Les élections régionales illustrent une fois de plus la relativité des commentaires politiques. Les élections européennes de l'an dernier sont suffisamment fraîches à nos mémoires pour que nous nous souvenions que s'était imposée alors l'idée que l'UMP avait gagné les élections européennes avec 27% des voix, puisqu'elle était arrivée en tête et avait obtenu le plus grand nombre de parlementaires européens. En 2010, avec 26% des voix, Mediapart considère qu'elle réalise «son plus mauvais résultat électoral de l'histoire de la Ve République»… Cherchez l'erreur…
Y a-t-il erreur ou la différence d'enjeu de l'élection suffit à justifier la différence d'appréciation ? En réalité, il n'y a pas de vérité en matière d'interprétation des résultats électoraux et c'est là que réside la source de l'incroyable richesse imaginative des porte-parole lors des soirées électorales. Le résultat d'une élection, a fortiori quand il y en a 26 ou… 36 000 comme pour les municipales, peut s'évaluer en nombre de voix brut, en nombre de voix relatif (par rapport aux inscrits ou par rapport aux exprimés), en nombre de sièges ou en nombre de régions décrochées ou conservées. Le palmarès des partis peut être réalisé en les comparant les uns aux autres lors de la même élection, en les comparant au score que chacun a obtenu lors d'une élection précédente (la plus récente, en l'occurrence les Européennes, ou la dernière élection de même type, en l'occurrence les élections régionales de 2004) ou encore, comme c'est souvent le cas, par rapport aux sondages qui ont précédé l'élection.
Le message que doit alors faire passer le spécialiste, qu'il soit politologue, politiste ou journaliste, est alors de rappeler cette relativité et de proposer le plus de grilles possibles d'interprétation du scrutin. Lorsque le niveau d'abstention atteint plus de 50% des inscrits, l'un des premiers réflexes devrait être de ne pas simplement comparer des pourcentages de suffrages exprimés, mais de comparer les suffrages par rapport aux inscrits et mieux encore de s'attacher au nombre de voix et à son évolution par rapport aux élections précédentes.
Que nous apprend sous cet angle le premier tour des élections régionales ?
En nombre de voix, les "perdants" de l'élection sont les forces politiques suivantes : l'extrême-gauche qui perd 350 000 voix par rapport à 2009, Europe écologie qui perd 400 000 voix, le Modem 600 000 ! Les "vainqueurs" sont le Front de gauche qui bien que ne présentant pas de liste seul dans toutes les régions gagne 100 000 électeurs par rapport à 2009, le FN qui double son électorat, qui passe de 1,1 à 2,2 millions et le PS. Le score du PS est difficile à évaluer en raison du fait qu'il se présentait dans certaines régions dès le premier tour avec des communistes, voire certains écologistes ou démocrates en rupture de ban. Mais même si l'on compare les listes PS seules de 2010 à celles de 2009, le PS gagne 1,7 millions d'électeurs, auxquels il faudrait donc ajouter 1 million de suffrages recueillis par les listes communes conduite par une tête de liste PS (la liste Frêche n'étant pas ici comptabilisée).
Et l'UMP dans tout cela ? Compte tenu de la progression de la participation par rapport aux européennes, elle augmente son nombre de voix d'un peu plus de 200 000 par rapport à 2009. Faut-il dès lors conclure que ces élections sont un succès pour le parti de Nicolas Sarkozy ?
Bien sûr que non puisque, comme nous l'avons dit, il n'y a pas de "vérité" absolue en la matière… Le résultat de l'UMP est simplement aussi mauvais qu'aux européennes. Le nombre de régions que contrôlera la gauche apparaîtra de toutes façons à la plupart des commentateurs comme le véritable arbitre du scrutin. Ce faisant, ces derniers ignoreront qu'entre 6 ou 8 régions seront conquises par la gauche à la faveur d'une triangulaire sans atteindre la majorité absolue et que, surtout, compte tenu du niveau sans précédent d'abstention à une élection régionale, dans la plupart des régions les "majorités" auront reçu probablement le soutien de moins d'1 électeur inscrit sur 4 (ou même sur 5 si l'on inclut les 10% de Français en âge de voter non inscrit sur les listes électorales).
Morale de l'histoire : en politique, les vainqueurs sont toujours ceux qui ne s'avouent pas battus.