Croiser dans sa vie Pierre Boulez était faire une expérience étonnante, celle de parler avec un monstre sacré accessibles, aimable et pratiquant l'humour. Il faut avoir entendu les deux marchandes de produits italiens, chez qui le maître avait ses habitudes à Paris, dire de lui: "comme il est mignon...c'est vrai qu'il est célèbre? Ah, mais il ne nous a jamais rien dit..." pour se faire une idée de sa simplicité.
Certes il était un homme de pouvoir. mais il faudrait prendre l'expression dans son acception littérale: ce qui l'intéressait n'était pas la vanité des places, mais la mise en oeuvre et la réalisation des projets. Pour les faire advenir, il pouvait être brutal et tenace. Mais il n'agissait pas par narcissisme.
Pierre Boulez a porté au plus haut degré la direction d'orchestre. Quelques égarés ont prétendu qu'il était froid, parce qu'il ne prenait pas la pose inspirée de qui paraît souffrir. Mais c'est oublier qu'il privilégiait la sensualité sur la comédie. Daphnis et Chloé, La mer et Jeux constituent des sommets. Son interprétation du Ring est entrée dans la légende. Pierre Boulez avait été obligé, la première année, de recruter des musiciens dans toutes les formations européennes parce que ceux de Bayreuth ne voulaient pas suivre ses indications. Cinq ans plus tard, il avait triomphé.
Compositeur, il a suscité l'ironie, l'agacement, toutes sortes de quolibets dont il n'avait pas grand chose à faire. En écoutant Répons, nul ne peut nier que le bonhomme était à la hauteur de ses ambitions.
Nous reparlerons de lui très bientôt. Ce billet n'est qu'un premier hommage.