L’État Islamique (Daesh) a déclaré « Haram » (prohibée) l'utilisation de chaussures de sport de marque « Nike ». J'ai pensé immédiatement que les autorités religieuses du mouvement islamiste radical l'avaient interdit au motif que les conditions de la production n'étaient pas conformes aux règles de l'Islam, ou encore que le culte des « marques », typique de notre société consumériste, distrayait les hommes de ce qui devait être leur préoccupation essentielle : le salut de leur âme.
Eh bien la vérité est autre : les chaussures « Nike » ont été prohibées du califat parce qu’elles portent le nom de la déesse grecque de la victoire : Niké (Νίκη), fille de Pallas et de Styx (un des fleuves des enfers), petite-fille d'Océan et de Thétis, et que porter ainsi la “marque” du panthéon grec sur soi induisait subrepticement une allégeance à une religion polythéiste abhorée. Ainsi, ce haram n'est pas irrationnel, mais aussi réflechi que la destruction du temple de Bêl à Palmyre et des deux Bouddhas géants de la falaise de Bamiyan en Afghanistan. Voir débarquer les puissances océaniques : Etats-unis, Grande Bretagne, au coeur des terres d'Islam, est suffisament difficile à supporter pour que les croyants qui les combattent n'arborent pas à leur pieds la marque du Styx, fleuve des enfers, fils d'Océan.
Ce haram, qui parait au premier abord totalement irrationnel, ne l'est absolument pas. Il nous amène à nous interroger sur le culte des “marques” propre au monde néo-occidental (je dis néo-occidental parce qu'il a diffusé sur l'ensemble de la planète), qui s'apparente à un phénomène religieux : si les églises sont désertées, ne voit-on pas des files interminables de pélerins attendre une nuit entière à la porte du temple l'apparition du nouvel iPhone ? Et que dire des adolescents qui vouent aux chaussures Nike un véritable culte ?
De même, la destruction des temples païens par les mouvements islamistes nous renvoient à notre propre passé. Les temples du panthéon romain qui s'élevaient sur tout le territoire de la civilisation Gallo-Romaine ont été abattus, les pierres de ces édifices dispersées, leurs statues brisées. Il n'en reste presque rien, seuls quelques vestiges oubliés subsistant dans nos musées. Quand aux exécutions capitales, par le fer et par le feu, au motif de comportements ou de croyances contraires au dogme religieux, nous devons nous souvenir de la dernière condamnation à avoir la langue tranchée, à être décapité et brûlé pour « impiété, blasphèmes, sacrilèges exécrables et abominables » remonte en France à 1766.
Aussi pouvons-nous nous dire que l'Etat Islamique a au moins une vertu : si nous voulons bien essayer de comprendre l'autre, il nous amène à réfléchir sur nous-mêmes. Et à ce titre, qu'il a une certaine nécessité.