Billet de blog 7 décembre 2009
TSAHAL quelques états d'âme
Armée israélienne engagée dans une bataille
pour sauver son âme
Par Molly Moore
Jérusalem - Le mince sergent Lirom Hakkak, transpirant sous son «armure» et son équipement de combat de près de 20 kilos, son M-16 à la main, a été amené, lors d'une chasse aux militants suspects, à défoncer le mur dans la maison d'une famille palestinienne. Il s'est retrouvé dans un salon délabré et défraîchi.Il a d'abord remarqué une grand-mère au visage ridé, terrorisée et si pâle qu'elle semblait prête à s'évanouir. Un couple dans la quarantaine se blottissait l'un contre l'autre en tremblant.«Ils auraient pu être mes parents», se rappelle Hakkak, le fils de 22 ans d'un poète israélien. Lors de cette prise de conscience qui dure une seconde, il dit «Vous vous sentez dégoûtant. Vous voyez ces gens et vous savez que la majorité d'entre eux sont innocents et que vous leur retirez leurs droits. Vous savez aussi que vous devez le faire.»Les forces armées israéliennes sont dans leur quatrième année de combat contre les Palestiniens. Selon les dizaines d'interview de soldats, d'officiers de réserve et de certains des analystes militaires les plus éminents de la nation, cette institution, la plus dominante dans la société israélienne, se trouve aux prises avec une lutte sur sa propre nature.Des officiers et des soldats ont commencé à critiquer publiquement les tactiques spécifiques qu'ils considèrent déshumanisantes pour leurs troupes et envers les Palestiniens. Et tout en ne mettant pas en question la nécessité de prévenir les actes terroristes contre les civils, les officiels militaires et les soldats parlent de plus en plus souvent contre une stratégie qui, disent-ils, a abandonné la négociation pour dépendre presque exclusivement de la force militaire pour résoudre ce conflit.Presque 600 membres des forces de l'armée ont signé des déclarations disant qu'ils refusent de servir dans les Territoires palestiniens. Les membres actifs et de réserve critiquent l'armée en public. Des parents de soldats le disent aussi à voix haute, estimant que la protection des colonies en Cisjordanie et dans la Bande de Gaza ne vaut pas la perte des vies de leurs fils et de leurs filles.Ces questions sont débattues au plus haut niveau par des dirigeants militaires et politiques israéliens. Fin octobre, le chef d'état major, le lieutenant général Moshe Ya'alon, a dit à des journalistes des trois principaux journaux israéliens que les bouclages, les couvre-feux et les barrages imposés aux civils palestiniens créaient des niveaux de «haine et de terrorisme» explosifs parmi la population. La semaine dernière, quatre anciens responsables du Shin Bet (le service de sécurité intérieure) ont dit que les actions et la politique du gouvernement pendant le soulèvement palestinien avaient gravement endommagé Israël et son peuple.Alors que de telles déclarations publiques mettent en rage le premier ministre Ariel Sharon (un ancien général qui est en faveur de mesures strictes envers les Palestiniens), ces déclarations reflètent les craintes de beaucoup de soldats actifs et de réservistes qui se demandent si l'armée ne provoque pas plus d'attaques terroristes qu'elle n'en prévient. De plus, des membres des forces armées disent qu'ils craignent que certaines des tactiques les plus dures - surtout l'assassinat des militants palestiniens suspectés, qui cause souvent la mort de civils - ne corrompent les soldats israéliens et, par extension, la société israélienne toute entière.«Ce qui se passe est terrible», dit le brigadier général retraité Nehemia Dagan, l'ancien chef de l'éducation des services de l'armée. «L'éthique et la morale de la société israélienne sont plus importantes que le fait de tuer les dirigeants du Hamas ou du Jihad Islamique.»«C'est un genre de guerre difficile. C'est encore plus difficile de garder une éthique», dit Asa Kasher, un professeur d'études militaires à l'université de Tel Aviv, qui réécrit le code d'éthique pour les forces armées qu'il avait déjà écrit neuf ans auparavant. «Il n'y a pas de livres sur les règles morales pour combattre le terrorisme.»Alors que Kasher dit qu'il ne croit pas que les valeurs fondamentales de l'armée israélienne aient changé, ce conflit a «mis les gens dans des situations complètement nouvelles, que ce soit un simple soldat à un check-point ou un chef d'état major».