Hier je suis allé dans une clinique parisienne pour m'y faire opérer. Je ne suis pas malade, il s'agissait d'une vasectomie, un choix personnel.
Rendez-vous à 8h, à jeun depuis minuit. Lavé à la Betadine. Bref, j'étais un bon patient bien sage et raisonnable
Belle clinique, bien propre et "cosy", je me sentais en confiance. Sauf que.
Après avoir passé les formalités d'accueil, je me suis rendu "en ambulatoire". La jeune infirmière qui m'y attendait a rempli les derniers papiers (en passant : Pourquoi y-a-t-il autant de paperasse à remplir à chaque étape ?). On a fait ça dans le couloir, sur un chariot. Avec des collègues qui lui demandaient de libérer le chariot à médicaments. J'avais envie de faire pipi, mais elle a tenu à finir les formalités avant. Bon.
Ensuite une aide soignante m'a conduit dans le box où se trouvait mon "lit", une sorte de chariot-chaise longue électrique à roulettes. Un autre patient se trouvait déjà là, allongé sur son chariot. Mon placard, mon petit coffre fort, mon "pyjama", mon "drap" et ma couverture. Un petit paquetage d'accueil.
L'aide soignante m'a demandé si elle devait me raser. "C'est là première fois que je vois cette opération" à t-elle ajouté. J'ai répondu :"Moi aussi. Je ne sais pas", elle est sortie appeler le bloc. Revenue pour me dire "le bloc m'a dit : non, pas besoin,
Et là j'ai attendu. Le cardiologue est passé, il m'a demandé si je venais pour une machin-truc-otomie. J'ai répondu "non, une vasectomie". Il m'a répondu "ah, bon ?". Du coup je me suis inquiété pour mon voisin de box qui venait de partir au bloc. Je me suis imaginé sa surprise au réveil si on lui expliquait que suite à un malentendu, il ne sera jamais papa.
Et j'ai attendu.
Un type a gueulé dans le hall des boxes, il demandait "où est-ce que je mets le 12 !" Le 12, c'était mon voisin. Les autres lui ont répondu gentiment. Il a laissé le type dans le hall et c'est l'aide soignante qui a ramené le chariot et le patient à sa place.
Une infirmière est venue le voir, rebrancher le chariot, vérifier la perfusion. Puis repartie. Puis revenue : "au fait, j'ai oublié de vous demander : vous avez mal ?". Bon, il n'avait pas mal. Elle est repartie et revenue aussitôt : "j'ai oublié votre dossier", elle l'a ramassé, par terre à coté du chariot du gars.
Et j'ai attendu.
L'aide soignante est revenue bricoler des trucs sur le chariot du voisin. Je lui ai demandé l'heure. "10 heures... " devant mon regard sans-doute agacé, elle a ajouté : " Je vais vous emmener au bloc"
Elle est repartie.
Elle est revenue, un quart d'heure après et après qu'elle ait encore une fois modifié l'assise de mon chariot, on est parti vers le bloc.
Sortis du hall des boxes, il y avait un livreur qui attendait dans le couloir devant une porte. Elle m'a planté là et est allée lui ouvrir la porte. Elle est revenue une minute après et m'a emmené enfin dans le hall d'attente des blocs.
Un garage à chariots.
il y avait une dizaine de chariots vides qui traînaient là. Comme elle ne savait comment faire, elle m'a laissé et a demandé à un autre type dans le couloir de s'occuper de moi.
Quelques minutes après le gars est venu et il m'a "rangé" le long des chariots vides.
On a "livré" un autre patient sur son chariot. Puis un autre, un vieux monsieur qui m'a fait un sourire douloureux.
Franchement c'est à ce moment là que j'en ai eu marre.
J'ai attendu encore un peu, j'entendais dans mon dos, l'équipe du bloc bavarder et rigoler dans le couloir.
Je me suis levé et je me suis dirigé vers la sortie. Le cul à l'air.
L'équipe m'a poursuivi. Ils ne comprenaient pas. Ils m'ont suivi jusqu'à mon placard et ont essayé de me convaincre de revenir pendant que je me rhabillais.
Ils n'ont pas compris qu'un être humain, ça ne se traite pas comme un colis.
Ils n'ont pas compris qu'on ne fait pas attendre 3 heures quelqu'un sans un minimum de considération. Une phrase aurait suffit : "vous servez opéré vers telle heure..."
Ils n'ont pas compris que je n'ai pas aimé que le cardiologue ne sache pas pourquoi je venais, prouvant là son manque d'intérêt pour le patient.
Ils n'ont pas compris que ce soit insupportable qu'on s'occupe d'un livreur avant le patient.
Ils n'ont pas compris qu'on ne laisse pas quelqu'un dans un parking à chariots glacial.
Ils n'ont pas compris.
Et moi j'ai compris ce que signifiait le sourire du vieil homme. Il avait enfin face à lui un être humain. A l'hôpital, les seuls êtres humains sont couchés sur des chariots à roulettes.