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Billet de blog 24 juin 2012

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Le voyage à Reims

Il arrive que les sensations s'entrechoquent. Samedi matin, à Reims, on avait le désir de flâner, sous le soleil d'un festival enfin renouvelé. Tout près du cirque de la ville –une pincée Second Empire à deux pas de l'Ange au sourire– une armée de techniciens s'affairaient pour le concert du soir. Hélas, à l'approche de midi, la nouvelle est tombée, figeant les visages et les coeurs: on apprenait la mort de Brigitte Engerer.

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Il arrive que les sensations s'entrechoquent. Samedi matin, à Reims, on avait le désir de flâner, sous le soleil d'un festival enfin renouvelé. Tout près du cirque de la ville –une pincée Second Empire à deux pas de l'Ange au sourire– une armée de techniciens s'affairaient pour le concert du soir. Hélas, à l'approche de midi, la nouvelle est tombée, figeant les visages et les coeurs: on apprenait la mort de Brigitte Engerer.

Une telle artiste, assez russe pour brûler sa vie sans économie, se sentait sans doute comme chez elle dans la ville des sacres.

A dix neuf heures, le pianiste Jean-Philippe Collard, nouveau directeur artistique des Flâneries Musicales de Reims, a dédié le concert Debussy qui s'annonçait à la mémoire de Brigitte Engerer et sucita, d'une façon profonde et spontanée, la plus bouleversante minute de méditation, le public ayant aussitôt manifesté sa tristesse à l'endroit d'une artiste qu'il aimait. 

Tard le soir, après le déluge sensationnel qu'avaient produit cent musiciens portés par leur chef jusqu'à l'incandescence, au calme d'un restaurant, Jean-Philippe Collard est revenu sur son engagement. "A deux reprises, j'ai refusé la proposition qui m'était faite par la municipalité de diriger les Flâneries, glisse-t-il avec humour. Un jour, j'en ai parlé à ma femme, laquelle m'a tout simplement dit que ce travail était tout à fait conçu pour moi. Je me suis ravisé, j'ai dû concevoir assez vite un programme, et nous voilà ce soir..." Dans le cadre de ses nouvelles responsabilités, le soliste avoue connaître une manière inédite de ressentir la musique. "Alors que, les soirs où je dois jouer, je suis évidemment concentré, voire anxieux, cette fois je suis détendu, j'assiste au concert en laissant venir à moi des émotions qu'en temps normal, si j'ose dire, je dois dominer". Comme souvent chez lui, le regard est vigilant, quand le sourire est amical. Pas de mondanité, mais le goût de l'accueil et le quant-à-soi: l'homme de bien qui ne veut pas s'en laisser compter.

Brigitte Engerer était présente en pensée parmi les convives, ceux qui l'ont bien connue décrivant la puissance et la sensibilité de son jeu,  les tourments de son tempérament. Le billettiste, en songeant que l'ange, dans son costume de pierre, continuait à poser une énigme aux êtres qui le croisent, associait le plaisir de savoir que les Flâneries  sont placés entre de bonnes mains et l'espérance que l'artiste disparue poursuive son chemin, loin, très loin, dans la sérénité de son éternité.

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