«Même mes amis qui sont juifs pensent que l'armée ne fait pas ce qui est juste», dit un jeune sergent de 20 ans, Noam, sniper dans le bataillon 202 des parachutistes. Les officiels militaires israéliens ont demandé que les noms des soldats actifs ne soient pas mentionnés par peur qu'ils soient poursuivis pour des crimes de guerre dans les pays qui s'opposent aux actions d'Israël dans les Territoires occupés. Noam dit à ses amis: «je ne tue personne sans raison. Je le fais parce que je dois le faire.»En même temps, beaucoup d'autres soldats affirment qu'ils sont fiers de ce qu'ils ont fait. Pendant une grande partie de l'année, Dor, un timide officier médical de 19 ans, a été basé avec les parachutistes près de la ville de Naplouse en Cisjordanie. Il n'était qu'à 43 kilomètres de sa maison à Netanya, une ville balnéaire qui a été la cible de six attaques suicides depuis le début du soulèvement palestinien en septembre 2000. «Tu penses à ta petite amie qui est assise au café, et ici, cela rend les choses plus personnelles, plus pertinentes», dit Dor. «Quand tu arrêtes un kamikaze, tu te sens bien.»La dissidence contre l'action militaire est quelque chose de nouveau en Israël. Les historiens militaires remarquent que le mécontentement du public israélien envers les vingt ans d'occupation au sud Liban et ses victimes de plus en plus nombreuses a aidé à mettre la pression sur le gouvernement pour qu'il retire ses forces en mai 2000 - contre l'avis des dirigeants militaires.Les sondages d'opinion continuent à évaluer les Forces Israéliennes de Défense comme étant l'institution la plus respectée du pays, malgré le fait que le niveau de confiance a légèrement baissé depuis l'incursion de l'armée dans les villes de Cisjordanie au printemps 2002. Les médias israéliens (l'hebdomadaire militaire officiel inclus) ont commencé à être plus enclins à examiner cette institution considérée auparavant comme sacro-sainte.Beaucoup d'analystes disent qu'ils voient aujourd'hui une volonté grandissante parmi les soldats et les officiers de non seulement dénoncer les tactiques utilisées dans les territoires palestiniens mais aussi de refuser de servir. Ceci, disent les analystes, est le signal d'un défi sans précédent vis-à-vis des forces armées et du gouvernement.Israël maintient une conscription obligatoire et un service de réserve durant lequel les hommes concernés et certaines femmes célibataires servent pendant environ un mois chaque année, habituellement jusqu'à l'âge de 41 ans. Mais les exigences varient énormément selon les spécialités militaires des individus. L'armée est, selon Michael Oren, un historien militaire, une «armée de voisinage», et la plupart des garçons et des filles ont grandi en sachant qu'ils allaient la rejoindre. Les soldats actifs et les réservistes ressentent un dévouement profond pour l'armée et pensent qu'ils ont l'obligation de protéger leur pays et les vies de leurs familles et de leurs amis.Mais dans les camps poussiéreux, sur les barrages routiers sous le soleil brûlant du désert et peut-être, plus fréquemment encore, quand les soldats rentrent chez eux et retirent leurs uniformes, l'introspection brouille souvent les contours clairs du devoir.«Tu es dans une situation où tu dois être aveugle», dit Hakkak, le sergent israélien, en tirant nerveusement sur les mèches désordonnées de ses cheveux bruns, tout en parlant de son rôle dans le conflit. «Tu fais les choses comme une machine, ce n'est pas important si c'est bien ou si c'est mal. Les choses que tu as faites te touchent très durement.»Presque 900 Israéliens ont été tués pendant le conflit - plus de la moitié d'entre eux étaient des soldats. Presque 2.500 Palestiniens ont été tués. C'est difficile de déterminer combien de ces victimes étaient des civils. Les groupes palestiniens des droits humains et les groupes de recherche israéliens estiment qu'entre 45% et 85% d'entre eux étaient des civils. Aucun comptage vérifiable indépendant n'existe, et l'armée israélienne ne donne aucune statistique concernant les morts civils palestiniens.Environ une année après avoir quitté le service actif, Hakkak qui comme beaucoup de soldats a trouvé du travail en tant que garde de sécurité, dit qu'il est toujours hanté par son passage en Cisjordanie.Une mystique de l'arméeLe Capitaine Mati Milstein était en sueur et s'ennuyait - s'ennuyait énormément selon ses souvenirs. Il en était à la moitié de sa garde de 8 heures dans un check-point près d'une colonie de la Bande de Gaza, quand il a aperçu une voiture qui s'approchait. Un Palestinien et son jeune fils se trouvaient à l'intérieur.Milstein, aux yeux couleur café dans un visage qui semblé coupé à la serpe, a pointé son M-16 sur le père en lui demandant de sortir de la voiture. Il se rappelle le visage du jeune qui le «regardait avec horreur».Le soldat a scruté le coffre. Le père et le fils revenaient sans doute de la plage et ne présentaient pas de menace de sécurité, se dit Milstein.«Mais je n'avais pas fini», a écrit plus tard Milstein dans un courrier à un journal. «À la pointe du fusil, j'ai ordonné au père d'ouvrir le capot et de montrer le moteur, puis d'ouvrir la boîte à gants, de relever les sièges avant, de ramper à l'arrière et de me montrer ce qui était coincé entre les sièges arrières, d'ouvrir son sac de courses et de vider ses poches.»Alors, avec la carte d'identité de l'homme dans sa poche, Milstein a déambulé vers son check-point fortifié à l'ombre et s'est mis à discuter avec un collègue tout en gardant son M-16 braqué sur le père et son fils, qui étaient restés debout sous le soleil tombant. «Je les ai gardés pendant 20 minutes, parce que je le pouvais», se rappelle-t-il. «Puis je les ai laissé partir parce que le jeu commençait à m'ennuyer.»Milstein, un Américain qui est venu en Israël et a rejoint l'armée quatre ans auparavant, dit qu'il n'a parlé de cet incident à personne - ni avec ses copains soldats, ni avec ses parents à Santa Fe, N.M. «Nous avons tendance à garder ces expériences en nous», explique-t-il, faisant écho aux sentiments de presque tous les soldats qui ont été interviewés. «C'est très personnel. Nous préférons sans doute oublier ce qui est arrivé.»