Question de feu
Sur le site de Martine Vassal, accompagné d'image de feu, on trouve ces propos de la candidate : « J’ai été très choquée par l’agressivité, la violence et la haine des militants de l’ultra-gauche contre la police. Marseille ne mérite pas Jean-Luc Mélenchon et ses affidés.»
Le terme ultra-gauche utilisé par Vassal interroge, il n'est pas familier comme celui d'extrême-gauche. Mais en quoi Mélenchon est-il lié à de tels mouvements lorsqu'il se déclare lui-même mitterrandiste convaincu plutôt proche de Defferre, dernier grand maire de Marseille, que des black blocks ? Pour comprendre ce terme d'ultra-gauche que l'on retrouve plutôt dans la bouche d'individus se réclamant d'une droite dure rappelant celle de 1938, il faut admettre qu'il "serait vraisemblablement plus juste d’établir l’image d’une agrégation de groupes ou groupuscules agissants pour décrire l’ultragauche française. "
L'image du feu à Marseille ne manque pas de renvoyer à celle de l'incendie des Nouvelles Galeries du 28 octobre 1938.
L'attitude ambigüe de Daladier, la pression d'une droite très conservatrice voire plus, ont conduit à la mise sous tutelle de Marseille en mars 1939, tutelle levée en juillet 1944. Le maire de l'époque est Henri Tasso, il était un des rescapés du Front Populaire, élu en 1935. La montée en France d'une droite nationaliste et dure qui conduira à imposer Pétain, explique certainement la façon dont l'incendie des Nouvelles Galeries qui fit 73 morts servit de prétexte pour évincer un des derniers tenants d'une époque dorée, celle de 1936, durant laquelle l'essentiel des mesures sociales qui font que la France est un pays respirable ont été prises.
Question de recours
Il est clair que madame Vassal nous renvoie à ce passé, et ce d'autant plus, que suite à l'incendie des Nouvelles Galeries la gestion de l'eau à Marseille est devenue une affaire privée, dont elle est plus que partie prenante comme le rappelle Michèle Poncet-Ramade dans son article, Martine Vassal experte du conflit d'intérêt.
Dans cet article, il y est, entre autre, question d'un recours "déposé par quelques élus d’EELV en décembre 2013. Il met notamment en cause le rachat injustifié à la SEM à la fin de l’ancien contrat, du parc de compteurs d’eau, initialement évalué à 2,8 millions d’euros". Le weekend du 7-8 décembre 2013, je me rends à Marseille pour retrouver mes amiEs de l'eau, en l'occurrence Michèle Poncet-Ramade et Nicole Hugon, elles sont toutes deux alors conseillères municipales et comptent bien éplucher le nouveau contrat que la mairie a passé avec la SEM qui va bientôt devenir la SEMM et qui est une filiale de Véolia spécialisée d'ailleurs dans les changements de nom puisqu'elle se fait à présent appeler Eaux de Marseille tout cours. Je me souviens de ce weekend où j'ai découvert que le canal de Marseille dont la construction fut décidée en 1834 par Consolat, alors maire de Marseille, servait, au passage, à refroidir le centre de recherche nucléaire du CEA à Caradache. Je me souviens que l'on avait vérifié que les eaux du canal étaient réchauffées en respectant les normes européennes, et alors Nicole Hugon se rendit compte qu'il y avait un hiatus avec les compteurs d'eau. Je fais un calcul rapide et nous nous rendons compte que le temps imparti pour changer tous les compteurs de Marseille n'est pas cohérent avec les données du rapport. Restait à implémenter la procédure judiciaire.
Depuis que Peter Paulich m'a enrôlé dans la campagne Right2water en 2013, je me suis littéralement plongé dans les problèmes de l'eau, bien qu'à travers le mouvement Utopia, je me sois déjà préoccupé de l'eau comme objet politique à partir de 2011 à travers des rencontres notamment avec Danielle Mitterrand et Dominique Voynet. C'est Peter qui en 2013 me permet de rencontrer Michèle Poncet-Ramade, par la suite nous aurons de nombreux échanges et j'ai appris à mieux connaître une personne d'une grande culture depuis Reiser qui fut un ami de famille jusqu'à l'opéra et cette amitié avec Pezet qui, pour elle, est un grand homme de culture, il aurait mérité d'être ministre de la culture facilement. Michèle Poncet-Ramade est une rocardienne pur sang ce qui nous rapproche beaucoup. J'ai moi-même fait partie de l'assemblée des étudiants réunis à Jussieu le 4-5 décembre 1986 sous la direction de David Assouline qui en décembre 2006 a condamné définitivement la loi Devaquet ; à l'époque notre héros était bien Rocard, le gouvernement de 1988 était un peu le notre. Le nom de Poncet-Ramade résonne pour moi dès fin 80, j'habitais alors entre Nimes et Montpellier, et j'avais eu l'occasion de rencontrer Georgina Dufoix, ministre de la santé, et aussi porte-parole du gouvernement. Je m'intéressais déjà à la politique sans y être impliqué et il est fort possible que j'ai été alors alerté par le soutien de Brice Lalonde à Michèle Poncet-Ramade à plusieurs reprises dont notamment lors des législatives partielles de 1989. À partir de 1995, Michèle Poncet-Ramade est élue conseillère municipale et va présider, à partir de 2008, le groupe écolo à la mairie de Marseille. À cette époque, elle aurait pu devenir sénatrice mais elle a préféré mettre en avant sa famille et laisser la place à Jean Desessard. Comme elle l'explique dans un petit reportage, être neurologue et mère de trois garçons ne laisse pas beaucoup de temps à la politique, et les priorités à certains moments sont les priorités. Michèle Poncet-Ramade n'a donc pas été ministre de la santé même si elle a été proche de Claude Evin, ni députée, mais tout de même elle a été membre du Conseil Economique et Social à la section Affaires sociales de 1988 à 1992 au titre des personnes qualifiées nommées par le Premier ministre (Michel Rocard) ; à présent renommé CESE, il s’agit de la troisième chambre de la République.
