A l’approche d’un concert et de la parution d’un nouvel enregistrement, le pianiste Denis Pascal a bien voulu nous livrer quelques confidences, à sa façon : chaleureuse et précise.
«Je suis arrivé à un moment de mon parcours où je suis sûr des valeurs que diffusent la musique et le fait d’exercer ce métier, glisse l’artiste en préambule. Parmi les positions qui étaient les miennes au début de mon chemin, certaines m’inspirent toujours, d’autres se sont évanouies, jolis rêves que je conserve dans un coin de mon espérance mais qui ne sont pas forcément efficaces.» Ainsi, quand il a décidé d’être musicien professionnel, Denis Pascal a-t-il fait le vœu de côtoyer des compositeurs et des œuvres qu’il aime. Une telle fidélité perdure. A contrario, le désir de vivre à l’écart du monde, une conception presque ascétique de la recherche musicale est-il aujourd’hui rangée parmi les illusions de jadis. «Quand je prépare un programme, je m’isole énormément, pendant deux ou trois mois, mais je reste en lien permanent avec les autres, de sorte que ceux qui m’entourent ne le savent pas vraiment, dit-il. Ou bien ils me disent que je donne l’impression d’attendre quelqu’un. Cette méthode me permet de mieux comprendre les partitions, de progresser sans m’enfermer. »
Denis Pascal est moins tourmenté qu’il ne le fut: « Notre métier nous interdit le "jeunisme". Nous apprenons chaque jour et si nous avons la chance de ne pas être étouffés, nous nous améliorons sans cesse. Un artiste qui a des coups de génie à l'adolescence peut se réjouir de bénéficier d’un élan spectaculaire, mais cela ne l’empêchera pas de connaître la problématique du temps long ». L'artiste évoque alors un enfant chinois, âgé de huit ans, que son manager et ses parents lui ont un jour présenté : « il a joué les variations Goldberg et je me suis demandé ce que je pouvais proposer. Devais-je lui dire d’arrêter de jouer ? Devais-je mettre en garde les Gorgones qui l’entouraient et qui l’avait gavé- puisqu’une telle éclosion ne s’était pas produite comme par enchantement? Le vrai passage au feu, ce ne sont pas les premiers succès, mais les moments de doute, qui viennent vers trente ans, quand on se pose des questions fondamentales».
Avec humour, Denis Pascal estime enfin que le point de vue des critiques relève du folklore. Parce que l’expérience du jeu ne peut être comprise que par ceux qui se confrontent à ses exigences, les intermédiaires n’ont d’autres choix que de concevoir une histoire ou des idées, dont la principale vocation consiste à rendre intelligible une aventure ésotérique. « Il faut laisser vivre et ne pas paniquer plus que cela ».
Le pianiste va jouer vendredi prochain les trois dernières sonates de Beethoven. Une paille…« Je n’ai pas appris la musique avec elles; la première fois que j’ai regardé l’opus 111, j’ai pensé que c’était vraiment bizarre, dit-il en riant. Ce n’est pas un exercice de style, je ne veux pas me prouver quelque chose mais, sans prétention, je crois que le moment est venu de les donner. Ce sont des oeuvres intenses, serrées, difficiles, que je vais la jouer sans faire attention au fétichisme des collectionneurs, qui préfèrent l’anecdote à la musique ».
109, 110, 111 et Denis Pascal: de sacrés numéros qu'il ne faut pas manquer.
A noter :
Denis Pascal en concert
Vendredi 22 février 2013 à 20 heures 30
Salle Gaveau, 45 rue la Boétie 75008 Paris