«Je n'ai pensé aux implications que plus tard», dit Milstein, dont le père est psychiatre et la mère psychologue. «Je me sentais mal d'avoir fait cela - de n'avoir pas pu m'empêcher de m'abaisser à faire cela.»L'année dernière, Milstein a décidé de raconter son histoire dans le courrier du journal de la Jewish Federation of Greater Albuquerque. Assis un après-midi récent dans un café de Tel Aviv avec un copain de l'armée, il a essayé de disséquer les raisons qui l'ont amené à rendre publics ses sentiments personnels.«Il y a quelque chose de mystique autour de l'armée: que nous sommes l'armée la plus morale du monde et que nous ne faisons que de bonnes choses», dit Milstein. «Mais ce n'est pas la réalité. Je pense que c'est important que les gens le sachent.» Il a pensé que c'était particulièrement important de le dire à d'autres juifs «parce qu'ils ne savent pas vraiment ce qui se passe».Aujourd'hui, Milstein continue de servir dans l'armée en tant que réserviste de 28 ans travaillant pour un site web israélien. Quand il reçoit des appels, il continue à contrecœur de servir dans les Territoires palestiniens.«Il y a des terroristes qu'on arrête et des attaques terroristes qu'on empêche», dit-il. «À cet égard, il y a un but clair et une raison pour notre présence. Mais je ne pense pas que nous devrions être là. Tous les incidents qui se passent aux check-points rendent la population palestinienne encore plus haineuse envers nous. Cela neutralise le travail utile pour dénicher les kamikazes. Cela renforce les groupes armés palestiniens. Cela permet au Hamas de justifier plus facilement les attaques contre les Israéliens.»Désobéir aux ordresLe brigadier général Yiftah Spector est l'un des pilotes les plus décorés de l'histoire israélienne, un triple as qui a abattu 15 avions ennemis dans les guerres qui se sont étalées sur 30 ans. Ces dernières années, Spector était devenu un instructeur d'aviation vénéré de l'armée de l'air. Cette seule année, il a passé 47 jours de service de réserve et a volé 110 fois, principalement pour former des cadets et leurs instructeurs.Le mois dernier, beaucoup de Palestiniens ont été tués ou blessés quand des pilotes ont essayé de tuer des dirigeants militants en lâchant des bombes ou en tirant des missiles sur les quartiers urbains très peuplés dans la Bande de Gaza. Spector ainsi que 26 autres pilotes (actuels ou anciens) des forces de l'air ont signé une lettre exprimant leur opposition aux «ordres d'attaque illégaux et immoraux». Ils ont refusé de «prendre part aux frappes aériennes sur des centres de population civile» et «de continuer à faire du mal à des civils innocents».La lettre a mise en colère beaucoup de commandants, a secoué l'establishment politique et a stupéfié une société qui a depuis longtemps considéré que les pilotes militaires faisaient partie de l'élite de la nation. Le commandant des forces aériennes, le major général Dan Halutz, a empêché tous les pilotes de décoller et a licencié sur le champ neuf des instructeurs, dont Spector, son ami de longue date et son collègue.Spector, 63 ans, ne s'est pas découragé. Dans une interview quelques jours après avoir rendu ses insignes à Halutz, il a dit: «Je suis le public. Je peux parler avec mon cœur.»«Si nous continuons, il y aura des dilemmes de plus en plus graves et on fera de plus en plus d'erreurs», dit Spector, qui est aussi un sculpteur et un peintre, et qui a inventé un système de contrôle informatisé pour un vol d'avion. Le gouvernement, dit-il, est «sourd, aveugle et stupide» de compter uniquement sur la force militaire pour résoudre le conflit.En plus des pilotes, 567 officiers de réserve et de soldats ont publiquement déclaré qu'ils ne serviront plus dans les Territoires occupés palestiniens et, d'après les avocats militaires et les experts militaires israéliens, des centaines d'autres ont tranquillement demandé à leur commandant leur réaffectation.Beaucoup d'officiels du gouvernement ont rejeté le nombre, estimant qu'ils étaient sans conséquence par rapport aux approximativement 186.000 soldats actifs et aux 445.000 troupes de réserve de l'armée. Certains analystes militaires ne sont pas d'accord.