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Billet de blog 26 mai 2025

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La mystique du microprocesseur

De l’oxymore à l’OPA idéologique : anatomie d’une imposture sacrée.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

L’« intelligence artificielle », mot-valise promu au rang de slogan-miracle, a pris le contrôle d’une époque en errance, tandis que la « connerie naturelle »* – virus mondialisé, tenace et insidieux – colonise les esprits avec la rigueur d’un code malveillant. Ce n’est plus Orwell, c’est la télé-réalité avec des microprocesseurs. Et pendant que l’on s’émerveille devant quelques bouts de code enrobés de silicone, les masses applaudissent l’ascension des imbéciles certifiés ISO 9001, jusque dans les palais présidentiels. De Trump à Musk, bienvenue dans le Far West cognitif où la bêtise est un plan de carrière.

Le succès du terme « intelligence artificielle » ne tient pas à sa justesse mais à son imposture**. C’est un oxymore, comme « révolution industrielle » ou « guerre propre » : un maquillage sémantique au service de l’idéologie dominante***. Car il faut bien vendre aux gogos l’idée qu’un amas de circuits imprimés peut rivaliser avec l’esprit humain, pendant qu’on détruit patiemment ce dernier à coups de clics, de notifications et d’automatisation du vide. La formule vient tout droit des années 1950, made in USA, ce pays où « intelligence » désigne aussi bien la capacité à penser que le simple fait de collecter des données pour la CIA. Un glissement sémantique, puis un glissement de terrain.

Dans ce cirque lexical, les mots deviennent des capsules idéologiques. « Technologie » ? Une manière d’éviter de parler de la technique comme praxis sociale. « Progrès » ? Une prière destinée à nous faire oublier les ravages. « Post-vérité » ? Le cataplasme verbal d’une époque qui ne veut plus penser. Et l’on s’étonne que la critique disparaisse, que l’opposition se noie dans des formules molles, que les militants parlent de « réalité virtuelle » sans même sourire.

Loin d’émanciper, la technolâtrie nous paralyse. Ce n’est pas la technique qui nous asservit, disait Jacques Ellul, mais le culte que nous lui vouons. Le sacré a changé d’autel : ce n’est plus Dieu, c’est l’iPhone. Résultat ? Plus personne ne pense, tout le monde paramètre. Le fascisme de demain ne portera pas d’uniforme, il sera en t-shirt noir avec une startup et un compte X premium.

Et pendant que l’on rêve d’IA bienveillante, la bêtise naturelle – authentique, fière de l’être – grimpe au pouvoir avec des tweets et des fusées phalliques. Le crétinisme devient système, la novlangue numérique son bras armé. Le capitalisme se refait une santé en vendant de l’« intelligence » synthétique à des consommateurs qui ont perdu la leur. Et les révolutions ? Sont devenues des mises à jour.

Mais ne vous inquiétez pas : tout cela est très intelligent.

*Joël Decarsin « Intelligence disent ils » (sciences critiques.fr)

**Ibidem

***Ibidem

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