Souvent cité, rarement lu, l'ouvrage de Jean-François Gravier, "Paris et le désert français", publié en 1947, a constitué le fil conducteur non seulement des devoirs de nombreux étudiants en géographie, mais aussi des politiques d'aménagement du territoire.
Force est de constater qu'après plusieurs décennies de politiques publiques, les questions des équilibres territoriaux, de l'aménagement de l'espace et du développement infra-territorial restent prégnantes. Il est très probable qu'elles vont être au coeur de la campagne. Pour le moins, il faut l'espérer, au vu de leur importance. En effet, les éclairages récents des ouvrages de Christophe Guilly, Hervé Lebras, voire indirectement d'Emmanuel Todd, ont mis en perspective l'acuité des problèmes soulevés par les déséquilibres internes. Ces travaux ont d'ailleurs fait exploser les représentations issues de Jean-François Gravier dont les points de départ étaient les conséquences de l'exode rural post-industriel, ainsi que celles des grandes saignées consécutives à la Grande guerre qui ont laissé exsangue de nombreux départements ruraux. Aujourd'hui, penser l'aménagement c'est s'interroger sur la manière dont ont peut permettre un développement équilibré du pays, ses interactions avec les questions d'emploi, de logement, de mixité sociale, le tout à l'aune de la mondialisation qui a tendance à resserrer autour de quelques métropoles les espaces de progrès.
Cette concentration, déjà connue par l'Italie lors de l'unité, risque de désertifier des pans entiers du territoire. Ce phénomène est à l'oeuvre. Qui n'a jamais traversé l'Yonne, l'Aube, la Haute-Marne, l'Aude ou la Loire non seulement un dimanche après-midi, mais aussi un mardi matin ne peut apprécier la signification de cette diagonale du vide. Après 30 de Décentralisation, la France attend un acte III solide qui permettrait d'infléchir cette mécanique de ségrégation territoriale. Les pistes de réflexions sont connues. Accompagner les créations d'entreprises, de clusters régionaux, favoriser les nouvelles technologies, pousser la spécialisation productive sur des segments économiques d'avenir, maintenir les services publics locaux, ainsi que les moyens de transports sont autant d'axes qu'il convient d'emprunter. L'égalité proclamée par la République, celle issue de l'abolition des privilèges, doit aussi être celle des territoires car derrière ce concept, on retrouve les citoyens qui attendent l'égalité réelle et aspirent bien souvent à vivre dans un environnement ouvrant aux mêmes droits que leurs compatriotes des centres-urbains. Ces enjeux sont considérables car derrière, on retrouve en creux les questions d'intégration et de logement. L'attraction métropolitaine est discriminante car elle accentue les problématiques de logements. Gaston Defferre a su en d'autres temps révolutionner les traditions jacobines. Désormais, il faut aller au-delà, quitte à bouleverser le paysage institutionnel. Les bassins naturels de développement des marges, ou des marches de la France sont, par exemple, tournées vers des coopérations transfrontalières. De même, cette rationalisation et cette reconquête de l'espace doit permettre d'optimiser la dépense publique. Au coeur même des métropoles, les décisions prises sont trop souvent modestes.
C'est un nouvel Haussman qui est attendu. Les gains obtenus par une réelle réforme territoriale pourrait ainsi être alloué aux territoires les plus déshérités. Alors, oui, nous attendons de l'audace. Les réponses devront être à la hauteur des défis auxquels nous sommes confrontés !