«Ceci est très significatif», dit Yagil Levy, l'auteur d'un livre publié récemment sur les tendances changeantes de l'armée. «Pour la première fois dans l'histoire d'Israël, on parle de centaines d'officiers. Ce sont des officiers très importants qui ont servi à l'armée dans des emplois très importants.»La peur de l'inconnu«Ma plus grande crainte est que nous nous anesthésiions», a déclaré récemment Nadav, un capitaine de 26 ans dans sa base israélienne miteuse près de Naplouse, située à environ 40 kilomètres au nord de Jérusalem. Il était assis dans son bureau devant sa table couverte d'un plastique poussiéreux, fumant ses Marlboro light l'une après l'autre et contemplant l'impact qu'avait cette guerre sur son armée. Comme tous les officiers dans l'armée israélienne, il a commencé son service comme simple appelé.Nadav, un homme solide qui a fait une pause pour aller voyager de par le monde après son service obligatoire, est retourné en service actif l'année dernière. Il décrit son voyage en Éthiopie. Le premier jour, il a été accablé par la pauvreté. Après quelques jours, il dit «je ne l'ai plus tellement vue» et il ajoute «j'ai peur que cela va aussi nous arriver. Nous commencerons à faire des choses, comme saisir une maison et faire sauter une porte, et cela nous semblera naturel - nous ferons des choses et nous ne penserons pas à la personne, même si elle est tuée».Nadav commande une compagnie d'environ 150 soldats dans le bataillon 202 de parachutistes. Ses troupes sont composées de natifs d'Israël et d'émigrants venant de tous les coins du monde: 20 viennent de Russie et d'autres pays ayant appartenus à l'ancien bloc de l'Est, 10 viennent d'Éthiopie, d'autres viennent d'Argentine, de Grande-Bretagne et, jusqu'à récemment, deux viennent des États-Unis. Les membres de la compagnie se sont donnés le nom de «serpents à sonnettes».Il se réfère à eux comme «mes enfants». Il s'inquiète de la tension que ce conflit fait peser sur son unité et sur ses hommes. Avant les incursions en Cisjordanie de l'année dernière, les troupes passaient habituellement quatre mois sur le terrain et quatre mois d'entraînement sur une base arrière. Cette année, les hommes de Nadav n'ont eu qu'un mois d'entraînement et de réorganisation après 11 mois d'opérations de combats.Une nuit de cette année, les «serpents à sonnette» se sont rassemblés devant une photographie aérienne projetée par informatique et très détaillée de Naplouse, une ville ancienne connue de la plus part des hommes dans la pièce sous le nom hébreu de Shechem et vénérée par les juifs comme étant le lieu où Abraham a reçu la promesse de la terre d'Israël.La mission nocturne était un raid pour attraper un militant palestinien suspecté. «Nous ne savons pas grand-chose», a prévenu le commandant adjoint qui faisait le briefing. «Le nom, à quoi il ressemble... Nous ne savons pas où il est. Il y a des endroits que nous suspectons...» Trois maisons où les rapports des services secrets indiquaient que le suspect pourrait passer la nuit.Chaque escouade devait partir en jeep blindée ou en camion, chaque homme avait un toit spécifique, une ligne d'arbres ou d'allée où il devait se positionner. Chacun devait savoir où se trouvaient ses collègues afin de réduire les risques de blessures causées par des feux amis.Les soldats disent que peu d'opérations créent autant de tension psychologique que les recherches de militants suspects. Quelquefois, les troupes font sauter des portes avec des explosifs par crainte d'un danger potentiel venant de combattants armés de l'autre côté de la porte. Mais ils trouvent trop souvent des familles palestiniennes terrifiées dans leurs propres maisons.«Une fois, nous sommes entrés dans une maison... de façon vraiment très très agressive», dit un jeune sergent chef de 22 ans, Gabriel, dont les cheveux cuivrés ressortent sous une kippa bordeaux avec l'emblème des parachutistes dessus. «Les gens avaient vraiment peur. Ils tremblaient. Pas seulement les femmes, mais le père aussi; tous tremblaient.» C'était la mauvaise maison.«Je me suis senti vraiment vraiment mal», dit Gabriel, qui raconte qu'il regarde des films de Walt Disney pour se détendre lors de ses week-ends à la maison. «Si c'est un terroriste, tu ne te sens pas si mal. Mais je me sentais vraiment mal. Je ne pouvais pas m'arrêter de m'excuser. Je ne pouvais rien faire. Je ne suis qu'un soldat.»Noam, le sergent chef de 20 ans, a passé sa jeunesse en Israël puis a déménagé en Grande-Bretagne avec sa famille. Il est revenu il y a presque trois ans pour servir dans l'armée. Pendant ces trois années, il a perdu le compte des maisons palestiniennes dans lesquelles il a fait des descentes.«Tu ressens de la pitié pour la famille», dit le grand et maigre soldat aux cheveux noirs et courts. «Ils n'ont rien fait de mal... Tu penses à ce que tu ressentirais si quelqu'un venait comme ça dans ta famille.»«Une personne qui n'est pas dans l'armée pourrait penser que tu devrais sortir des Territoires occupés», dit Noam, en regardant deux «serpents à sonnette» jouer un jeu de ping-pong échauffé en attendant que la mission nocturne commence. «Mais en étant ici, tu sais que tu as arrêté un assassin potentiel. C'est la seule satisfaction.» Il ajoute doucement: «Même s'il n'y a pas beaucoup de satisfaction. C'est une guerre. Personne n'aime cela.»
