Louis-Albert, vous avez souhaité que je vous accompagne dans les relations presse de l'ouvrage que vous venez de publier aux éditions de la Rose : Commentaire sur ceux qui ne marchent pas à l’usage des marchants, qui traite de la reconnaissance des handicapés. Pourquoi avoir choisi ce thème que vous aviez déjà approché dans votre film Vie publique?
C’est un peu la suite, la continuation de la même démarche, mais d’un autre point de vue. Le film était conçu comme une somme de paroles de personnes handicapées qui s’exprimaient sur leur ressenti, leur condition, leurs difficultés et leurs revendications sociales, voire politiques.
Le livre m’a permis de mettre en ordre mes sentiments, mes expériences, de réfléchir sur le handicap et les conditions des personnes handicapées.
L’un était l’expression des personnes handicapées, l’autre mes avis et réflexions sur elles.
Considérez-vous que l'écriture de ce commentaire est dans la droite ligne de vos précédentes réalisations même si à part Naissance d’une dictature (ed. La Différence- 2012), elles sont cinématographiques (Cercles, sur l'éclatement de la société, Coup de sang sur la violence ordinaire à l’endroit des femmes, Fred Bondi, l’homme chanceux, recueil d’un témoignage sur l’arrivée des nazis en Autriche)?
Sans aucun doute. Ma « ligne éditoriale personnelle » est l’analyse de ce qui sépare, oppose. Ma sensibilité aux situations de fracture entre les hommes est mon moteur. Ma recherche de l’empathie, de la coexistence dans la paix s’exprime par ce qui les rompt, les met en danger ou les annule. Ce qui parcourt mes créations est cet effort de détecter, de comprendre et montrer ce qui crée la division, la dispute, le conflit. Cela vaut dans tous les domaines, politique, économique, social, affectif.
Le titre fait référence à l’œuvre de Denis Diderot, publiée en 1749, Lettre sur les aveugles à l’usage de ceux qui voient. Considérez-vous votre ouvrage comme la continuité de la pensée de Diderot?
La continuité, non. Je n’aurai pas cette immodestie. La pensée de Diderot est entière et bien constituée. Bien plus modestement, je m’en suis inspiré pour la forme, la structure du récit, qui était le premier d’un philosophe sur un thème jamais évoqué auparavant, en tout cas pas de ce point de vue. Il m’est plutôt un modèle, un exemple, un encouragement à faire, à prendre ma part de cette difficile situation.
Dans votre "essai" on navigue entre des descriptions d'expérience et des réflexions sur la condition du handicap. Vous allez même jusqu'à parler de manifeste. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce manifeste?
Les expériences conduisent à réfléchir sur elles. Sinon, elles seraient vaines et inutiles. C’est un enchaînement nécessaire, une continuité logique. C’est l’effort de réfléchir qui permet ensuite de découvrir le paradoxe de la double exigence, de construire une éthique fondée sur la reconnaissance, la responsabilité, l’altérité et aussi l’accessibilité. C’est l’ensemble de ces propositions que je présente comme manifeste pour aborder le handicap moteur, les personnes handicapées et le monde dans lequel nous vivons ensemble.
C’est une proposition que chacun peut confronter à sa propre pensée, ce n’est pas un penser-tout-prêt. C’est une proposition de départ au lecteur pour à son tour aller plus avant dans sa propre pensée.
Avez-vous eu l'occasion de faire lire votre livre à des personnes handicapées? Si tel était le cas, comment a t'il été accueilli?
Je n’ai pas proposé ce livre directement à une personne handicapée. Ce serait présomptueux de ma part, indélicat. Je redouterais d’être alors dans la position de celui qui sait, le donneur de leçon. Mais j’espère que les personnes handicapées auront l’occasion à travers les articles de presse de le connaître et de le lire, et que j’aurai des avis en retour.
Mais je souhaite qu’il soit lu aussi, surtout, par les personnes dites « valides ». Ce sont elles qui ont à apprendre et à comprendre, à réfléchir sur le handicap et les conditions des personnes handicapées.
Pour publier Commentaire sur ceux qui ne marchent pas à l’usage des marchants, vous avez créé votre propre maison d'édition. Pensez-vous publier d'autres ouvrages et si oui, lesquels?
Les idées et projets ne manquent pas. Avoir cette possibilité d’éditer sans devoir attendre les avis extérieurs est un avantage. Mais c’est aussi une faiblesse puisque je me prive justement d’avis extérieurs souvent éclairés. Pour « Commentaire… », je n’avais pas besoin d’avis puisqu’il s’agit d’expérience et de réflexion personnelles. Je craignais plutôt une incompréhension et une analyse « marketing » du projet, pas vendeur, pas d’actualité… Ce qui m’aurait fait attendre… et piétiner.
D’autres ouvrages, sans doute. Je travaille sur la citoyenneté, j’ai en cours un document sur une triple chronologie, en des périodes différentes, d’un même sujet…
Ce principe de m’éditer me sera utile pour les projets qui, comme « Commentaire… » ont une caractéristique particulière, un tempo hors du temps ou une nature atypique.
Où peut on se procurer l'ouvrage?
Chaque lecteur devrait pouvoir se procurer le livre en librairie. Il est distribué par la Générale du livre, Libr’est.
Tout libraire peut le commander directement à :
commande@lageneraledulivre.com
Louis-Albert Serrut
Commentaire sur ceux qui ne marchent pas à l'usage des marchants
Editions de la Rose
12 €