Ecoutez la souffrance des patients malmenés, constatez les inégalités d'accès aux soins, la morbidité et mortalité évitable.
Il ne s'agit pas seulement d'un système de santé en mal de moyens, il s'agit d'un système désorganisé, sans repères, à la merci de convoitises financières. Un système de santé en régression, inégalitaire, excluant.
Aussi la responsabilité de votre gouvernement est de ne pas traiter à minima les affres du système de santé, il ne suffira pas de gommer les incongruités laissées en héritage mais de prendre la mesure de l’enjeu que représente la politique de santé.
La première urgence est de rompre avec les croyances et dogmes qui pétrifient le système de santé. Il faut en changer la perception, bousculer les analyses. Il n’y a pas de place pour la nostalgie d'un âge d'or imaginaire, celui d'un consensus démocratique et social idéalisé, d'un monde médical qui ne serait plus ! Le système de santé suit une évolution socio-médico-technologique rapide. Les solutions d'hier ne seront pas celles de demain.
Les patients et les soignants ont subi depuis quarante ans les effets d'un dogmatisme médico-économique qui sévit encore dans quelques milieux autorisés.
Le champ de la santé est médico-psycho-social, le patient porte une histoire, la maladie est un déséquilibre qui atteint à la fois le corps, l'esprit et l'être social. La médecine art complexe dépasse, et de loin, la prestation de soins techniques ; elle est essentiellement un échange, entre le patient et le soignant, constitué d'affects, d'informations et de gestes.
L'industrie, le capitalisme, le commerce ont façonné notre monde et contraint nos consciences. Notre imaginaire peine à dépasser ce paradigme sociétal, pourtant ne sommes-nous pas déjà en route pour un autre modèle ? Pourtant n'avons nous pas pris conscience des limites écologiques, économiques et sociales d'un modèle voué à la production/consommation effrénée de biens manufacturés ? Ne voyons-nous pas poindre les nouveaux modes de production et d'échange des richesses ?
Notre monde ne sera plus jamais le même, la santé, système oh combien complexe, devrait accompagner cette mutation, las ! Elle est enfermée dans un carcan organisationnel et dévoyée aux intérêts privés. La double peine !
Gouvernance
Il est illusoire d'amender l'actuelle loi, dite Hôpital, patient, santé et territoire. Ce n'est pas par quelques retouches que nous sauverons un texte inopérant. Le problème central de cette loi est celui de la gouvernance. Celle ci doit renouer avec nos valeurs démocratiques et républicaines. Il faut créer un équilibre décisionnel entre mandant et mandaté, entre citoyen et soignant ; poser les conditions d'un dialogue social permanent et efficace, préférer le partage des informations et des décisions au dirigisme sous surveillance. La subsidiarité et l'autonomie doivent être promues à tous les étages du système : local pour la gestion, régional pour l'organisation, national pour le financement, européen pour la recherche et le développement.
Organisation des soins
La concentration de la production de soins est obsolète. Nous devons reconsidérer le système de soins comme un réseau d'unités de santé constitué de lieux médico-psycho-sociaux au plus près des besoins tant au niveau social que géographique. Notre espace-temps n'est plus celui du vingtième siècle, nous n'avons plus besoins d'usines de production de soins mais d'hôpitaux à taille humaine. L'efficience ne nécessite pas seulement une activité minimum mais impose aussi une taille maximum, principe d'évidence mais largement méconnu !
Cette course au regroupement se basait sur la recherche du moindre coût marginal, posture simpliste qui ignore la complexité d'un soin et les multiples intrications économiques et sociales qui l’accompagnent, la santé n'étant pas un produit « hors sol ». L'autre argument fut le nécessaire regroupement des compétences et la nécessaire spécialisation. Mais la compétence d'un acteur de santé est corrélée à l'incidence des cas qu'il a lui même traités et non de la moyenne des cas traités au niveau de sa structure d'appartenance. Il faut donc envisager une certification médicale individuelle et non institutionnelle. De même l'expertise nécessitait des rapports professionnels physiquement directs, à l'heure d'internet cela n'est plus nécessaire.
Il est temps de tourner la page et de rafraichir nos concepts, oublions l'hôpital forteresse replié sur lui même, oublions l'organisation stratifiés des soins avec des médecins de premiers recours et d'autres hyper spécialistes, oublions le schéma pyramidal et hiérarchisé des structures de soins et son corollaire le « vertueux » parcours de soins, oublions l'hôpital général censé tout faire...
Imaginons un système où les acteurs autonomes et responsables travaillent en interaction au sein d'un réseau médico-psycho-social. Imaginons les unités élémentaires de santé et laissons les métiers de santé évoluer en potentialisant la spécificité de chacun.
L'organisation du système de santé interpelle la territorialité. En tout domaine nos territoires nécessitent une réforme à la hauteur des besoins de cohérence et d'efficacité et non un arbitrage de conciliation. Le territoire de santé, permettant la gestion quotidienne des problématiques médico-sociales est à ce propos un sujet traceur très structurant.
Il est des déserts médicaux géographiques mais aussi sociaux (20% de renoncement aux soins). Seule une réponse coordonnée peut y remédier en réparant le maillage mis à mal et en restaurant la confiance des soignants.
La médecine générale est la médecine de référence, elle doit pouvoir assurer l'éducation, la prévention, le traitement, le suivi de tous les patients et assurer la prise en charge de l'essentiel de leurs problèmes de santé.
La médecine d'urgence assure la permanence à toute heure et tout lieu de tous les incidents et accidents de santé potentiellement urgent : 100% de la population doit être à moins de 30 mn et 80% à moins de 15 mn d'un médecin urgentiste.
Des structures d'hospitalisations de soins polyvalents doivent être installées dans un souci de proximité en interface aux établissements de prise en charge des personnes dépendantes.
Les plateaux de techniques doivent se structurer dans un souci de coopération et de redéploiement des différentes spécialités pour garantir la cohérence entre les contraintes médico-techniques et les besoins de la population (consultations, explorations, interventions).
Soignants
Le système de santé n'existe que par ses acteurs, ils doivent être entendus, les carrières valorisées en prenant enfin en compte la pénibilité des métiers. Il n'est pas cohérent de former pendant 4 ans des infirmier(ères) qui ne travaillerons que 8 ans ! Et s'il est question de rigueur budgétaire 2 ,5 milliards d'euros de dépassement d’honoraires représentent 50000 postes d'infirmier(ères).
Tous les médecins sont désormais spécialistes, il faudra en tirer toutes les conséquences, en particulier pour leurs rémunérations et les aménagements professionnels qui doivent intégrer différents paramètres afin de redonner l'attractivité nécessaire aux spécialités délaissées.
Nous portons la honte de notre passé colonial, mais nos pratiques en gardent certains stigmates tel les médecins à diplôme hors communauté européennes qui sont toujours par milliers au service de nos malades avec des salaires inférieurs à leur collègues et sans certitude pour leur avenir, cet état de fait est profondément injuste et infamant.
Enseignement
La formation aux professions de santé, initiale et continue doivent être modernisée et émancipée de l’industrie pharmaceutique. Il faut décloisonner les professions et les spécialités. Inclure une logique licence, master, doctorat qui permette les passerelles.
La santé ministère d’état
La santé est le bien le plus précieux de chaque être humain, il est inconcevable qu’elle ne soit pas au centre du processus politique car transversale et structuratrice de toutes les autres politiques.
Abandonnons cette vieille vision d’une santé en négatif, abordée comme une charge sociale, la santé n’est pas l’absence de maladie, la santé c’est la vie et la politique n’est ce pas vouloir le devenir de la vie ?