"Pas question que le béarnais confisque l’avion présidentiel pour aller faire la bise à ses bourrins". L’ange déchu de l’Élysée prononça ces paroles peu amènes dans la froidure et l’humidité d’une nuit parisienne de décembre, au sortir d’une visioconférence dont il savait qu’elle était résolument inutile. "Putain, encore deux ans"... Il était plus que temps de réagir, d’autant que du côté de ce qui fut le "domaine réservé", les perspectives restent limitées à cause d’une stupide brouille avec Poutine, du départ de Merkel, du nouveau favori de Trump et de l’argentin qui donne le tournis à s’agiter sans raison. D’autres ont plus de chance. Sarkozy collectionne les procès, Hollande observe le naufrage du marigot de la gauche depuis son pédalo, Melenchon enquête sur la contestation interne dans son parti et lepen tremble devant la perspective de son inegibilite mais lui, Emmanuel 1er, roi de la dissolution, quelles perspectives s’offrent à lui ? Allait-il devoir traverser la rue pour postuler comme animateur pendant la semaine de la mode (par chance, il avait conservé la recommandation de l’archevêque de Paris), pour couper des rubans au kilomètre ou s’inscrire à une formation "Pose de couronne" chez Miss France ?
Rendez-vous en terre inconnue. Reste l’exemple du chef du Commonwealth et de ses tournées à l’étranger. Consultant la liste des contrées méprisées par les voyages officiels, le président pointa un doigt dubitatif sur Mayotte, une île perdue de l’hemisphere sud. Seul, J. Chirac s’y était aventuré, sans doute suite à une confusion du service vacances de l’Élysée avec l’île Maurice où le châtelain de Bity se reposait des désagréments de Bernadette et du pouvoir. Le président préféré des français s’y était entraîné à endurer des conditions koh-lantesques imposées par le souci de la tempérance et de l’économie des deniers publics qui a toujours été la caractéristique de ses actions. L’agent de voyage le moins aguerri aurait fait remarquer que décembre aux Comores rime avec saison des pluies et que la conjugaison d’une température de plus de trente degrés Celsius et d’une quinzaine de jours de pluie compromet les joies simples de la plage, de la plongée sous-marine et de l’observation des baleines. Son croisieriste de secrétaire général aurait pu également confirmer ces informations s’il n’avait été retenu par la convocation de pinailleurs mal intentionnés du fisc ou de la justice.
Plus fort que "le" Bernard Lavilliers des Fatals Picards. Par un de ces heureux hasard que réserve l’Histoire, un cyclone d’une violence inouïe ravagea alors Mayotte, semant la mort et la désolation. Désormais, son voyage pouvait trouver une justification tout à fait acceptable. D’ailleurs, sitôt arrivé, collier de fleurs au cou et manches retroussées, regard d’acier bleu horizon caché derrière des lunettes de soleil pour éviter de s’encombrer de détails superflus, coiffé de son casque de chantier fétiche (collection Vuitton ), il retrouva ses réflexes de Jupiter. Évacuer vite fait le problème du cyclone en decretant un deuil national qui ne mange pas de pain et tracer une vision enthousiasmante du futur. La peau de Barnanier éliminée, le champ des JO d’hiver s’offrait à lui. Il allait faire un coup de deux qui devait lui garantir un passage à la postérité, à condition de ne pas renouveler l’erreur de partager les lauriers avec une illuminée d’origine étrangère. Deux mille trente n’était pas si loin qu’il ne puisse en tirer profit. Encore fallait-il faire fissa pour transformer Mayotte en site olympique d’hiver.