pour sauver son âme
Par Molly Moore
Jérusalem - Le mince sergent Lirom Hakkak, transpirant sous son «armure» et son équipement de combat de près de 20 kilos, son M-16 à la main, a été amené, lors d'une chasse aux militants suspects, à défoncer le mur dans la maison d'une famille palestinienne. Il s'est retrouvé dans un salon délabré et défraîchi.Il a d'abord remarqué une grand-mère au visage ridé, terrorisée et si pâle qu'elle semblait prête à s'évanouir. Un couple dans la quarantaine se blottissait l'un contre l'autre en tremblant.«Ils auraient pu être mes parents», se rappelle Hakkak, le fils de 22 ans d'un poète israélien. Lors de cette prise de conscience qui dure une seconde, il dit «Vous vous sentez dégoûtant. Vous voyez ces gens et vous savez que la majorité d'entre eux sont innocents et que vous leur retirez leurs droits. Vous savez aussi que vous devez le faire.»Les forces armées israéliennes sont dans leur quatrième année de combat contre les Palestiniens. Selon les dizaines d'interview de soldats, d'officiers de réserve et de certains des analystes militaires les plus éminents de la nation, cette institution, la plus dominante dans la société israélienne, se trouve aux prises avec une lutte sur sa propre nature.Des officiers et des soldats ont commencé à critiquer publiquement les tactiques spécifiques qu'ils considèrent déshumanisantes pour leurs troupes et envers les Palestiniens. Et tout en ne mettant pas en question la nécessité de prévenir les actes terroristes contre les civils, les officiels militaires et les soldats parlent de plus en plus souvent contre une stratégie qui, disent-ils, a abandonné la négociation pour dépendre presque exclusivement de la force militaire pour résoudre ce conflit.Presque 600 membres des forces de l'armée ont signé des déclarations disant qu'ils refusent de servir dans les Territoires palestiniens. Les membres actifs et de réserve critiquent l'armée en public. Des parents de soldats le disent aussi à voix haute, estimant que la protection des colonies en Cisjordanie et dans la Bande de Gaza ne vaut pas la perte des vies de leurs fils et de leurs filles.Ces questions sont débattues au plus haut niveau par des dirigeants militaires et politiques israéliens. Fin octobre, le chef d'état major, le lieutenant général Moshe Ya'alon, a dit à des journalistes des trois principaux journaux israéliens que les bouclages, les couvre-feux et les barrages imposés aux civils palestiniens créaient des niveaux de «haine et de terrorisme» explosifs parmi la population. La semaine dernière, quatre anciens responsables du Shin Bet (le service de sécurité intérieure) ont dit que les actions et la politique du gouvernement pendant le soulèvement palestinien avaient gravement endommagé Israël et son peuple.Alors que de telles déclarations publiques mettent en rage le premier ministre Ariel Sharon (un ancien général qui est en faveur de mesures strictes envers les Palestiniens), ces déclarations reflètent les craintes de beaucoup de soldats actifs et de réservistes qui se demandent si l'armée ne provoque pas plus d'attaques terroristes qu'elle n'en prévient. De plus, des membres des forces armées disent qu'ils craignent que certaines des tactiques les plus dures - surtout l'assassinat des militants palestiniens suspectés, qui cause souvent la mort de civils - ne corrompent les soldats israéliens et, par extension, la société israélienne toute entière.«Ce qui se passe est terrible», dit le brigadier général retraité Nehemia Dagan, l'ancien chef de l'éducation des services de l'armée. «L'éthique et la morale de la société israélienne sont plus importantes que le fait de tuer les dirigeants du Hamas ou du Jihad Islamique.»«C'est un genre de guerre difficile. C'est encore plus difficile de garder une éthique», dit Asa Kasher, un professeur d'études militaires à l'université de Tel Aviv, qui réécrit le code d'éthique pour les forces armées qu'il avait déjà écrit neuf ans auparavant. «Il n'y a pas de livres sur les règles morales pour combattre le terrorisme.»Alors que Kasher dit qu'il ne croit pas que les valeurs fondamentales de l'armée israélienne aient changé, ce conflit a «mis les gens dans des situations complètement nouvelles, que ce soit un simple soldat à un check-point ou un chef d'état major».