THEATRE à COLMAR
Cabaret Brecht
Chansons de Bertolt Brecht
Mise en scène Guy Pierre Couleau
Dans la grande salle transformée en cabaret, Nolwenn Korbell, accompagnée à la guitare par Didier Dréo nous propose un parcours dans l’univers fougueux , sensuel et politique de Bertolt Brecht à travers quelques- unes de ses nombreuses chansons sur les musiques de Kurt Weil, de Paul Dessau et Hans Eisler. Cette soirée mise en scène par Guy Pierre Couleau avec la complicité évidente de tous les partenaires de ce spectacle, fut un moment de vrai bonheur autant par le choix des chansons, leur enchaînement, et une interprétation conduite toute en finesse, fougue, sensibilité et humour par la chanteuse, Nolwenn Korbell que nous avions déjà eu le bonheur d' entendre dans Maître Puntila et son valet Mati, et par un accompagnement musical rock sur guitare sèche et parfois sur guitare électrique .Il fallait avoir une certaine audace pour garder à ses chansons toutes leurs qualités, en leur appliquant cette note de modernité, de bon aloi
Sur une scène discrètement éclairée par une guirlande d'ampoules que la chanteuse, Nolwenn Korbell va entamer son tour de chant disparaissant derrière un léger rideau pour se changer en fonction des chansons interprétées. Les spectateurs assis autour d'une petite table ronde, recouverte d'un nappe en coton blanc table, comme cela se faisait dans les cabarets d'autrefois vont suivre ce récital composés de chansons bien connues comme celle de Mère Courage placée au début, ou La Complainte de Mackie -le- Surineur qui terminera avec éclat cette soirée, d'autres moins connues nous ont tout autant enthousiasmés
Sur le devant de la scène, perchée sur ses talons aiguille, habillée d'une longue jupe en coton ceinte à la taille par une grosse ceinture, un grand foulard sur son dos , la chanteuse s'engage avec toute sa fougue dans la célèbre et bien connue Chanson de Mère Courage accompagnée à la guitare électrique par Didier Dréo qui ponctue joliment les paroles Au final et comme un clin d'œil apporté à la dimension à la fois tragique et dérisoire de cette guerre de Trente Ans, elle se saisit d'un pistolet en plastic blanc, appuie sur la gâchette et fait éclater un pétard qui projette des bouts de papier. Elle enchaîne en anglais la Ballade du soldat .Ensuite coiffée d'une perruque et d'un costume sobre elle nous chante en allemand, avec une émotion retenue la Chanson d'une mère allemandequi regrette d'avoir donné à son fils la chemise brune qui l'a amené à vivre l'aventure nazie jusqu'à sa fin tragique. La suite c'est en quelque sorte la chanson ;Et qu'a reçu la femme du soldat? qui énumère avec force et cinglante ironie les cadeaux prestigieux envoyés à sa femme pendant le parcours victorieux de l'armée allemande jusqu'au moment de la défaite à Stalingrad où on lui envoie le voile noir des veuves . Le chant de la Moldau termine cette incursion dans le nazisme et la seconde guerre mondiale
Habillée d'une longue robe scintillante comme ce cadeau reçu par la femme du soldat nous entrons dans la partie cabaret plus distrayante qui commence avec Le Chant de Nana qui nous raconte la vie aventureuse d'une prostituée. Après cette chanson Nolwenn Korbell fait le tour des tables, interpelle joyeusement les spectateurs et leur propose des jeux dont celui de la démonstration de sa fabuleuse capacité de calcul mental. Elle enchaîne avec succession de chansons très enlevée qu'elle interprète avec une expressivité, une énergie touchantes . La plupart sont des extraits bien choisis de "L'Opéra de quat 'sous" comme: La Fiancé du pirate, La Chanson de Salomon, La Complainte de Mackie-le Surineur. Pour cette dernière chanson, Nolwenn Korbell habillée d'un jupon noir, et fidèle compagnon Didier Dréo qui gratte sa guitare avec fougue, ont suscité l'enthousiasme des spectateurs , et comme il se doit on nous gratifie d'un bis qui termine avec bonheur cette soirée très chaleureuse et très gaie
Cette production de la Comédie de l'Est est comme la deuxième étape de ce retour Bertolt Brecht mené , après l'inoubliable Maître Puntila et son valet Mati par Guy -Pierre Couleau qui a eu l'heureuse initiative d'inviter deux artistes qui nous introduisent avec leur immense talent et leur profonde sensibilité dans le monde des chansons de Brecht. Soulignons aussi que la scénographie, les costumes de Laurianne Scimemi et la lumière de Michel Bergamin, ainsi que tout le travail de l'équipe technique participent à la réussite de cette "célébration" festive, à laquelle nous souhaitons bonne route dans d'autres lieux
Francis Grislin