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Billet de blog 27 avril 2025

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Le préfet de l’Aude, le BRGM et la pollution de la vallée de l’Orbiel

Dans le département de l’Aude, le bassin versant de l’Orbiel a été profondément impacté par plus d’un siècle d’activités minières et industrielles. Depuis presque trente ans, l’Etat intervient pour tenter de juguler ce lent désastre chronique qualifié dès juillet 2004 par Le Figaro de « petit Tchernobyl souillé à l’arsenic, au cyanure, au plomb […] et d'un gouffre financier ».

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Dans le département de l’Aude, le bassin versant de l’Orbiel a été profondément impacté par plus d’un siècle d’activités minières et industrielles. Dans cette vallée où furent à une époque la plus importante usine productrice d’arsenic au monde, le plus gros extracteur d’or d’Europe (sans parler de l’argent, du cuivre, du bismuth, du manganèse, de l’antimoine, etc.), mais aussi -de 1992 à 1996 seulement, mais hélas bien trop longtemps néanmoins- une pseudo-usine de « recyclage » de déchets toxiques venus du monde entier, ces activités ont lourdement marqué les populations (des milliers d’emplois créés puis détruits et des pathologies significatives comme l’ont démontré plusieurs thèses), modifié les paysages, pollué les sols et les aquifères tant en surface qu’en souterrain sur plusieurs dizaines de kilomètres carrés.

Il en a résulté une des plus grandes décharges chimiques au monde, qu’ont décrite beaucoup de médias depuis plus d’un quart de siècle, aussi bien au plan local (innombrables articles) qu’au plan national (par exemple LIBÉRATION du 23/06/1995, LA CROIX DU MIDI du 23/11/1995, LE MONDE du 07/04/1998, CHARLIE-HEBDO du 24/11/1999, L’HUMANITÉ du 24/04/2000, etc.), tandis que, parallèlement, se multipliaient les rapports alarmistes de l’élite des hauts fonctionnaires.

Depuis presque trente ans, l’Etat (c’est-à-dire le contribuable) intervient pour tenter de juguler ce lent désastre chronique qualifié le 5 juillet 2004 par LE FIGARO de « petit Tchernobyl souillé à l’arsenic, au cyanure, au plomb (…) et d'un gouffre financier ». Les modes de calcul étant sujets à controverse, ce seraient au minimum 196 millions d’euros, au maximum 300 millions d’euros, qui auraient déjà été dépensés à cette fin.

Le 02/02/2025, le réseau d’information STOPMINES a diffusé un « dossier de presse » de 19 pages sous l’égide de six associations, dont trois sont connues nationalement : le SECOURS CATHOLIQUE, l’UFC-QUE CHOISIR, la LIGUE DES DROITS DE L’HOMME – section de Carcassonne. Protestant contre la cartographie des sols potentiellement pollués telle qu’organisée par la loi ALUR de 2013 (une cartographie requise à maintes reprises par certains des signataires de ce dossier de presse, qui ne pouvaient ignorer que le Parlement avait en 2013 voté qu’elle se traduirait par la définition de SIS), ces associations affirment en page 15 : "le préfet de l’Aude marque sa volonté de laisser le BRGM polluer la vallée de l’Orbiel".

Serait-il possible que le préfet veuille que le BRGM pollue une vallée habitée par des centaines de citoyens ? Ce serait grave, car il s’agirait du délit de pollution volontaire. Mais ces associations avaient déjà affirmé aussi, page 13, que "le BRGM demeure seul responsable de cette pollution qu’il génère depuis près de 20 ans".  Ce serait grave, car cette pollution serait donc "créée, produite" (sens de "générer" selon le Dictionnaire de l’Académie française) par le BRGM, ce qui serait un délit de pollution volontaire. Le problème est que le BRGM n’a aucune activité de création ou production de pollution dans ce bassin versant de l’Orbiel. Son rôle consiste à gérer, tenter de contenir la pollution en fonction des moyens budgétaires qui lui sont alloués par l’État (c’est-à-dire le contribuable).

D’une part, le préfet de l’Aude ; d’autre part, le BRGM ne peuvent-ils (ne doivent-ils ?) pas considérer être l’objet de diffamation par ces associations et déposer plainte ? Si, estimant qu’il ne s’agirait que de diarrhée scripturale (ce qui pourrait se comprendre au vu de la chronologie bizarre et incomplète présentée page 11, toujours à propos du BRGM), ils ne réagissent pas, alors ne pourrait-on en conclure que ces associations ont raison ?« Qui ne dit mot consent. »

Bien sûr, la préfecture de l’Aude, le BRGM, les 6 associations, le réseau de diffusion STOPMINES ont été interrogés préalablement à la médiatisation de ce texte.

Frédéric Ogé, retraité CNRS

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.