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Billet de blog 27 avril 2025

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PER : Plan Épargne Résignation

La Bourse ou la vie : anatomie d'un pillage social

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Officiellement, la répartition est une idole que nul n'oserait déboulonner. L'émotion est au rendez-vous, les déclarations dégoulinent de bons sentiments, et tout le petit monde de la finance jure, la main sur le cœur (ou sur le portefeuille), vouloir sauver le temple.
Mais sous les lambris dorés des professions de foi, la manœuvre avance, patiente, sûre d’elle-même : on démolit la solidarité au burin et on bétonne la Bourse sur ses ruines. Pendant que les tribunes bêlaient à l’unisson leur amour de la Sécurité sociale, les vautours du CAC 40 préparaient le banquet. En dix ans, les Français se sont doucement laissé glisser du giron collectif vers les crocs de la capitalisation : 15,3 millions d'entre eux désormais rançonnés, rassurés à coups de slogans sur « l’avenir sécurisé » et d’avantages fiscaux parfumés au luxe discret.
Le mécanisme est vieux comme la ruse des puissants : saboter d’une main ce qu’on vendra de l’autre. On vide les caisses à coup d'exonérations patronales, on transforme la régression sociale en fatalité comptable avec le mythe du « trou de la Sécu », on sape les pensions au burin. Puis, quand l’angoisse est bien mûre et que le salarié moyen rêve déjà de boulots de survie pour sa retraite, on lui tend, le sourire carnassier, un Plan Épargne Retraite... pour ceux qui ont encore de quoi remplir un livret, bien sûr.
La ficelle est énorme — on pourrait y pendre un pays entier — mais l’indifférence, cette complice majestueuse, est plus épaisse encore. On privatise sans dire son nom. On habitue les pauvres à mendier leur survie, pendant que les riches capitalisent leur empire.
Depuis quarante ans, les banques, les assureurs, les think tanks parfumés à l'after-shave néolibéral travaillent la bête : rabâcher que la solidarité est un archaïsme, que la retraite publique est un musée, qu'il faut confier son avenir aux marchés — ceux-là mêmes qui font sauter les économies tous les dix ans. 1987, 2008, 2022 : le casino brûle, les jetons s’envolent, mais la religion du risque est plus tenace qu’une foi médiévale.
Avec Macron, ex-banquier d’affaires et VRP hors pair de la financiarisation du monde, la machine s'est emballée : cadeaux fiscaux XXL aux assureurs, marketing de la peur en continu, festivals de déductions fiscales pour les classes qui peuvent encore s'acheter un avenir.
La France, doucement, docilement, prend la voie royale : celle où les retraités n'espèrent plus vivre, mais seulement survivre entre deux boulots précaires, une tournée Uber, ou un inventaire de rayons en grande surface. Et quand les fonds spéculatifs s'effondreront — car ils s'effondrent toujours — il faudra, encore une fois, racheter à prix d’or la misère organisée, pendant que les vieux passeront leurs dernières années à compter leurs centimes.
Le plus beau, dans ce coup d’État néolibéral, c’est qu’il se présente en costume trois-pièces de « pragmatisme ». On parle de « liberté de choix » alors qu’on détruit tout ce qui faisait choix. On vend la ruine comme un progrès. Les riches capitalisent leur fortune, les pauvres capitalisent leur désespoir.
Il n'y a jamais eu de débat. Il y a eu une guerre sociale, froide et méthodique, contre l’idée même de société. Car pour les néolibéraux, la solidarité n’est pas une avancée, mais une anomalie honteuse qu’il faut effacer, comme un mauvais paragraphe dans un rapport d’audit.
Et demain, quand la retraite sera devenue une partie de roulette russe sur les marchés financiers, quand nos vieux crèveront en portant des sacs de livraison ou en tenant les portes automatiques, on entendra, en boucle, la rengaine anesthésiante : « Mais voyons, tout le monde adorait la capitalisation ! »
Tout le monde... sauf ceux qu’on a délibérément condamnés au silence.

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