«Même mes amis qui sont juifs pensent que l'armée ne fait pas ce qui est juste», dit un jeune sergent de 20 ans, Noam, sniper dans le bataillon 202 des parachutistes. Les officiels militaires israéliens ont demandé que les noms des soldats actifs ne soient pas mentionnés par peur qu'ils soient poursuivis pour des crimes de guerre dans les pays qui s'opposent aux actions d'Israël dans les Territoires occupés. Noam dit à ses amis: «je ne tue personne sans raison. Je le fais parce que je dois le faire.»En même temps, beaucoup d'autres soldats affirment qu'ils sont fiers de ce qu'ils ont fait. Pendant une grande partie de l'année, Dor, un timide officier médical de 19 ans, a été basé avec les parachutistes près de la ville de Naplouse en Cisjordanie. Il n'était qu'à 43 kilomètres de sa maison à Netanya, une ville balnéaire qui a été la cible de six attaques suicides depuis le début du soulèvement palestinien en septembre 2000. «Tu penses à ta petite amie qui est assise au café, et ici, cela rend les choses plus personnelles, plus pertinentes», dit Dor. «Quand tu arrêtes un kamikaze, tu te sens bien.»La dissidence contre l'action militaire est quelque chose de nouveau en Israël. Les historiens militaires remarquent que le mécontentement du public israélien envers les vingt ans d'occupation au sud Liban et ses victimes de plus en plus nombreuses a aidé à mettre la pression sur le gouvernement pour qu'il retire ses forces en mai 2000 - contre l'avis des dirigeants militaires.Les sondages d'opinion continuent à évaluer les Forces Israéliennes de Défense comme étant l'institution la plus respectée du pays, malgré le fait que le niveau de confiance a légèrement baissé depuis l'incursion de l'armée dans les villes de Cisjordanie au printemps 2002. Les médias israéliens (l'hebdomadaire militaire officiel inclus) ont commencé à être plus enclins à examiner cette institution considérée auparavant comme sacro-sainte.Beaucoup d'analystes disent qu'ils voient aujourd'hui une volonté grandissante parmi les soldats et les officiers de non seulement dénoncer les tactiques utilisées dans les territoires palestiniens mais aussi de refuser de servir. Ceci, disent les analystes, est le signal d'un défi sans précédent vis-à-vis des forces armées et du gouvernement.Israël maintient une conscription obligatoire et un service de réserve durant lequel les hommes concernés et certaines femmes célibataires servent pendant environ un mois chaque année, habituellement jusqu'à l'âge de 41 ans. Mais les exigences varient énormément selon les spécialités militaires des individus. L'armée est, selon Michael Oren, un historien militaire, une «armée de voisinage», et la plupart des garçons et des filles ont grandi en sachant qu'ils allaient la rejoindre. Les soldats actifs et les réservistes ressentent un dévouement profond pour l'armée et pensent qu'ils ont l'obligation de protéger leur pays et les vies de leurs familles et de leurs amis.Mais dans les camps poussiéreux, sur les barrages routiers sous le soleil brûlant du désert et peut-être, plus fréquemment encore, quand les soldats rentrent chez eux et retirent leurs uniformes, l'introspection brouille souvent les contours clairs du devoir.«Tu es dans une situation où tu dois être aveugle», dit Hakkak, le sergent israélien, en tirant nerveusement sur les mèches désordonnées de ses cheveux bruns, tout en parlant de son rôle dans le conflit. «Tu fais les choses comme une machine, ce n'est pas important si c'est bien ou si c'est mal. Les choses que tu as faites te touchent très durement.»Presque 900 Israéliens ont été tués pendant le conflit - plus de la moitié d'entre eux étaient des soldats. Presque 2.500 Palestiniens ont été tués. C'est difficile de déterminer combien de ces victimes étaient des civils. Les groupes palestiniens des droits humains et les groupes de recherche israéliens estiment qu'entre 45% et 85% d'entre eux étaient des civils. Aucun comptage vérifiable indépendant n'existe, et l'armée israélienne ne donne aucune statistique concernant les morts civils palestiniens.Environ une année après avoir quitté le service actif, Hakkak qui comme beaucoup de soldats a trouvé du travail en tant que garde de sécurité, dit qu'il est toujours hanté par son passage en Cisjordanie.Une mystique de l'arméeLe Capitaine Mati Milstein était en sueur et s'ennuyait - s'ennuyait énormément selon ses souvenirs. Il en était à la moitié de sa garde de 8 heures dans un check-point près d'une colonie de la Bande de Gaza, quand il a aperçu une voiture qui s'approchait. Un Palestinien et son jeune fils se trouvaient à l'intérieur.Milstein, aux yeux couleur café dans un visage qui semblé coupé à la serpe, a pointé son M-16 sur le père en lui demandant de sortir de la voiture. Il se rappelle le visage du jeune qui le «regardait avec horreur».Le soldat a scruté le coffre. Le père et le fils revenaient sans doute de la plage et ne présentaient pas de menace de sécurité, se dit Milstein.«Mais je n'avais pas fini», a écrit plus tard Milstein dans un courrier à un journal. «À la pointe du fusil, j'ai ordonné au père d'ouvrir le capot et de montrer le moteur, puis d'ouvrir la boîte à gants, de relever les sièges avant, de ramper à l'arrière et de me montrer ce qui était coincé entre les sièges arrières, d'ouvrir son sac de courses et de vider ses poches.»Alors, avec la carte d'identité de l'homme dans sa poche, Milstein a déambulé vers son check-point fortifié à l'ombre et s'est mis à discuter avec un collègue tout en gardant son M-16 braqué sur le père et son fils, qui étaient restés debout sous le soleil tombant. «Je les ai gardés pendant 20 minutes, parce que je le pouvais», se rappelle-t-il. «Puis je les ai laissé partir parce que le jeu commençait à m'ennuyer.»Milstein, un Américain qui est venu en Israël et a rejoint l'armée quatre ans auparavant, dit qu'il n'a parlé de cet incident à personne - ni avec ses copains soldats, ni avec ses parents à Santa Fe, N.M. «Nous avons tendance à garder ces expériences en nous», explique-t-il, faisant écho aux sentiments de presque tous les soldats qui ont été interviewés. «C'est très personnel. Nous préférons sans doute oublier ce qui est arrivé.»