Depuis combien de temps ce pauvre petit flacon de shampoing attendait-il sur l’étagère du bas, celle des prix qui ne se la racontent pas où un sort funeste l’avait conduit, attendant qu’une main charitable veuille bien lui faire connaître la fierté de toute existence de pack âgé, à savoir la fréquentation du haut du panier de la ménagère de plus de cinquante ans. Je ne sais toujours pas pour quelle raison je l’ai choisi. Certes, les papiers de l’étiquette étaient en règle : "100% recyclé et recyclable", "sans silicone", son regard extra-doux, son PH neutre, sa formule anti allergique de pauvre petit flacon noyé dans la masse, sa condition de pack âgé m’ont sans doute ému et convaincu qu’il était urgent de l’exfiltrer de l’étagère du bas d’un supermarché.
En réalité, c’est probablement à son fier slogan, "shampoing illuminant" qu’il doit le coup de pouce du destin, la deuxième chance qui lui permet de partager mener aujourd'hui la condition confortable de flacon de salle de bains, ordinairement acquise par le seul mérite du hasard et d’une extraction consumériste différente qui garantit d’échapper à la déchéance du carton d’invendus et de terminer l’existence dans les stocks d’une association de bienfaisance. Un sort subi par 4,3 milliards d’euros annuels de concurrents malchanceux (*). Et encore, depuis 2022, échappent-ils au supplice de l’absorption d’eau de javel, auquel ces cas désespérés étaient jusque là condamnés. Quoiqu’il en soit, ce n’est en aucun cas la mention "spécial blondes " qui a retenu l’attention de mes cheveux gris.

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(*) les matheux éviteront des commentaires condamnant le mélange des genres, des poireaux du chiffre d’affaires avec les carottes du nombre d’individus. Qu’on se le tienne pour dit, je fais comme bon me semble.