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Billet de blog 8 août 2025

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Entre expression politique et outil de sociabilisation : le dogwhistle aux États-Unis

Outils politiques intégrés aux discours publics depuis des décennies, les dogwhistles ont bien changés ces dernières années. Entre usage social par l'alt-right et lente mort des dogwhistles à visée politique sous l'impulsion de Trump, retour sur un phénomène discursif et ses implications contemporaines.

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20 janvier 2025. La campagne présidentielle est terminée, Donald Trump vient tout juste d’être investi 47ème Président des États-Unis d’Amérique, mais l’heure est encore aux meetings. Allié·es et soutiens s’enchainent sur scène, galvanisant la foule et flattant l’ego du vieux président, préparant le terrain pour qu’il puisse encore une fois dérouler les poncifs de campagne qu’il répète ad nauseam depuis bientôt 10 ans. Elon Musk, devenu au fil de la campagne habitué de l’exercice, s’élance pour quelques minutes de discours, ponctuées par ses habituels bégaiements et tentatives de blagues (qui le font systématiquement rire lui, à défaut de faire rire le public). Il entre sur scène sans honorer la salle de son habituel X-Jump, lui préférant des grands gestes victorieux avant de rapidement rappeler l’importance de l’élection de novembre. Et, après être arrivé sur scène depuis à peine une minute, il adresse à la foule deux saluts nazis appuyés, consécutifs avant de leur dire qu’il leur « envoie son cœur » (en anglais « My heart goes out to you » qui est une expression signifiant non pas la reconnaissance ou l’amour mais la compassion) et d’entamer deux minutes de discours.

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À gauche, Elon Musk effectuant le X-Jump lors d'un meeting de Donald Trump. À droite, Elon Musk effectuant un salut nazi lors du programme post-investiture de Donald Trump.

Les heures qui suivirent ce discours furent l’occasion de débats enflammés sur la signification de son geste, sur la différenciation entre salut romain, fasciste et nazis ou encore sur le fait que Musk soit autiste. Or, là n’est pas le sujet aujourd’hui. Cet évènement est plutôt l’occasion de parler de dogwhistles.

La fin de la ségrégation et la Southern Strategy : quand le racisme se lance en sous-marin

Avec la fin des lois Jim Crow et la fin de la ségrégation légale des Afroraméricain·es dans les années 1960 est apparu une nouvelle opportunité électorale pour le parti Républicain. Jusqu’alors, le Sud des États-Unis (terme qui désigne les anciens états confédérés plus que le sud géographique) était un solide bastion démocrate. Le parti était alors partagé entre une aile plutôt libérale et une aile conservatrice ouvertement raciste. Mais le passage du Voting Rights Act de 1965 par un président démocrate, Lyndon B. Johnson, fut un point de rupture pour les électeurices démocrates blanc·hes su Sud. Une rupture visible dès l’élection présidentielle suivante où 5 États du Sud votèrent en majorité pour Georges Wallace, alors gouverneur de l’Alabama, élu comme démocrate mais qui avait quitté le parti du fait de son opposition à la déségrégation. Ces électeurices du Sud, largement motivé·es par leur racisme à l’égard des Afroaméricain·es et déçu·es par les Démocrates devenaient donc une cible de choix pour le parti Républicain. Le parti mit alors en place, sous l’impulsion, entre autres, de Barry Goldwater et de Richard Nixon sa Southern Strategy.

L’idée était basique, mais aussi compliquée : charmer les électeurices blanc·hes en faisant appel à leur racisme, mais le faire d’une manière qui n’était pas ouvertement raciste. En effet, les temps avaient changé et la négrophobie explicite n’était plus porteuse électoralement. Un sentiment crûment exprimé par Lee Atwater, stratégiste républicain au cœur de la Southern Strategy : « You start out in 1954 by saying, "nigger, nigger, nigger". By 1968, you can’t say "nigger", that hurt you. » (« Vous commencez en 1954 en disant "nègre, nègre, nègre". Mais en 1968, vous ne pouvez plus dire "nègre", ça vous fait du mal »). Il fallut donc alors trouver, et distiller dans le discours public, des dogwhistles, sortes d’euphémismes portant une connotation potentiellement raciste sans pour autant l’exprimer explicitement. Et plus d’un de ces dogwhistles survivent aujourd’hui, comme « law and order » (« la loi et l’ordre ») ou « states’ rights » (« le droit des États »). Le premier était largement utilisé en référence aux manifestations (pour les droits civiques et contre la guerre du Vietnam) et aux drogues (associées à la fois à la culture hippie et pacifiste et aux Afroaméricain·es). Le second lui était invoqué à la place du soutien aux politiques ségrégationnistes, l’idée n’étant plus de soutenir ouvertement la ségrégation mais de soutenir le droit des États (ceux du Sud) à décider eux-mêmes de la loi chez eux (l’implémentation de nouvelles lois ségrégationnistes en l’occurrence).

