L’idée du « transfert » dans la doctrine sionisteDans un article paru dans la « Revue d’études palestinienne », automne 1988, Israël Shakak, Président de la Ligue israélienne des droits de l’homme s’interroge sur les dangers de l’idée de transfert de la population palestinienne dans la doctrine sioniste, avec beaucoup de lucidité il en souligne les dangers non seulement parce qu’une très forte minorité déclare favorable mais parce qu’il n’existe guère d’opposition de principe de la part de personnalités influentes. Avec une incontestable pertinence, Israël Shahak analyse les présupposés du projet sioniste :« Les aspects uniques du sionisme qui, né au sein même de la communauté juive – elle même unique -, ne sont pas réducteurs à d’autres régimes coloniaux, à d’autres sociétés de colonisateurs ; ceux – ci n’ont pratiquement jamais tenté d’expulser, mais plutôt d’asservir et d’exploiter….Pour bien comprendre la gravité du projet, il faut le rapprocher du plan officiel du parti nazi, le plan de la « solution finale de la question juive », exposé même avant la prise du pouvoir de 1933, et qui porte le nom « transfert » jusqu’en 1939, où il devient extermination des juifs….Pourtant ils avaient exposé leurs projets au grand jour, mais on y avait prêté trop peu d’attention. La même chose risque d’arriver au plan de « transfert » des Palestiniens, plan digne des nazis, si le monde extérieur à Israël ne le prend pas au sérieux alors que certains Israéliens, eux, le font ! ….»La préhistoire de l’idée de « transfert » : « Bien des gens oublient, parfois par « bienveillance », parfois par ignorance ou par opportunisme, que le sionisme est un mouvement juif et qu’on ne peut le comprendre sans une étude de l’histoire juive. Si l’on prenait en compte que les seuls concepts généraux de « société des pionniers », de « colonialisme »etc sans y ajouter le passé spécifique du peuple juif, on se ferait une idée totalement fausse de la réalité, et en particulier de celui du « transfert ». Il faut donc considérer que l’expulsion des non - juifs de la terre d’Israël à la lumière des textes sacrés pour les juifs, ceux qui du moins influencent actuellement la société juive israélienne. Pour Israël Shahak, ce qui fait autorité auprès de la grande majorité des Israéliens, c’est la Bible qui trace la conduite à tenir à l’égard des populations non juives : « Il est dit que Dieu lui-même enjoint aux enfants d’Israël de ne laisser aucun non juif vivant sur la terre d’Israël, mais de les exterminer »..Pour Shahak la lecture de : le Deutéronome et du livre de Josué est édifiante. Si les villes éloignées des terres que Yahvé destine à son peuple peuvent profiter d’une certaine mansuétude à conditions qu’elles se soumettent et que se habitants consentent à être « coupeurs de bois et porteurs d’eau », il n’en est point de même pour les villes que l’Eternel donne en héritage à son peuple : « Mais quant aux villes de ces peuples que Yahvé, ton Dieu, te donne en propriété tu n’y laisseras la vie à rien de ce qui respire, car tu dois les vouer à l’extermination »(Dt verset 16 et 17)Le sionisme et le « transfert »« Dans la notion de « transfert » le plus important n’est pas l’expulsion en temps de guerre…. Le plus révoltant c’est le projet de transfert froidement calculé, l’expulsion en temps de paix, une paix au moins relative, après une victoire et dans une situation de supériorité militaire écrasante. J’établis très consciemment un parallèle avec l’Allemagne nazi dont le crime contre les juifs commença précisément par le transfert organisé de sang-froid et qui ensuite se transforma tout naturellement en extermination planifiée… Je pense que l’extermination organisée d’un peuple tout entier est une forme de nazisme…. »Après une revue assez édifiante de personnalités favorables à la solution du « transfert » que les dirigeants israéliens ont systématiquement pratiqué pour différentes raisons, les « attentats terroristes » ne faisant que accélérer le processus, Israël Shahak cite Joseph Weitz, un de grands théoriciens du « transfert » qui en 1967, alors qu’il était très âgé rêvait de réaliser son projet, mais que Golda Meir a écarté parce que, après la campagne de propagande menée par Israël , une colonisation trop précipitée aurait fait « tâche »« Entre nous, il doit être bien clair qu’il n’y a pas de place pour deux peuples dans ce petit pays. Si les Arabes s’en vont, il sera libre et ouvert pour nous. Si les Arabes restent, le pays restera étriqué et misérable. Quand la guerre sera finie et que les Anglais l’auront, quand les juges siégeront sur le trône de la Loi, notre peuple doit présenter ses besoins et ses droits, et la seule solution est la Terre d’Israël, ou au moins la partie occidentale de la Terre d’Israël (c’est à dire la Palestine) sans les Arabes. Il n’y a pas de compromis possible sur ce point. Jusqu’ici l’entreprise sioniste a fait du bon travail en préparant la création de l’Etat hébreu. Jusqu’ici on pouvait se contenter « d’acquérir » des terres, mais ce n’est pas cela qui fondera l’Etat d’Israël. Cela doit se faire d’un seul coup comme la Rédemption.(c’est le secret de l’idée messianique) Et il n’y a pas d’autre moyen que de transférer les Arabes d’ici vers les pays voisins…….. » (décembre 1940)Remarques Comme le souligne l’auteur de cet article qui cherche à faire prendre conscience des enjeux et des problèmes posés, ces déclarations sont pleines d’échos de valeurs religieuses alors que Weitz était membre du très laïque Parti socialiste qui a contribué largement à la mise en œuvre du projet sioniste.Il nous paraît donc essentiel, pour une paix équitable, que le sionisme non seulement révise son « projet » mais accorde ses pratiques à certains de ses discours officiels de propagande rassuranteL’idée du « transfert » n’est donc pas liée à « l’extrémisme », mais s’inscrit bien dans l’idéologie sioniste d’inspiration biblique
Billet de blog 31 décembre 2009
L'idée du "transfert" dans la doctrine sioniste appliquée par Israël
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