Ceci dit c'est le caractère profondément humaniste et protestant qu'il faut retenir chez Michèle qui a une grande connaissance de l'histoire de Marseille comme, par exemple, on peut le constater, pour ce qui est du passé récent, dans le livre de José d'Arrigo, Marseille mafias : Ce que personne n'ose dire. Mais peut-être ce qui caractérise le plus Michèle c'est son sens du renouvellement, de la volonté d'aller en avant et donc son implication dès le début dans le Printemps marseillais, à travers un texte mis en ligne le 11 juillet 2019 et publié la veille (10/07/2019) dans Libération.
Parmi les signataires, on notera la présence d'Ariane Ascaride et celle de Robert Guediguian... et là, je me permets une courte digression pour évoquer Montreuil. En effet, j'ai rencontré à plusieurs reprises Ariane Ascaride et Robert Guediguian au cinéma Le Méliès invités par Stéphane Goudet. Or, entre autres choses, Le Méliès et sa direction ont été une source de conflit très violent avec Dominique Voynet. Quand je vois ce qu'il se passe à présent à Marseille, je regrette encore ce conflit que je qualifierais de stupide de la part de l’équipe alors en place à la mairie de Montreuil, et pourtant, j'ai de nombreux amis dans cette équipe, mais il faut savoir être objectif et reconnaître que Stéphane Goudet fait un travail remarquable et qu'il est difficilement remplaçable. À noter cependant que c'est Dominique Voynet alors ministre du gouvernement Jospin qui a remis la légion d'honneur à Michèle Poncet-Ramade. La boucle est bouclée.
Je note aussi dans la liste des premiers signataires la présence de mon ancien professeur d'acoustique Jean Kergomard qui a repris le flambeau du LAM anciennement dirigé par Jean-Claude Risset... l'Ircam de Pierre Boulez n'est pas loin, et rappelons, s'il le faut, que Pierre Boulez était lui-même signataire du fameux Manifeste des 121.
Donc oui, si Michèle Rubirola devenait maire de Marseille, on pourrait dire que Marseille se dote enfin d'une équipe à la hauteur de sa beauté !!
Question d'eau
Si vous votez, avant de voter posez-vous la question: est-ce que la personne pour qui je vais voter à un penchant pour les municipalisations? Terme barbare qui remplace la notion de nationalisation devenu obsolète. Il est en effet possible pour une mairie de municipaliser ou remunicipaliser des services comme les transports ou la distribution de l'eau. Concernant l'eau, il faut savoir que, de plus en plus, ce sera une denrée rare, pourtant c'est la seule qui nous soit totalement vitale. D'ailleurs si l'on pense à l'hygiène, ce n'est pas seulement une denrée, c'est aussi une source de vie et de bien-être. Or lorsque l'eau n'est pas municipalisée des compagnies en profitent pour se faire beaucoup d'argent sur le dos du contribuable et pour ne pas délivrer un service à la hauteur des espérances quand on pense à l'importance de l'eau. Créer un réseau de distribution de l'eau est certes compliqué et coûteux mais l'entretenir et le diversifier ne l'est pas, pourtant cela est nécessaire bien souvent, et n'intéresse pas, la plupart du temps, des compagnies soucieuses d'engranger un maximum de bénéfice en en faisant le moins possible. À Paris, la remunicipalisation de l'eau a permis l'ouverture au public de fontaines avec une eau plus que pure car préhistorique et n'étant quasiment pas atteinte par la pollution. Les gens qui prennent, par exemple, de l'eau à la fontaine de la Butte aux Cailles savent bien que cette eau est très peu calcaire, des ouvriers me l'ont certifié en remarquant qu'ils n'avaient plus besoin de changer les filtres de leur machine à café.
