Plus que les promesses, l'Esprit et les Valeurs engagent la Responsabilité d'un candidat. Si on doit faire un inventaire des promesses tenues, il faut en faire une somme pondérée par notre sensibilité propre. Ce billet est la mienne, en matière de vision de la Crise, Justice fiscale et Sociale, Finance, Politique Européenne, ANI et Travail.
Hier, à l’occasion des 1 an de présidence de François Hollande, nous avons été abreuvés de bilans sur la 1ère année de présidence de François Hollande. Ma réflexion est partie de ce bon article de Libé, porté à mon attention sur twitter par @pierrerosellini, que je salue ici, même si il ne partage pas mon analyse sur ce bilan. Ce billet est né d’une série de twits « échangée » avec lui. (En réalité, je me suis un peu défoulé sur lui, et j’écris ce billet pour me faire pardonner)
Cet article de Libé fait un inventaire honnête et précis des « promesses » et indique si elles ont été tenues ou pas. Mais plutôt que de compter le nombre de promesses avec un poids égal, il faut faire une somme pondérée, le poids des promesses dépendant de chacun et de sa sensibilité.
Ma sensibilité, la voici. Je suis Euro-Fédéraliste, je crois que la solution à la Crise et la lutte contre la Finance viendra de plus de Démocratie dans une Europe libérée du dogme ultra-Libérale. J’ai voté Martine Aubry aux primaires et François Hollande aux présidentielles.
Plus que les promesses, qui n’engagent que ceux qui y croient, ce qu’il faut regarder est l’esprit de la campagne Hollande, sa philosophie, la ligne qu’elle laissait augurer, et voir comment elle a été retranscrite dans les faits par nos gouvernants.
Une crise Sous-Estimée
Je prenais la sous-estimation de la crise comme un calcul politique, pensant que François Hollande était conscient de la réalité, mais que, par stratégie, il minimisait la Crise pour faire peser d’avantage la situation d’alors sur son adversaire. Il s'avère que non. Le candidat Hollande comptait réellement sur un tassement de la crise, toute seule et un retour de la croissance. C’est une grave erreur d’analyse relevant d’un optimisme béat. « Tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes » ? Non. Pangloss a été balayé par Murphy depuis longtemps.
Il n’y aura plus de fortes croissances. Les 30 glorieuses étaient une anomalie, un âge d'or, résultant de la Guerre. Le collectif Roosevelt le montre bien. J-L Mélenchon a raison sur un point : F. Hollande n'a pas le sens tragique de l'Histoire. Pas le sens de l'Histoire du tout, même.
Du sang et des larmes, mais dans la Justice… ?
Au-delà des promesses, La logique derrière le Hollandisme, c'était quoi? Ça va être dur, mais on va faire que ça soit juste.
La Justice était portée par la Réforme Fiscale de Thomas Piketty. La logique en est limpide, plus c’est simple, moins on peut gruger, plus l’optimisation fiscale est difficile, plus l’impôt sur le revenu est effectivement indexé sur les revenus effectifs : juste. Pour pouvoir faire des efforts, il faut avoir l’impression que tout le monde en fait et que c’est juste.
Cette réforme fiscale a été confiée à Jérôme Cahuzac, oui oui, Jérôme Cahuzac, qu’on ne pouvait peut être pas accuser de fraude fiscale il y’a un an, mais dont on connaissait les idées et les liens avec la finance. Cahuzac s'est bien sur empressé d’enterrer cette réforme clé en main, puis est venu claironner avec tout l’aplomb qu’on lui connait, sur les plateaux de télé, pour annoncer que la réforme fiscale était faite. Avec le même aplomb que si il avait dû clamer son innocence devant la représentation nationale pour défendre son honneur bafoué.
A qui d'autre que Cahuzac aurait-on pu confier cette Réforme Fiscale si on avait voulu l'enterrer? A qui? Je ne suis pas d'accord quand on dit qu'il n'y a pas eu de volonté politique sur la Réforme Fiscale. Au contraire, il y'en a eu une… Celle de l’enterrer !
La Justice fiscale et sociale n’est pas une façade M. Le Président.
L'ennemi c'est la Finance
L'ennemi c'est la finance… Bravo. On prend le bon chemin… Et moi je suis pour la paix dans le monde.
Quand on dit cette phrase et qu’on est un Responsable Politique, il faut donner des gages forts, nets, précis.
En guise de gage, on a eu la loi bancaire.
Vous avez vu la loi bancaire telle qu'elle est arrivée devant les députés?
