Durant la Seconde guerre mondiale, Yehudi Menuhin met sa notoriété au service de la lutte contre le nazisme.
Impatient de voir les Etats Unis s'engager contre le Troisième Reich, il donne mille et un concerts au profit des soldats de son pays, quand celui-ci se décide enfin à plonger dans la tourmente. C'est, pourrait-on penser, la moindre des choses pour un jeune homme que seul son art dispense d'aller au front. Mais beaucoup plus, beaucoup mieux que bien des comédiens fameux de Hollywood, il touche le coeur des GI's en jouant pour eux. Il achève ses concerts par un Ave Maria de Schubert car, estime-t-il, ainsi chacun peut prier pour les siens, pour lui-même, quelles que soit sa religion, quelque soit son engagement philosophique.
Au lendemain de la victoire, il adopte la position la plus courageuse qui soit. "Aux abords de la trentaine, explique Bruno Monsaingeon, Menuhin se trouve désormais, et avec quelle implication personnelle !, mêlé au monde, ce monde d'adulte qui n'allait pas tarder à faire de lui la cible de ses ressentiments accumulés. Le prétexte qui sert au déclenchement de l'attaque est tout trouvé: dès la guerre finie, Menuhin se rend en Allemagne, il y joue dans les camps à peine libérés, pour les rescapés de la barbarie nazie et, crime suprême de la part d'un musicien juif, prend la défense du chef d'orchestre Wilhelm Furtwängler, accusé, injustement aux yeux de Menuhin, de collaboration avec le régime nazi".
L'artiste estime fondamental de ne pas verser dans la vengeance quand elle n'est pas justifiée. Jouer avec Böhm ou Jochum? Ah non. Mais avec un chef qui a tenté "de sauver son âme" suivant le mot du violoniste - et quoiqu'on puisse penser aujourd'hui qu'il ait échoué- c'est insupportable. D'autant plus que le violoniste pene tout aussi essentiel d'accompagner l'Allemagne à se reconstruire sur de nouvelles bases, de retisser le lien qui la reliait, depuis si longtemps, à la plus haute conception de la culture. Nulle complaisance de sa part, vigilance au contraire. Soucieux, de la même façon, de ne pas oublier les peuples victimes de la barbarie, Yehudi Menuhin a, jusqu'à la fin de sa vie, bataillé pour faire reconnaître que les tziganes ont aussi été victime du génocide.
Cet humanisme tranquille mais intransigeant, Menuhin le fait entendre quand il joue. Nous en reparlerons. (A suivre...)
A écouter:
"The Menuhin Century" label Warner Classics 80 CD + 11 DVD accompagnés d'un album, ou vendus en 5 coffrets séparés.