A la fin des années quatre-vingt, les journalistes français s'entichèrent de Nikita Magaloff (1912-1992).
Par quel chemin? Formulons cette triple hypothèse: il planait comme une idée de la paix, le goût du divertissement, l'exercice du pouvoir au dessus de cette vogue. Expliquons-nous...
Magaloff interprète de la Glasnost? Il y a de cela puisqu'il offrait la jovialité d'un Gorby du clavier, mais ce pianiste ayant vu le jour à Saint-Pétersbourg avait acquis la nationalité suisse.
Alors? N'oublions pas que recevoir quinze disques par jour (l'avènement du CD favorisa la multiplication des parutions) pouvait transformer les critiques les plus attentifs en bourgeois repus; peut-être l'un d'eux s'est-il dit, pour se changer les idées: "tiens, quel est ce type dont le facteur m'a déposé les derniers enregistrements?"
Pour finir, on se doit d'évoquer la tentation de la désignation. Rien ne flatte la vanité de qui vit de l'éphémère - "il ne faut jamais oublier qu'un journal finit par servir à emballer le poisson", disait feu Rémy Kolpa-Kopoul- que de permettre à un artiste, par un article, d'accéder à la notoriété. Magaloff était-il célèbre dans le monde entier sauf en France? Eh bien, qu'à cela ne tienne. Et deux ou trois confrères en ont dressé le panégyrique.
Aujourd'hui, que reste-il de Nikita Magaloff? Le souvenir d'un artiste immense et d'une époque révolue.