Les mains pausées sur une table, sereine et cependant déterminée, Barbara Hendricks donne des clés, ni de sol, ni de fa: de réalisme:
"Il y a près de trente ans que je travaille pour le Haut Commissariat aux Réfugiés. Cette action se situe selon moi dans le droit de fil de la lutte menée jadis, dans mon pays, pour les droits civiques". Barbara Hendricks ne manque pas de s'insurger contre le fait qu'aux États Unis, les inégalités ne cessent de se creuser, les États du Sud multipliant les chausse-trappes à l'encontre des afro-américains. "Quand on m'a demandé de m'impliquer, je l'ai fait de bon coeur parce que je pense que nous devons non seulement soutenir mais faire vivre la Déclaration Universelle des droits humains, dit-elle. Quand je constate que les peuples qui vivaient sous le joug soviétique sont les plus virulents à refuser d'accueillir des gens qui fuient la guerre et ses horreurs alors que le HCR les a aidés à sortir de la dictature voici vingt-six ans, je me désole; et dans le même temps je ne me résigne pas, persuadée que les crises donnent toujours l'occasion d'agir et de penser au dessus de soi-même. Donc j'essaie de convaincre".
Un soupir et l'artiste ajoute: "Comme nous sommes paresseux, nous les gens de gauche, nous adorons faire la fête après la lutte. Moi je dis que faire la fête c’est bien, mais qu'il faut surtout continuer la lutte. En France comme dans bien d'autres pays, les responsables politiques parlent beaucoup mais n'agissent pas de manière efficace. Il faut trouver le moyen de mener une politique efficace avec justice et solidarité".
Ceci étant dit sur un ton qui ne souffre pas la discussion, Barbara Hendricks offre un sourire tendre. Une Yiddishe mame? Fille de pasteur, elle déclare sa foi sur un ton tout simple, en précisant que cette conviction n'a pas grand chose à voir avec les institutions religieuses. On regrette de manquer de temps pour lui demander son avis sur la question: nul doute que certains prélats n'auraient pas froid cet hiver.
À écouter:
"Blues everywhere I go", par Barbara Hendricks. Label Arte Verum