Chavez, Mélenchon, le socialisme et Mediapart
Mediapart est obsédé par la situation au Vénézuéla. Il faut se demander pourquoi ? Pourquoi le pouvoir politique en place à Caracas est-il l'objet d'un tel acharnement ? Pourquoi le Vénézuéla, et pas l'Arabie Saoudite, par exemple ?
Le contexte : un président régulièrement élu s'accroche au pouvoir et use de coups de force contre une opposition qui use elle aussi de coups de force. Des morts par dizaines, des 2 côtés, il faut le souligner. L'expérience "socialiste" du Vénézuéla a consisté à redistribuer les revenus de la rente pétrolière. Avec la baisse du prix du pétrole, cette redistribution est devenue impraticable, et constitue la cause immédiate des difficultés actuelles. Ce modèle a fait naufrage, personne ne peut le contester.
Nombre d'intellectuels de gauche ont adulé, contre toute évidence, l'expérience soviétique et ses dérivés asiatiques ou tiers-mondistes. Entre 1945 et la chute du mur de Berlin, la doxa dominante dans le monde intellectuel était que l'avenir de l'humanité ne pouvait être que le socialisme, sous une forme ou une autre (je me souviens d'échanges musclés, à la fac de Nanterre, avec un assistant, parce que je refusais de célébrer le 1er anniversaire de la « libération » de Phnom-Penh par les khmers rouges. Cet assistant est devenu depuis un défenseur acharné de la démocratie bourgeoise).
Lorsque le régime soviétique s'est effondré, les intellectuels de gauche ont jeté le bébé socialiste avec le bain soviétique dans lequel les libertés de l’Europe de l'est s'étaient englouties, considérant que définitivement, démocratie et socialisme étaient incompatibles.
Le parti-pris anti-Chaviste de Mediapart n'est pas inspiré par la CIA, ou le fruit d'un complot américano-judéo-maçonnique, mais l'expression du tropisme anti-socialiste de beaucoup d'intellectuels de gauche contemporains. Toute une génération s'est fourvoyée dans la voie du socialisme autoritaire, et garde en mémoire ses erreurs d'appréciation passées. Mais la critique du socialisme autoritaire l'a menée trop loin, au point qu'elle s'est persuadée que la liberté du commerce et de l'industrie est indissociable de la liberté tout court.
Et ce tropisme anti-socialiste se manifeste aussi dans l'allergie à Jean-Luc Mélenchon et au mouvement FI qu'il a largement contribué à lancer.
Au lieu de s'invectiver entre Chavistes et anti-Chavistes, entre Mélencholâtres et Mélanchophobes, nous devrions utiliser l'Agora virtuelle que constitue Mediapart pour débattre sur la question stratégique qui va conditionner l'avenir de la gauche : demain, quelle forme de socialisme pouvons-nous construire ?