Comme un paquebot de marbre et d’acajou, l’Ecole normale de musique de Paris jadis ouvrait ses cabines, inconfortables mais tout entières dédiées à l’apprentissage. On y trouvait des gommes et des notes, parmi les jeunes gens gourmands de connaissances ; de temps à autre, l’inoubliable Pierre Petit glissait trois phrases et quinze gros mots- sa façon de n’être jamais vulgaire. Au cœur du boulevard Malesherbes, un Paris de patrimoine ventru, la musique installait ses quartiers d’été, prenait la mesure des choses : où se trouvent le pouvoir, les mécènes, les noblesses à éblouir?
Cette année, nous célébrons les cent ans de la mort de Jules Massenet, compositeur admiré, mais situé presque à la lisière de la gloire éternelle- coincé par Wagner et Debussy dirait-on pour aller vite, en espérant ne pas déclencher le tollé de ses adorateurs. Et pourtant…Les grands airs ici rassemblées- de la Vierge à Sapho, quel programme- démontre que la profondeur et l'émotion se nichent aussi dans un mouvement classique.
Nathalie Manfrino, rose éclose à l’Ecole normale de musique de Paris, chante avec une belle conviction les souffrances des personnages qu’elle incarne. Voix large au timbre chaud, cette jeune femme, autour de qui dansent déjà les récompenses et les « viva », paraît promise au plus bel avenir. Accompagnée par l’orchestre de Monte-Carlo, sous la direction du remarquable Michel Plasson, la cantatrice donne à rêver. N’est ce pas ici l’idéal contre le spleen ?
Nathalie Manfrino : « Massenet, méditations ». Orchestre de Monte-Carlo, direction: Michel Plasson, label Decca.