L'époque est douloureuse avec la chanson. Où que l'on se trouve on ne voit que blessures et décès. Claudine Luypaerts, dite Maurane, était bien jeune pour partir.
Une voix timbrée, que l'on pouvait dire chaude sans encourir le reproche d'user d'un cliché, beaucoup d'agilité- la façon dont elle chantait Balancer, captée pour l'album public Une fille très scène, l'atteste- cette artiste a été pendant quelques années l'une des grandes interprètes francophones de variété. Mais cette vocation, généreuse, peut se révéler une source de fragilité: dépendance à l'égard des auteurs et des compositeurs, à l'égard de l'air du temps, des producteurs et de leur manque d'imagination, l'interprète ne domine pas son destin.
Les gazettes aujourd'hui prétendent que Maurane fut révélée lors de la reprise de Starmania. Voilà qui n'est pas juste: son premier trente-trois tours à succès- comme on disait alors- T'a pas la pêche, édité chez Saravah - bravo Barouh, toujours- et deux autres disques ont précédé ce spectacle .
Mais il est vrai qu'il fut un "moment Maurane", pour reprendre l'expression que l'historien Pierre Rosanvallon conçut à propos de Guizot. De 1986 et 1994, Maurane a incarné ce mélange de ferveur, de joie mais aussi de tourments que la chanson sait si bien porter. Comme il arrive souvent, c'est l'ami Jean-Claude Vannier qui lui avait donné son plus grand succès public, avec l'appui d'une marche harmonique de Jean-Seb'
Il lui avait offert aussi cette extraordinaire supplique, dont lui seul était capable d'écrire de la sorte l'orchestration:
Il est des jours où la victoire sonne le tocsin.