C’est deux semaines avant Noël que les ouvriers de l’usine Pentair-SAPAG de Ham apprennent la nouvelle : la direction du groupe souhaite délocaliser leur usine. C’est la stupéfaction, et il y a de quoi. L’usine est pourtant rentable et a même atteint des objectifs supérieurs à ceux escomptés, avec notamment 60 millions d’euros en trésorerie et une marge brute de 18 %. Ajouté à cela un million d’euros d’aide versé par un pouvoir dit de gauche via le dispositif du CICE, la nouvelle est difficilement digérable. Même les chantres de la “mondialisation heureuse” éprouveraient les plus grandes peines pour nous faire avaler la pilule. Qu’importe, tout est envisageable pour satisfaire l’actionnariat, cette entité sans nom et sans visage, à qui il est donc difficile de mettre une bonne baffe.
Rachetée il y a deux ans seulement par la multinationale Pentair, la robinetterie picarde SAPAG est réputée dans son domaine. Pentair fait ici coup double en mettant également la main sur de précieux brevets industriels. SAPAG peut en effet faire valoir une expertise reconnue dans le monde entier, qui a notamment servie à l’élaboration complexe de circuits d’eau potable dans des villes comme New York ou Hong-Kong. Un savoir-faire utile donc, dont nous pouvons être fier.
Dans un autre genre, connu pour la protection d’un autre type de robinetterie, le succès de la startup «Le Slip Francais» a fait grand bruit. Il est difficile de ne pas avoir entendu parler de la success story de cette entreprise. Fondé par un séduisant entrepreneur issu de la Haute Ecole de Commerce, une sorte de petit Emmanuel Macron bien propre sur lui, le Slip Français cartonne et on nous le fait savoir ! Bien entendu, on ne peut que se féliciter du rayonnement qu’il a su amener sur un savoir faire aussi valorisant et utile, à savoir la fabrication du «slip qui sent bon» (sic).

On n’ose imaginer la levée de boucliers potentielle si l’on apprenait le rachat par le groupe GAP de cette marque et la délocalisation de ses usines. Des manifestations de solidarité auraient lieu devant la boutique rue Vieille du Temple, tout le monde mettrait la main au portefeuille pour s’offrir un slip de la marque (comptez tout de même 30 € pour une entrée de gamme). Non décidemment, les pouvoirs publics devraient agir pour défendre cette nouvelle victime du prédateur qu’est le capitalisme financier !
Nous avons donc d'un côté une usine employant presque 200 personnes, dont l'expertise apporte une indéniable valeur ajoutée à la communauté, et de l'autre, une startup qui fabrique un slip qui sent bon. Comment justifier rationnellement un tel écart de traitement ?
En attendant, la liste des victimes réelles, elle, s’allonge tous les jours. Un million d’emplois industriels ont été supprimés en France depuis 15 ans. A ce rythme la, on finira tous en slip, et ce sera du Tati.