Le PDG de la BNP a dû reconnaître, gêné, devant la commission parlementaire que c'était une Arnaque. Qu’une partie infinitésimale des revenus des banques allaient être concernés par la séparation. Infinitésimale. Et qu’elle ne briderait donc en rien la Finance folle.
Qui sont les fonctionnaires qui ont élaboré cette loi? Qui? Où iront-ils travailler dans quelques mois/années? Ont-ils un intérêt personnel à affaiblir la finance ou à empêcher l’optimisation fiscale? Je ne tombe pas dans la théorie du complot, mais pas non plus dans l’angélisme. Les hauts fonctionnaires à Bercy sont humains. Et le fait qu’on leur permette de passer dans le privé relève du conflit d’intérêts majeure et constitue un bras de levier important offert aux lobbies financiers.
Quels sont les ministres qui ont pu laisser sortir de Bercy un tel projet de Loi? Qui? Malhonnêteté ou Incompétence?
La loi votée n’est pas suffisante. Nombre de députés de la majorité s’en sont émus. Je pense en particulier à Jérôme Guedj, qui a porté le fer de ce combat dans la sphère médiatique. Mais beaucoup de ces députés n’ont pas pu voter, sous la pression, en leur âme et conscience et sont rentrés dans le rang. Etonnant de la part d’un Premier Ministre, qui, quand il était président de groupe à l’assemblée ne cessait de brocarder le pouvoir UMP qui avait transformé l’assemblée nationale en chambre d’enregistrement. Tout cela manque de cohérence.
Le Cap Européen
Pacte de Croissance
Renégocier le traité Merkozy était impossible, on le savait. La parole d’un Président, fut-il maintenant ex-Président, engage son pays sur le long terme et on ne peut pas déchirer les contrats signés, au nom de la continuité de l’Etat.
Mais le pacte de croissance était un enfumage. A peine un enrobage de fonds insuffisants, en bonne partie préexistants, concédés à notre président par ses collègues pour ne pas qu’il perde la face. Mais le pacte de croissance n’est absolument pas une réorientation de l’Europe comme on a voulu nous le faire croire.
En bon ancien 1er secrétaire qu’il est, François Hollande a voulu jouer l’anguille, en manœuvrant pour envoyer l’Espagne et l’Italie en 1ère ligne. Mais l’anguille, sortie des eaux troubles du PS, est arrivée en eaux profondes s’est faite manger par les requins ultra-libéraux. Comme d’habitude, chaque Etat a défendu ses intérêts, et notre Président est rentré à la maison avec son pacte de croissance en guise de cache sexe.
Budget Européen et Europe Politique
Faire bouger les choses en Europe, c’est difficile, je vous l’accorde. Mais ne pas s’opposer à la vision ultra-libérale de l’Europe alors qu’on en a le pouvoir, c’est quoi? Au jeu de poker de la négociation budgétaire, notre Président a checké pré flop pour ne pas avoir à gager ses jetons: la PAC, alors qu’il avait une paire d’As en main : le véto.
Il a passé parce qu’il a laissé la Responsabilité au Parlement Européen, cette institution si décriée par certains, pour exercer sa Responsabilité de chef d’Etat antilibéral à sa place. Les Députés Européens n’ont pas flanché, eux. Certains pour défendre leur propre pouvoir, OK, mais ils ont pris une grosse responsabilité, celle de mettre en échec un budget ultra-libéral qui aurait torpillé l’ébauche si ténue d’une Europe Politique, pour en faire encore d’avantage un simple marché ouvert aux 4 vents.
Alors? Bien joué M. Le Président? Il est arrivé à ses fins sans se mouiller, en faisant l’anguille? Non.
Parce que pour construire une Europe Politique, apolitique, en dehors du carcan néolibéral, cela requiert que des chefs de gouvernements prennent l’initiative, la responsabilité et le risque de lâcher de leur pourvoir, pour le mettre dans les mains des citoyens.
L’Allemagne demande plus de démocratie en Europe : une démocratie de façade, qui ferait élire le Président de ce si opaque Conseil des chefs d’Etats et de Gouvernements, qui gangrène l’Europe, au Suffrage Universel. Si on leur disait « chiche » pour la Démocratie, mais pas celle-là. Chiche pour une vraie démocratie, Fédérale, avec un Parlement puissant et débarrassée de la marque de l’idéologie ultralibérale. Prenons l’Allemagne et les ultralibéraux à leur propre jeu de la Démocratie.