Des jeux d’hiver durables L’exemple de la reconversion des terrils du nord, de l’aménagement des dunes du Moyen-Orient et la tenue de cet évènement à Sotchi avaient de quoi stimuler les imaginations. Il eut la confirmation que le projet serait réalisable et à un coût limité, dès qu’il contempla le spectacle sous ses pieds. Un paysage naturellement accidenté aux collines vallonnées, parfaitement adapté aux épreuves de l’alpin. La cellule ad-hoc de son secrétariat avait rédigé une note, blanche, évidemment, à son intention dans laquelle on expliquait que "les indigènes démolissent les habitations généreusement mises à leur disposition par l’état français, pour avoir davantage de surface habitable. Ils préférent egalement dormir à l’air libre et sous les étoiles, n’utilisant les plaques de tôle que comme lits de substitution." Toujours curieux, le président aurait aimé connaître les raisons de ce comportement surprenant : superstition ou coutumes ancestrales mais l’heure n’était pas à la consultation du guide vert. L’utilisation d’une matière première surabondante de tôles et de gravats pour l’artificialisation des pistes (1) et le recours du recours aux régiments de la M.O.I. (main d’œuvre immigrée) limiteraient drastiquement les dépenses tout en faisant la nique à ce Retailleau qui en prenait un peu trop à ses aises. Évités les coûteux travaux de terrassement et de remblai, les achats de matières premières et leurs dessous de table, ces jeux olympiques seraient les premiers à bénéficier du logo H.R. (Hyper rentable). D’ailleurs le projet de budget avait reçu l’imprimatur du ministre démissionné Lemaire lui-même, c’est dire ! Voyant toujours plus loin que vous et moi, le président imaginait déjà des boutiques de location de feuilles de palme pour la pratique du bobsleigh ou de la luge et la remise des "Étoiles de mer" sur la plage. Avec cette reconversion économique de l’île, l’utilisation des ressources naturelles, y compris humaines, un budget plus que limité, les écolos allaient devoir la fermer.
Le diable et ses foutus détails... B. Roger-Petit, son "conseiller mémoire" (2), appellation contrôlée, proposa au président une cerise fun et popu à poser sur le gâteau. La participation à "J’irai dormir chez vous", une émission de divertissement qui connut une certaine audience il y a quelques années. Le président qui avait appris de ses erreurs passées, se résolut à rester une nuit supplémentaire malgré l’inconfort. L’émission servirait de cadre à un grand débat ambulant de clarification destiné à faire connaître aux autochtones la bonne nouvelle que le destin, en l’occurence cezigue, leur réservait. Ça plus une tournée de selfies, malgré les risques de transmission de maladies et l’affaire serait rapidement pliée. On vit donc une silhouette en chemise blanche aux plis parfaitement repassés parcourir les rues de la ville et prendre langue (1) avec la population, exprimant son désir qu’ils l’hébergeassent. Bien sûr, ajoutait-il, soucieux de ne pas sembler profiter de la situation, "pour une nuit seulement". C’était également l’occasion de questionner les habitants sur leurs étranges habitudes relevées plus haut. Hélas, Sa Maladresse et leur timidité empêcherent le plein succès de cette demande qu’ils furent nombreux à trouver incongrue sinon inquiétante. D’ailleurs, pas un ne l’autorisa à franchir le seuil de ce qui restait de son humble demeure. Légèrement dépité mais toujours plein d’empathie pour son prochain et la curiosité jamais rassasiée, le mari de la dame aux pièces jaunes s’en fut, regrettant toutefois de ne pas connaître la raison pour laquelle les mahorais restaient des heures sans boire ni manger. S’agissait-il de raisons religieuses, était-ce pour sacrifier à la tradition d’un carême local ou pour à la mode des régimes "detox" ?
"Macron des missions" Malgré cette légère déconvenue, on peut affirmer le succès incontestable de l’opération. Quelle meilleure preuve que ce refrain "Macron des missions", chanté tout le long du chemin qui le conduisait à l’aéroport. Entonné avec la bonne humeur un peu naïve propre à nos compatriotes ultra-marins, sa mélodie résonne encore, pleine de douceur à ses oreilles.
Toujours sur le front ... un chasseur de la base aérienne de Djibouti, chargé d’exfiltrer le commando présidentiel, atterit trois heures plus tard seulement, pour le déposer au milieu de mille cinq cents pioupious. Là, Il put retrouver l’Ordre, la propreté, les manifestations de respect et le chef des cuisines de l’Élysée qui avait préparé un repas de réveillon. Certes, les dorures de la république étaient absentes du tarmac de la base et la décoration effectuée par le regiment des boules des sapins de noël ne camouflait qu’à -demi les chasseurs tricolores prêts à décoller mais la république et surtout le confort reprenaient leurs droits. Terminant sa part de bûche coco-mangue-passion, le président revint alors sur les péripéties qui avaient jalonné son "voyage en terre inconnue ". Toujours étonné que les mahorais préfèrent les rations des secours alimentaires aux plaisirs tout simples d’un pâté en croûte, d’un foie gras ou d’une volaille aux morilles, il conclut, fataliste mais un peu peiné pour ces populations accuillantes : " Et si ça se trouve, ils boudent le Champagne ! " Une putain de bonne question à se poser entre deux pépins d’une clémentine de Corse recrachés.
(1) il était du voyage ?
(2) Il se vante d’être pour beaucoup dans la pétaudiere actuelle