«Je n'ai pensé aux implications que plus tard», dit Milstein, dont le père est psychiatre et la mère psychologue. «Je me sentais mal d'avoir fait cela - de n'avoir pas pu m'empêcher de m'abaisser à faire cela.»L'année dernière, Milstein a décidé de raconter son histoire dans le courrier du journal de la Jewish Federation of Greater Albuquerque. Assis un après-midi récent dans un café de Tel Aviv avec un copain de l'armée, il a essayé de disséquer les raisons qui l'ont amené à rendre publics ses sentiments personnels.«Il y a quelque chose de mystique autour de l'armée: que nous sommes l'armée la plus morale du monde et que nous ne faisons que de bonnes choses», dit Milstein. «Mais ce n'est pas la réalité. Je pense que c'est important que les gens le sachent.» Il a pensé que c'était particulièrement important de le dire à d'autres juifs «parce qu'ils ne savent pas vraiment ce qui se passe».Aujourd'hui, Milstein continue de servir dans l'armée en tant que réserviste de 28 ans travaillant pour un site web israélien. Quand il reçoit des appels, il continue à contrecœur de servir dans les Territoires palestiniens.«Il y a des terroristes qu'on arrête et des attaques terroristes qu'on empêche», dit-il. «À cet égard, il y a un but clair et une raison pour notre présence. Mais je ne pense pas que nous devrions être là. Tous les incidents qui se passent aux check-points rendent la population palestinienne encore plus haineuse envers nous. Cela neutralise le travail utile pour dénicher les kamikazes. Cela renforce les groupes armés palestiniens. Cela permet au Hamas de justifier plus facilement les attaques contre les Israéliens.»Désobéir aux ordresLe brigadier général Yiftah Spector est l'un des pilotes les plus décorés de l'histoire israélienne, un triple as qui a abattu 15 avions ennemis dans les guerres qui se sont étalées sur 30 ans. Ces dernières années, Spector était devenu un instructeur d'aviation vénéré de l'armée de l'air. Cette seule année, il a passé 47 jours de service de réserve et a volé 110 fois, principalement pour former des cadets et leurs instructeurs.Le mois dernier, beaucoup de Palestiniens ont été tués ou blessés quand des pilotes ont essayé de tuer des dirigeants militants en lâchant des bombes ou en tirant des missiles sur les quartiers urbains très peuplés dans la Bande de Gaza. Spector ainsi que 26 autres pilotes (actuels ou anciens) des forces de l'air ont signé une lettre exprimant leur opposition aux «ordres d'attaque illégaux et immoraux». Ils ont refusé de «prendre part aux frappes aériennes sur des centres de population civile» et «de continuer à faire du mal à des civils innocents».La lettre a mise en colère beaucoup de commandants, a secoué l'establishment politique et a stupéfié une société qui a depuis longtemps considéré que les pilotes militaires faisaient partie de l'élite de la nation. Le commandant des forces aériennes, le major général Dan Halutz, a empêché tous les pilotes de décoller et a licencié sur le champ neuf des instructeurs, dont Spector, son ami de longue date et son collègue.Spector, 63 ans, ne s'est pas découragé. Dans une interview quelques jours après avoir rendu ses insignes à Halutz, il a dit: «Je suis le public. Je peux parler avec mon cœur.»«Si nous continuons, il y aura des dilemmes de plus en plus graves et on fera de plus en plus d'erreurs», dit Spector, qui est aussi un sculpteur et un peintre, et qui a inventé un système de contrôle informatisé pour un vol d'avion. Le gouvernement, dit-il, est «sourd, aveugle et stupide» de compter uniquement sur la force militaire pour résoudre le conflit.En plus des pilotes, 567 officiers de réserve et de soldats ont publiquement déclaré qu'ils ne serviront plus dans les Territoires occupés palestiniens et, d'après les avocats militaires et les experts militaires israéliens, des centaines d'autres ont tranquillement demandé à leur commandant leur réaffectation.Beaucoup d'officiels du gouvernement ont rejeté le nombre, estimant qu'ils étaient sans conséquence par rapport aux approximativement 186.000 soldats actifs et aux 445.000 troupes de réserve de l'armée. Certains analystes militaires ne sont pas d'accord.