Par 400 voix contre 175, les députés de la Chambre des Communes, au Royaume-Uni, ont voté mardi 5 février en faveur de la loi autorisant le mariage homosexuel. Le Premier ministre, David Cameron, a parlé d’un « important pas en avant » renforçant la société britannique. Pour Nick Clegg, vice-premier ministre et chef du parti libéral démocrate, « peu importe qui vous êtes et qui vous aimez, nous sommes tous égaux ». Ed Miliband, leader du parti travailliste, évoque quant à lui un jour décisif pour « la lutte pour l’égalité en Grande-Bretagne ».
La loi pour le mariage homosexuel ayant fortement divisé les Tories, elle n’aurait pas pu être votée sans le soutien des libéraux-démocrates et des travaillistes. David Cameron s’était à plusieurs reprises déclaré favorable à cette loi, mais il avait également indiqué qu’il ne forcerait pas les députés conservateurs à le soutenir. Dimanche, une vingtaine de représentants de son parti lui avaient adressé une lettre lui demandant « plus de temps (pour) débattre d’un sujet d’une telle gravité », craignant que cette loi n’« entraîne de profonds dommages au parti conservateur à l'approche des élections de 2015 ».
Jeudi matin, dans une lettre envoyée au Daily Telegraph, le chancelier George Osborne, le ministre des Affaires étrangères, William Hague, et la ministre de l'intérieur, Theresa May, s’étaient empressés d’inciter leurs collègues à soutenir la position du gouvernement: « Le mariage a évolué au cours du temps. Nous croyons que le fait de l’élargir aux couples de même sexe n’affaiblira pas cette institution mais qu’au contraire, cela la renforcera. (…) Comme David Cameron l’a dit, nous devrions défendre le mariage gay non pas en dépit du fait d’être Conservateurs, mais parce que nous sommes Conservateurs ».
Au cours d’un débat qui a duré toute une après-midi, Maria Miller, la ministre des Femmes et des Égalités, a ainsi expliqué que « ce que le mariage nous offre à tous est un partenaire de vie avec qui partager notre voyage, une relation stable d’amour pour se consolider et un soutien mutuel tout au long de notre vie ». A ceux qui lui ont rappelé que le partenariat civil, adopté en 2005, reconnaît déjà les couples homosexuels, elle a défendu qu’un tel partenariat « ne contient pas les mêmes promesses de responsabilité et d’engagement que le mariage ».
Mais, dans un pays où l’Eglise anglicane possède une influence indiscutable, la principale inquiétude ressortant de ce débat parlementaire a porté sur le respect des croyances religieuses. Maria Miller a donc tenté de rassurer les parlementaires de tous bords en affirmant que toutes les organisations religieuses auront la liberté de décider elles-mêmes si elles veulent ou non célébrer des cérémonies religieuses pour les couples de même sexe. L’Eglise anglicane ayant des devoirs particuliers reconnus par le droit commun, des mesures spécifiques devront être prises pour qu’elle puisse elle aussi autoriser le mariage homosexuel, seulement si elle le souhaite – ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. La ministre des Femmes et des Égalités a également souligné qu’aucun enseignant n’aurait à promouvoir des vues qui iraient à l’encontre de ses croyances et qu’enfin, il était « simplement inconcevable que la Cour (européenne des droits de l’Homme) demande à des groupes religieux de conduire des mariages pour les couples de même sexe, si cela va à l’encontre de leurs doctrines ».
Tandis que les parlementaires de la Chambre des Communes s’agitent, la société britannique apparaît quant à elle relativement silencieuse. Rien à voir avec les manifestations pour et contre le mariage pour tous qui se sont multipliées ces dernières semaines en France. Steve Wharton, professeur à l’Université de Bath et spécialiste du mouvement LGBT au Royaume-Uni et en France, voit dans cette différence entre les deux pays, d’une part « la tradition révolutionnaire de la France, sa tradition à manifester », d’autre part, le fait que « pour une large proportion du public britannique, l’homosexualité n’est plus vraiment sujet à controverse, il y a beaucoup de tolérance ».
Mais si la loi sur le mariage homosexuel ne déchaine pas les mêmes passions au Royaume-Uni, c’est aussi parce que les enfants n’ont pas été mis au cœur du débat. Et pour cause: les droits parentaux des couples homosexuels y sont déjà reconnus. Depuis 2002, célibataires et couples non mariés, quels qu’ils soient, ont le droit d’adopter un enfant. Il est également possible de recourir à la procréation médicalement assistée. La gestation pour autrui, quant à elle, est légale, tant qu’elle n’est pas rémunérée. A l’époque de l’adoption du partenariat civil, ajoute Steve Wharton, « des points de vues très forts ont été exprimés, des prédictions de désastre social et sexuel, et puis finalement le ciel ne nous est pas tombé sur la tête ».
La loi sur le mariage homosexuel doit maintenant être discutée à la Chambre des Lords. Le partenariat civil, quant à lui, reste toujours fermé aux couples hétérosexuels.