Nous sommes ici ensemble à la veille du 15 mars pour deux raisons principales.
• La première c’est pour dire que la diabolisation et la construction comme ennemi-e-s de l’intérieur des musulman-e-s, des Noir-e-s et des Arabes ne datent pas d’hier.
Il y a déjà près de deux décennies la loi du 15 mars 2004 a été l’occasion d’un déchaînement de l’expression d’une extrême violence d'une islamophobie institutionnalisée de pratiquement l’ensemble de la classe politique et médiatique, qui s’est abattue sur une partie de la population française, des jeunes filles et femmes ainsi que sur leurs familles.
En instaurant une loi d’exception pour une catégorie de la population, la loi dite « contre les signes religieux à l’école » marquait un tournant dans l’autorisation aux passages à l’acte islamophobes et racistes.
Cette loi s’inscrivait ainsi dans la droite ligne de l’époque coloniale de la République dans laquelle l’affirmation des Droits de l’homme pour certains avoisinait le déni de citoyenneté et d'humanité pour d’autres humains considérés comme des inférieurs.
Cette loi est dans l’histoire idéologique dominante française un véritable jalon de plus vers une succession d’évènements islamophobes permettant aussi d’ajouter au racisme biologique un racisme culturel pour rendre le premier plus respectable. Depuis son vote, nous avons assisté à une extension permanente des restrictions de droits des musulmans et supposés tels.
• La deuxième raison, c’est la commémoration du massacre de Christchurch, le 15 mars 2019. Nos pensées et nos solidarités vont d'abord à nos frères et sœurs qui sont partis et à leurs proches. Que la paix et le salut les accompagnent.
Au-delà de la douleur, du recueillement et de l’écœurement nous avons le devoir de dénoncer toutes les responsabilités.
L’auteur du crime déclarait lui-même que la théorie du « grand remplacement » née dans l’extrême-droite française – puis banalisée plus largement dans une version euphémisée bien au-delà de celle-ci – est la base théorique de son passage à l’acte.
Et c'est pourquoi :
Nous accusons tous ceux qui ont contribué à diffuser la thèse du « grand remplacement » sous sa forme fasciste dure ou dans toute la gamme des versions lissées qui se sont multipliées ces dernières années en France et ailleurs ;
Nous accusons tous ceux qui ont promu la théorie du « choc des civilisations » présentant l’Islam et les musulman-e-s comme danger civilisationnel pour justifier des guerres pour le pétrole et les minerais ;
Nous accusons tous ceux qui désignent l’extrême-droite comme seule responsable afin de masquer leurs propres responsabilités ;
Nous accusons tous ceux qui alimentent quotidiennement l’islamophobie depuis des décennies en tendant le micro aux porteurs de cette haine ;
Nous accusons tous ceux qui ont contribué à l’émergence d’une hystérie récurrente ciblant l’Islam et les musulman-e-s par les polémiques régulières sur le voile, le burkini, la viande halal, le voile de running, etc.
Et aujourd’hui le séparatisme !
Nous accusons tous ceux qui ont contribué de manière ouverte ou indirecte à la diffusion des amalgames, assimilant musulman-e-s et terroristes ;
Nous accusons tous ceux qui nient l’existence d’une islamophobie en voie de banalisation, allant même jusqu’à ergoter sur la pertinence du mot « islamophobie » lui-même ;
Nous accusons tous ceux qui accréditent le mensonge d’une « invasion » ou d’une « submersion » par une multitude de réfugiés et de sans-papiers contribuant ainsi par la création d’un climat anxiogène à encourager les passages à l’acte en leur donnant un bouc émissaire et une cible ;
Et c'est pourquoi :
Au-delà de la douleur et de l’émotion, de la colère et de l’indignation, nous avons besoin d’une mobilisation, d’un rapport de force, durable à la hauteur des dangers.
L’islamophobie a tué dans le passé, tue aujourd’hui et continuera de tuer si nous ne sommes pas capables par notre action collective de déraciner le mal.
Organisons-nous partout ! Manifestons le 21 mars à Paris, Lille, Lyon, Grenoble, Bordeaux ou Marseille ! Plusieurs autres villes ont répondu présentes.
Le 21 mars c’est l’occasion d’affirmer aux yeux de tous et toutes partout en France que jamais plus nous ne ferons un pas en arrière pour la dignité et l’égalité des droits.
Après, le 21 mars le Front contre l’islamophobie et pour l’égalité des droits pour tou-te-s poursuivra sa lutte et il sera encore temps de nous rejoindre pour celles et ceux qui souhaitent s’engager dans nos rangs.
Farid Bennaï
Front contre l’islamophobie et pour l’égalité des droits pour tou-te-s, 14 mars 2021, Place de la République, Paris