Depuis la chute de l’URSS, les pays libres n’ont pas de doctrine inscrite dans leur constitution. C’est aux citoyens de décider de l’orientation économique, pas à la constitution.
L’ANI ou privilégier la forme sur le fond
Sur l'Accord National Interprofessionnel, notre Président a privilégié la méthode, sociale-démocrate, au détriment du résultat.
Le fond
En social-démocrate qu’il est, la fléxi-sécurité fait fantasmer notre président. Mais quand le fléxi devient un peu trop fléxi, il devient de la précarisation, même avec une sécurisation du parcours.
Sous prétexte qu’on sécurise, on valide le fait que les salariés doivent accepter de devenir flexibles. Après tout, pourquoi pas, si les revenus sont compensés? Des gens de droite, qui représentent le patronat ou qui n’ont jamais été salariés de leur vie peuvent raisonner comme ça. Mais pas des gens de gauche, censé représenter les classes populaires et laborieuses.
Raisonner comme cela, c’est réduire le Travail au salaire. Mais un Travail est bien plus que cela Monsieur le Président. C’est un motif de fierté, une source d’identité, un endroit dans lequel on retrouve des collègues, où on peut se projeter.
Qu’adviendra-t-il de tout ça si on entérine le fait que le travail puisse devenir de plus en plus flexible? Si on repasse aux journaliers comme au XIXème siècle? On retire aux gens la possibilité de se projeter. Et un pays qui ne se projette pas est un pays dépressif qui va mal et qui ira de plus en plus mal, économiquement comme socialement.
Beaucoup de gens sont circonspects quand on évoque cette facette du Travail. « L’urgent c’est de trouver du boulot aux gens », oui, mais pas en cassant le Travail et en compromettant notre futur. Un membre de ma famille proche était lui-aussi circonspect. Il s’est récemment trouvé dans une situation où il était, pour la première fois de sa vie, privé de perspective dans son travail. Il s’en est heureusement bien sorti, mais ça lui a fait tout drôle. Et ça a modifié sa vision sur ce point.
Il est tant que Terranova et une partie du PS se réveillent : Nous ne sommes pas dans une ère du post Travail. Nous sommes dans le Travail, en plein cœur d’une nouvelle Révolution Industrielle, et il faut qu’ils parlent à nouveau aux classes populaires et laborieuses, pour leur redonner de la fierté et des perspectives. Pour leur montrer qu’ils ne sont pas des laissés pour compte, des rebus, dont les voix sont prêtes à être récoltées par la première néofasciste qui passe.
Plutôt que de miser sur des bobos volatils, dont je suis (des bobos, pas du volatil), l’électorat, la BASE du PS, elle est là. Qu’est ce qui reste à un parti dont la base déserte? Du sable. Et électoralement ce sera loin d’être un mauvais calcul. La campagne de 2007 de Sarkozy l’a montrée. Les classes populaires et laborieuses n’attendent que ça : vibrer pour leurs valeurs. Mais attention, cette fois, il ne faut pas leur mentir. Ah ça non, il ne faut plus leur mentir. La situation est trop grave, et la trahison n’en serait que plus grande.
Le fond n’y est pas. Mais la forme?
Pour un social-démocrate, quel pied ça doit être d’obtenir un accord majoritaire entre patronats et syndicats. Quel pied !
Mais si jubilatoire que la forme puisse être, cela ne vaut pas le coût d’y sacrifier le fond : la Valeur Travail. Celle qui fait que mon grand-père cheminot ressentait une honte profonde quand le train ne pouvait pas passer à cause de la neige. C’est non seulement une Valeur, mais une Richesse, qu’il faut cultiver et encourager pour se relever.
Monsieur le Président, les députés de votre majorité n’ont pas reçu le mandat de la part de leurs concitoyens pour saboter cette Valeur Travail. Ils le savent. Votre devoir de Démocrate et d’homme de Gauche est de laisser les députés amender ce texte, en leur âme et conscience, dans la logique du mandat qui leur a été donné.
Que le ralliement d’Arnaud Montebourg au candidat Hollande lors des primaires doit lui peser maintenant. Que cette charge de « ministre du sauve qui peut » doit être lourde pour quelqu’un qui semble croire en ce qu’il fait.
"C'est à la fin du bal qu'on paye les musiciens". Mais pour l'instant, ils ne jouent pas la partition pour laquelle ils ont été engagés. Je ne cède pas aux sirènes du Mélenchonisme, mais je ne peux pas suivre Hollande dans ce cap. J’ai voté Aubry aux primaires, pas Bayrou. Je veux ma 1ère Gauche.