«Ceci est très significatif», dit Yagil Levy, l'auteur d'un livre publié récemment sur les tendances changeantes de l'armée. «Pour la première fois dans l'histoire d'Israël, on parle de centaines d'officiers. Ce sont des officiers très importants qui ont servi à l'armée dans des emplois très importants.»La peur de l'inconnu«Ma plus grande crainte est que nous nous anesthésiions», a déclaré récemment Nadav, un capitaine de 26 ans dans sa base israélienne miteuse près de Naplouse, située à environ 40 kilomètres au nord de Jérusalem. Il était assis dans son bureau devant sa table couverte d'un plastique poussiéreux, fumant ses Marlboro light l'une après l'autre et contemplant l'impact qu'avait cette guerre sur son armée. Comme tous les officiers dans l'armée israélienne, il a commencé son service comme simple appelé.Nadav, un homme solide qui a fait une pause pour aller voyager de par le monde après son service obligatoire, est retourné en service actif l'année dernière. Il décrit son voyage en Éthiopie. Le premier jour, il a été accablé par la pauvreté. Après quelques jours, il dit «je ne l'ai plus tellement vue» et il ajoute «j'ai peur que cela va aussi nous arriver. Nous commencerons à faire des choses, comme saisir une maison et faire sauter une porte, et cela nous semblera naturel - nous ferons des choses et nous ne penserons pas à la personne, même si elle est tuée».Nadav commande une compagnie d'environ 150 soldats dans le bataillon 202 de parachutistes. Ses troupes sont composées de natifs d'Israël et d'émigrants venant de tous les coins du monde: 20 viennent de Russie et d'autres pays ayant appartenus à l'ancien bloc de l'Est, 10 viennent d'Éthiopie, d'autres viennent d'Argentine, de Grande-Bretagne et, jusqu'à récemment, deux viennent des États-Unis. Les membres de la compagnie se sont donnés le nom de «serpents à sonnettes».Il se réfère à eux comme «mes enfants». Il s'inquiète de la tension que ce conflit fait peser sur son unité et sur ses hommes. Avant les incursions en Cisjordanie de l'année dernière, les troupes passaient habituellement quatre mois sur le terrain et quatre mois d'entraînement sur une base arrière. Cette année, les hommes de Nadav n'ont eu qu'un mois d'entraînement et de réorganisation après 11 mois d'opérations de combats.Une nuit de cette année, les «serpents à sonnette» se sont rassemblés devant une photographie aérienne projetée par informatique et très détaillée de Naplouse, une ville ancienne connue de la plus part des hommes dans la pièce sous le nom hébreu de Shechem et vénérée par les juifs comme étant le lieu où Abraham a reçu la promesse de la terre d'Israël.La mission nocturne était un raid pour attraper un militant palestinien suspecté. «Nous ne savons pas grand-chose», a prévenu le commandant adjoint qui faisait le briefing. «Le nom, à quoi il ressemble... Nous ne savons pas où il est. Il y a des endroits que nous suspectons...» Trois maisons où les rapports des services secrets indiquaient que le suspect pourrait passer la nuit.Chaque escouade devait partir en jeep blindée ou en camion, chaque homme avait un toit spécifique, une ligne d'arbres ou d'allée où il devait se positionner. Chacun devait savoir où se trouvaient ses collègues afin de réduire les risques de blessures causées par des feux amis.Les soldats disent que peu d'opérations créent autant de tension psychologique que les recherches de militants suspects. Quelquefois, les troupes font sauter des portes avec des explosifs par crainte d'un danger potentiel venant de combattants armés de l'autre côté de la porte. Mais ils trouvent trop souvent des familles palestiniennes terrifiées dans leurs propres maisons.«Une fois, nous sommes entrés dans une maison... de façon vraiment très très agressive», dit un jeune sergent chef de 22 ans, Gabriel, dont les cheveux cuivrés ressortent sous une kippa bordeaux avec l'emblème des parachutistes dessus. «Les gens avaient vraiment peur. Ils tremblaient. Pas seulement les femmes, mais le père aussi; tous tremblaient.» C'était la mauvaise maison.«Je me suis senti vraiment vraiment mal», dit Gabriel, qui raconte qu'il regarde des films de Walt Disney pour se détendre lors de ses week-ends à la maison. «Si c'est un terroriste, tu ne te sens pas si mal. Mais je me sentais vraiment mal. Je ne pouvais pas m'arrêter de m'excuser. Je ne pouvais rien faire. Je ne suis qu'un soldat.»Noam, le sergent chef de 20 ans, a passé sa jeunesse en Israël puis a déménagé en Grande-Bretagne avec sa famille. Il est revenu il y a presque trois ans pour servir dans l'armée. Pendant ces trois années, il a perdu le compte des maisons palestiniennes dans lesquelles il a fait des descentes.«Tu ressens de la pitié pour la famille», dit le grand et maigre soldat aux cheveux noirs et courts. «Ils n'ont rien fait de mal... Tu penses à ce que tu ressentirais si quelqu'un venait comme ça dans ta famille.»«Une personne qui n'est pas dans l'armée pourrait penser que tu devrais sortir des Territoires occupés», dit Noam, en regardant deux «serpents à sonnette» jouer un jeu de ping-pong échauffé en attendant que la mission nocturne commence. «Mais en étant ici, tu sais que tu as arrêté un assassin potentiel. C'est la seule satisfaction.» Il ajoute doucement: «Même s'il n'y a pas beaucoup de satisfaction. C'est une guerre. Personne n'aime cela.»
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