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Billet de blog 22 juin 2013

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Libérez nos camarades !

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Il n'avait aucune mauvaise intention, selon ses dires. Porté par son indignation dans une manifestation interdite, il a vu débouler les flics et a paniqué. Course poursuite, interpellation musclée, imputation de rébellion, et, comme il y a récidive, deux mois fermes et une lourde amende…l'accablement d'un gamin dégrisé, la consternation de la famille, l'angoisse face à l'épreuve cruelle de l'incarcération…

Je parle, bien sûr, de Nicolas Bernard Buss, 23 ans, militant anti-mariage homosexuel et cadre fondateur du mouvement des "veilleurs", condamné mercredi 19 juin par la 16e chambre correctionnelle de Paris à quatre mois de prison dont deux avec sursis, pour rébellion et fourniture d'une identité imaginaire, et à une amende de 1 000 euros pour refus de prélèvement de son ADN et de ses empreintes, condamnation assortie d'un mandat de dépôt ?

Non. Il s'appelait Pablo, Mohammed ou Boubakar. C'était en 2005, où les banlieues s'étaient embrasées pendant 3 semaines. Jean Lambert, brillant philosophe qui a fréquenté un moment notre établissement, avait eu un mot fulgurant pour décrire ce mouvement : « On n'y voit pas très clair, dans votre démocratie ! Allumons une voiture ! »

Ce n'était pas pour dégradation de biens que comparaissaient Pablo, Mohammed, Boubakar et les autres ; mais pour présence interdite sur la voie publique (c'était le couvre-feu), refus d'obtempérer, rébellion , fourniture d'identité imaginaire…et surtout récidive, fréquente…Je revois ces gamins poussés vigoureusement par les policiers au tribunal d'Evry, ma ville (pour eux, c'était filmé, et non flouté), avec le regard apeuré de tous les prévenus du monde, et les mois fermes tombaient comme à Gravelotte. Rien de nouveau sous le soleil, donc…Si, tout de même : une différence de taille. Personne, absolument personne n'y a trouvé quoique ce soit à redire, n'a ajouté la moindre foi à leurs protestations d'innocence, n'a évoqué leur droit à l'indignation face à la vie qui leur était faite…Ils étaient basanés ou noirs, mal habillés, mal éduqués. L'écho de leur condamnation unanime continue à résonner aujourd'hui : "Prison pour la racaille, pas pour Nicolas !" , « CRS en banlieue ! »…Tout est dit. Tout le monde, absolument tout le monde a trouvé qu'il était bon que l'ordre républicain s'applique avec la dernière rigueur, que le mouvement s'arrête enfin, même à gauche…même à gauche.

Alors aujourd'hui que le droit à s'indigner, à s'insurger, devient une évidence jusque dans les paroisses et les permanences UMP, aujourd'hui qu'on s'avise de croire sur parole un gamin qui clame son innocence et sa bonne foi, aujourd'hui qu'on s'alarme de la sévérité contre la jeunesse, j'ai envie de pousser (avec 8 ans de retard, à ma honte) pour les Pablo, Mohammed et Boubakar de 2005, le vieux cri de nos jeunes années : libérez nos camarades !

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