ans, comme si le réchauffement allait patienter entre deux cycles économiques.
Les États en conserve, les lobbyistes en pleine forme
1 602 lobbyistes fossiles accrédités à Belém.
C’est plus qu’un lobby, c’est un congrès professionnel.
La France en amène même quelques-uns dans ses bagages — TotalEnergies, évidemment, toujours prête à “contribuer au débat”.
On dirait une réunion contre l’alcoolisme sponsorisée par Ricard
La Chine, l’Inde, la Russie et l’Arabie saoudite font bloc pour éviter toute mention des fossiles. Les autres protestent à voix basse, puis signent quand même.
Un match truqué où les arbitres sont achetés et les règles écrites par les joueurs.
La rue, seule zone de courage
Belém a vu défiler des milliers de militants : paysans sans terre, syndicats, peuples autochtones, collectifs LGBT+, écologistes.
Ceux-là ne négocient pas.
Ils marchent, ils portent les cercueils du pétrole, ils tambourinent sur les murs du sommet.
Dans la rue, on rit de Lula lorsqu’il autorise Petrobras à forer à l’embouchure de l’Amazone.
Dans la rue, on réfléchit plus vite que les chefs d’État.
Dans la rue, le courage existe encore — ce qui n’est pas rien.
Le mutirão : l’union sacrée… pour rien
Le président de la COP appelle à un mutirão, une mobilisation collective inspirée des traditions populaires brésiliennes — faire ensemble ce qu’on ne peut faire seul.
C’était beau sur le papier.
Mais un mutirão sans volonté politique, c’est un potluck où chacun vient les mains vides.
Trois jours de débats, trois brouillons, trois impasses.
Finalement, un accord minimal, un cadavre encore tiède, célébré comme un triomphe.
Conclusion : une planète qui brûle et une diplomatie qui gèle
Une évidence transparaît : la COP30 a été l’art de manquer l’Histoire.
D’un côté, une Amazonie en feu, des peuples qui se battent avec leurs corps, des militants qui crient que la transition est un mensonge lorsqu’elle est sans justice sociale.
De l’autre, des États qui débattent pour savoir si le mot “fossile” est trop agressif, des ministres qui signent des accords plats et des lobbyistes qui sablent le champagne.
La COP continue.
Le climat aussi — mais pas dans la même direction.
Billet de blog 25 novembre 2025
COP30 : La diplomatie en coma climatique
Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.