Un supermarché de la campagne icaunaise (1) où j'habite. Un africain francophone, nouvellement arrivé dans l'hexagone, déambule entre les rayons bien achalandés du franchisé de l'épicier breton médiatique. Accompagné par une militante du secours populaire qui s'est engagée à l'accueillir à son arrivée en France (bon pied, bon œil, bonne oreille, le Jean-Claude !), il l'interroge sur un ton répprobateur sur l'utilité de trouver autant de paquets de lessive différents mais similaires. Oh camarade, remettrais-tu en question la loi du packaging, "C'est l'emballage qui booste les ventes, davantage que le produit". Je les ai quittés au rayon savonnettes, ma volonté de sobriété consumériste en berne.
Ce matin, balade dans la ruralité profonde sous le regard vide de trente-huit panneaux de contreplaqué qui patientent sous la pluie en attendant qu'on y collent les savonnettes sélectionnées par le marketing politique. Unilever face à Procter & Gamble, un peu plus d'agent nettoyant ici, un peu moins d'enzyme là. Les résultats de l'évaluation conduite par « Que choisir Européennes » sur les têtes de gondole comme sur les marques « éco » note que les spécificités ne portent guère que sur des différences de posture, l'aptitude aux «petites phrases » ou la puissance de l'organe vocal. Comme dit la chanson, « C'que c'est beau la démocratie, les trombines sur papier glacé, c’que c'est beau la démocratie, en rose, en rouge ou en brun (2) »
Dernière aventure (vous saurez tout de la vie palpitante en rase campagne pesticidée), un passage à la pharmacie pour purifier l'haleine électorale. Cette fois, je ne recenserai pas le nombre de tubes de pâte différentes puisque deux présentoirs bien en vue font de l'œil au client que les vicissitudes sonores de la vie moderne (3) insupportent. A ma gauche trois modèles de bouchons, à droite trois nouvelles déclinaisons de réduction du bruit. Un peu, beaucoup, passionnément, à la folie …. Jusqu’à présent la marque se contentait d'un seul modèle censé garantir un sommeil quiet. Le potard m'explique "c'est progrès", celui permis par l'abandon du dogme de l'économie administrée (3) et indifférent aux lubies des apôtres de la décroissance. Comme pour les savonnettes. Les lecteurs attentifs se rappellent qu'il y a donc six modèles différents de bouchons pour assurer un sommeil tranquille aux victimes de la pollution sonore. On remarque au passage qu'on peut la laisser prospérer tranquillement puisque les bienfaiteurs industriels ont trouvé la parade.
A la sortie de l'officine, je m'interroge sur le modèle que Macronattal et leuts collègues se fourrent dans les oreilles pour rester sourds aux manifestations de misère et de souffrance de l'Humanité. Probablement, la variété extra forte, celle qui empêche les cris des otages israéliens comme ceux des victimes des crimes de guerre palestiniennes de troubler le sommeil du président et de lui faire prendre des décisions sous le coup de l'émotion et indispensable pour qui doit récupérer des effets du jet lag néo-calédonien. Une qualité de réducteurs de bruit qui permet de ne pas être sourd aux plaintes des obligés du medef, une des leurs principales utilités à ces boules présidentielles (non, je m'abstiendrai...) . Décidément, le capitalisme c'est fantastique.
(1) icaunais = de l'Yonne, ignorants.
(2) Sur l'air approximatif de la photographie des Frères Jacques
(4) Pour reprendre le vocabulaire des économistes des médias. (3) nous aussi, nous y avons droit.