Voilà, je ne dirai pas que je pourrais être intarissable sur les problèmes de l'eau car j'ai trop de respect pour mes amiEs, souvent lanceurs d'alerte, qui passent beaucoup plus de temps que je n'en passe à défendre l'eau comme une source de vie non monnayable. J'ai d'ailleurs découvert il y a 4 ou 5 ans lors d'un colloque sur l'eau à Marseille, que les Irlandais ne faisaient pas payer l'eau jusqu'en 2015 mais le service associé comme un impôt. C'est vrai que ça paraît logique, l'eau ne devrait en aucun cas être considérée comme une marchandise, par contre toute l'infrastructure qui nous permet d'avoir de l'eau a un coût et il est normal que chacun participe. Je recommande fortement, pour réfléchir et aller plus loin, la lecture d'H2O d'Ivan Illich, vous pouvez aussi visionner ma présentation ici, à partir de 16mn30.
Concernant le Printemps Marseillais, initié en partie par Michèle Poncet-Ramade, il était clair que la question de la remunicipalisation de l'eau serait abordée. D'après Marc Laimé, grand spécialiste de l'eau, il y a à Marseille un réel espoir d'une gestion publique et citoyenne de l'eau:
" La liste citoyenne du "Printemps marseillais", qui semble en passe de l’emporter dans la métropole phocéenne, a élaboré un programme de gestion publique et citoyenne de l’eau, dans toutes ses composantes, sans précédent dans l’histoire récente des élections municipales en France. Issu des travaux approfondis d’un collectif d’associations d’usagers de l’eau, ce programme a pris en compte toutes les composantes de la gestion de l’eau à l’échelle d’une grande agglomération : gestion de la ressource dans le milieu naturel dans le contexte du changement climatique, prévention des inondations, gestion des eaux pluviales via un urbanisme rénové, affirmation d’une véritable démocratisation de la gestion de l’eau, préparation du retour à une gestion publique de l’eau et de l’assainissement à l’échelle de la métropole, programmation à dix ans d’un véritable programme pour une gestion soutenable et équitable de l’eau, implication massive des citoyens et de leurs associations, véritable accès à l’eau pour les plus démunis…Bref, un programme exemplaire, planifié, budgété. Un atout considérable à l’image de la promesse de rénovation profonde de la vie publique portée par le Printemps Marseillais. "
Question de Maire
Pour finir, comme nous sommes dans la dernière ligne droite, une grande question reste, est-ce que Rubirola aura la majorité ou une majorité relative ou pas ? Bien sûr, pour être sûr de voir un Marseille plein de vie, d'espoir, de culture, de joie, il faut voter massivement pour Michèle Rubirola, mais dimanche 28 juin 2020, peut-être, au soir, faudra-t-il se poser la question d'une majorité stable. Il est clair que la position de Samia Ghali sera alors scrutée avec attention. Samia Ghali, comme Michèle Poncet-Ramade, est investie dans les quartiers Nord de Marseille. Les deux militantes se connaissent bien, et quoi qu'il en soit, il serait étonnant que Samia Ghali n’ait pas l'ambition pour sa ville de voir une nouvelle maire dont l'étiquette politique n'est pas si loin de la sienne, et ce malgré les divergences qu'il y a pu avoir entre les deux tours.
Le 3ème tour à Marseille s'annonce donc possiblement compliqué, en cela l'attitude de Chahidati Soilihi comme soutien de Samia Ghali me paraît positive. Je comprends aussi l'attitude moins positive de Coppola même si j'y adhère moins ou franchement pas. L'enjeu du 15/16 reste grand, et je reste persuadé que Samia Ghali, après être élue, ce qui ne fait aucun doute, saura par la suite choisir son camp même si son poste de sénatrice pourrait être en jeu dans la balance.
Pour conclure, je retiens que Michèle Poncet-Ramade aura été une grande artisane de ce nouveau Marseille qui se profile. En tant que cheffe de file des écolos pendant de nombreuses années, elle a su aider, soutenir, encourager nombre d'élus, elle a aussi ces dernières années su faire front avec lucidité et humanisme à Stéphane Ravier. Sa position en queue de liste dans le 13/14, certes lui laisse peu d'espoir d'être élue, mais elle me rappelle celle de Raymond Avrillier à Grenoble en 2014. Pour mémoire, Eric Piolle fut élu avec Raymond Avrillier au deuxième tour en queue de liste. Je me souviens alors de l'avoir croisé à l'Assemblée Nationale, bien que non-élu après l'avoir été pendant 20 ans, il était évidemment très heureux de la victoire et de pouvoir aider, "il y a du travail!" m'avait-il dit. Notons finalement, qu'élue ou pas Michèle Poncet-Ramade aura elle aussi beaucoup de travail à faire pour qu'à Marseille, l'eau revienne enfin aux citoyenNEs.