La Cité de la Musique amorce, ce matin même, la fête qui célèbre les cent cinquante ans du compositeur.
Dans un Paris de trams et d'équipages, où la poudre de riz se mêlait à la suie dans un mouvement serré de plus que lente, à la scène comme la ville, une ambition ne pouvait, déjà, se révéler sans appuis, sans les complicités de la fortune ou de la séduction. Debussy n’est pas né de la dernière ondée. La plupart des photographies nous le montrent en combattant de la carrière, en bourgeois qui cherche la gloire, un sourire au coin du regard. Une exception bien entendu : le cliché de tendresse et de famille, une idée de la pause et de la complicité, Claude et sa fille, la fameuse «petite chouchou» dédicataire des Children’s corner, à l’ombre des pins, déjeunant sur l’herbe. Mais pour le reste, il est un formidable inventeur, qui dépasse les premières audaces de Fauré, lutte contre les jeunes loups-ô Ravel, plus jeune, plus russe, plus grand orchestrateur- et se confronte à la puissance germanique, imaginant contre Wagner un opéra sublime et décalé : Pelléas et Mélisande.
La peinture est chez lui comme chez elle : aux impressionnistes il offre la mer, aux inventions cubistes il donne « Jeux » ; la littérature est sa compagne : il a croisé Verlaine quand il était enfant, nourrit une amitié solide avec Mallarmé, rédigé sous le pseudonyme de Monsieur Croche une série d’articles drôles et pertinents sur la musique.
A la semblance de tous les précurseurs, il est à la fois fidèle aux traditions mais rétifs aux institutions de son époque. Ainsi, dans le journal Musica, publie-t-il en 1902 cette critique : « le vieux Bach, qui contient toute la musique, se moquait, croyez-le bien, des formules harmoniques. Il leur préférait le libre jeu des sonorités, dont les courbes, parallèles ou contrariées, préparaient l’épanouissement inespéré qui orne d’impérissable beauté le moindre de ses innombrables cahiers ». Le cœur se sert en songeant que le compositeur est mort avant la révolution surréaliste. Qu’aurait imaginé cet indomptable ? A nous de le rêver, tout au long de cette année.
Les manifestations s'annoncent plus que copieuses et nous en reparlerons dans les mois qui viennent. Au plan discographique, il est impossible de citer les interprètations de premier plan, trop nombreuses. Voici quelques propositions, ce que l’on pourrait appeler une ébauche. Pelléas et Mélisande ? Roger Désormière bien sûr, auquel on ne peut manquer d’ajouter Pierre Boulez et Bernard Haitink- dont l’interprétation, disponible chez Naïve, est enrichie par la remarquable prestation de Laurent Naouri dans le rôle de Gollot. La musique pour orchestre compte au moins trois grands maîtres : Munch, Celibidache et Boulez, trois sommets à connaître par cœur. Le quatuor ? Ecouter Julliard procure un vrai plaisir. Dans le domaine immense de la littérature pianistique, il est souhaitable de citer Walter Gieseking et Samson François pour les enregistrements de l’ensemble de l’œuvre- quoique Samson soit mort avant de graver les toutes dernières pièces- Arturo Benedetti Michelangeli pour les Préludes et Sviatoslav Richter pour Des pas sur la neige, une lecture légendaire, donnée en public au théâtre de Chaillot, voici plus de cinquante ans. Il faut encore adjoindre George Pludermacher, un des plus grands pianistes français. Mais il en manque beaucoup. Ce n'est qu'un début.
Et vous? A quels artistes donnez-vous la préférence?
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