Au conservatoire de Roubaix, un adolescent travaille la composition. La femme qui lui dispense des cours de piano l’a convaincu d’apprendre l’harmonie, le contre-point, la science des tessitures, auprès du directeur de l’institution.
Mais celui-ci se révèle cruel, hostile au fait qu’un enfant des milieux populaires accède à la musique savante ; il impose à son élève des exercices de plus en plus difficiles. Un soir, le maître donne au jeune homme un exercice extrêmement périlleux, lui intime l’ordre de le remettre le lendemain matin, faute de quoi il le renverra. Désespéré, le garçon choisit de ne pas relever le défi, qu’il sait hors de sa portée- si l’on ose dire.
Trente ans plus tard, devenu adulte, l’élève raconte : «A l’aube, quand je suis arrivé devant la porte du conservatoire, j’ai aperçu un attroupement. Je me suis demandé pourquoi. Très vite un camarade m’a dit que notre directeur était mort dans la nuit ». C’est ainsi que le jeune homme a pu reprendre sans encombre le chemin de son apprentissage et devenir l’un des plus célèbres compositeurs de musique de film. Quand il évoquait cet épisode, en 1974, Georges Delerue voulait peut-être faire comprendre à son interlocuteur, un compositeur d'exception qui ne parvenait pas à faire connaître l’étendue de son immense talent, qu’il faut croire en sa belle étoile. Ce n’était pas une morale, une leçon, mais l’expression d’une fidélité à soi-même. Dans un monde agité d’ambitions, de chausse-trappes ou de fourberies, l’homme allait tranquille et rieur, capable d’appeler à Paris l’un de ses camarades, le flûtiste Lou Gamme, afin de lui offrir, depuis Los Angeles, une partition pour ses élèves.
Aujourd’hui, l’histoire de l’enfant de Roubaix se trouve sur le site officiel de Georges Delerue. L’occasion de lui rendre visite ?
www.georges-delerue.com