Un jeu de grande ampleur, une simplicité d’accès qui tranche avec nos mœurs un brin monarchiques, il faut reconnaître au pianiste François-Frédéric Guy de la singularité. Liszt était à son programme en 2011, il nous donne Beethoven aujourd’hui.
Quand certains de ses confrères choisissent des partitions oubliées, quand d’autres, en braves charlots, ne sont capables de jouer, peut-être mesure par mesure, qu’à l’abri d’un studio d’enregistrement, ce jeune artiste normand se lance à l’assaut de Beethoven avec une belle intelligence, une vraie fidélité, du talent. Le voici qui présente le premier volume d’une intégrale des sonates.
Assis dans votre salon, n’hésitez pas, comparez. «Quoi ? S’insurgeait récemment l’un des grands solistes actuels devant qui nous évoquions ce dessein, confronter ces disques avec ceux de Schnabel ou Kempff? Vous n’êtes pas un peu sadique ? » Ah, tout de suite, les grands mots…Et puis d’abord, pourquoi pas ? Le projet de François Frédéric Guy n’a rien d’un passe-temps régressif, digne des cours de récréation. C’est celui d’un artiste qui donne une lecture personnelle, désire avant tout procurer du plaisir et ne déteste pas surmonter les épreuves à la façon d’un randonneur : une partition l’une après l’autre, marcher vers les sommets.
Pour éviter de verser dans la routine, François-Frédéric a choisi d’enregistrer cette interprétation nouvelle à l’occasion d’une série de concerts, tous les six mois, dans la très belle salle de l’Arsenal de Metz. «Un tel contexte impose une prise de risque, une créativité, dans les mouvements lents notamment parce qu'il ne faut pas perdre ce qui constitue le coeur du discours tenu par le compositeur» observe l’interprète. En réponse à ceux qui s’étonnent du pari, l’artiste admet que l'œuvre- un corpus d’environ 620 pages et 99 mouvements- réclame de la maturité. Mais encore ? « Cela ne se décrète pas, c'est le fruit de l’accumulation des expériences, affirme-t-il. Rien de prétentieux dans ce point de vue, puisque chacun peut éprouver dans son métier ce moment dans la vie où l’on est capable de faire la synthèse des qualités que l’on porte en soi, de trouver plutôt que de chercher, suivant le mot de Picasso ».
Parce que l’appétit ne lui fait pas défaut, François-Frédéric Guy donnera de surcroît, samedi prochain, deux concertos de Mozart : le 21ème et le concerto pour trois pianos, en compagnie d’Alon Goldstein et Leon Fleisher- ce dernier conduisant l’orchestre Philharmonique de radio-France, à l’Opéra Comique. «Grrrrrrrr…encore dans cette satanée ville de Paris» murmurent les lecteurs établis sur les rives de l’Ill ou le long du Gave de Pau. Comme ils ont raison. Mais ils peuvent se procurer, séance tenante, le premier volet de l’intégrale Beethoven par François-Frédéric Guy : sans quitter les admirables paysages qui bercent leur vie quotidienne, ils devraient sentir, au fil des mesures, en eux venir des émotions à nulle autre pareille.
A noter :
Intégrale des sonates de Beethoven, François- Frédéric Guy, premier volume, 3CD, label Zig-Zag Territoires.
Concert, samedi 11 février, à l'Opéra Comique, à 20 heures, réservations : www.opera-comique.com ou 0825 010123