Dans le contexte politique, les dogwhistles servent donc à exprimer des idées en dehors du champ des idées acceptables (souvent appelé Fenêtre d’Overton) d’une manière qui soit acceptable malgré tout. Par exemple, difficile dans les années 1980 de dire aux étasunien·nes qu’il faudrait limiter les programmes sociaux dont profitent des millions de personnes comme les chèques alimentaires. À la place, Reagan se proposait de lutter contre les welfare queens, ces mères célibataires, largement présentées, sans le dire, comme étant noires, aux myriades d’enfants vivant au crochet de la bonne société étasunienne blanche en abusant des programmes d’aides sociales. L’idée n’est pas nouvelle, ce qui est nouveau c’est la place centrale que prend ce dispositif dans la politique étasunienne sur certains sujets, notamment raciaux.

Et l’avantage suprême qu’offre cet implicite, c’est justement qu’il n’est qu’implicite. L’émetteurice du propos est donc au courant de l’idée qu’iel veut transmettre en utilisant son dogwhistle, de la même manière qu’iel sait qui va comprendre le message pour ce qu’il est. Mais iel garde la possibilité de nier le caractère potentiellement problématique du contenu du message car il n’est jamais explicité. Quand Nixon entame sa guerre contre la drogue, il le fait en sachant que cela va frapper principalement les communautés afro-américaines pauvres et le mouvement hippie et pacifiste, et c’est son objectif. Mais ça n’est jamais son message qui reste concentré sur le mantra du « law and order ». De la même manière, quand Reagan étend cette guerre contre la drogue, il choisit de punir nettement plus fortement la possession et l’usage de crack en comparaison à la punition liée à la cocaïne en poudre. Ces deux substances sont pourtant des dérivés l’une de l’autre, mais la cocaïne en poudre était perçue comme étant une drogue pour les blanc·hes et le crack une drogue pour les noir·es. C’est là le résultat des recommandations de Lee Atwater dans les années 60 : des politiques publiques qui ne parlent pas de race mais dont on sait qu’elles auront un impact disproportionné contre les personnes noires. Autrement dit, un discours public qui maquille son racisme avec des images abstraites, des dogwhistles, pour promouvoir des politiques dont le contenu n’est pas explicitement raciste mais qui sont pensées pour avoir des effets racistes.

Le dogwhistle à l’ère d’Internet : le rituel de reconnaissance des fascistes terminally online

Bien des décennies plus tard, le début des années 2010 en ligne fut marqué par la montée de l’alt-right, sorte de rebranding de l’extrême-droite étasunienne en ligne qui se présentait comme une sorte de droite alternative à celle incarnée par les RINO, Republican In Name Only (« Républicain seulement de nom »), soit le parti Républicain à l’époque. Mais avant de chercher à les remplacer pour faire virer le parti à l’extrême-droite, l’alt-right devait déjà créer sa place en ligne et s’immiscer dans des communautés préexistantes, politiques ou non, pour les rallier à leur cause. Et au cœur de cette stratégie d’entrisme sous pseudonyme, apparu l’importance pour les fervent·es de se reconnaitre les un·es les autres en milieu hostile. Le dogwhistle devint alors pour ces personnes une méthode de sociabilisation et de reconnaissance entre pairs.

Cette itération du dogwhistle ne cherchait donc plus à convaincre ou à euphémiser un message problématique, mais à vraiment être un langage codé pour l’extrême-droite en ligne. Et plus ce langage était codé et cryptique, plus il était utile. Ainsi, des choses comme écrire des messages de 14 mots, mettre les nombres 88 ou 14 partout devinrent des pratiques habituelles pour les fascistes, suprémacistes blancs et autres néo-nazis en ligne. Or, écrire des choses comme celles-ci est, pour l’écrasante majorité de la population, parfaitement banale et donc, si quelqu’un le fait remarquer, c’est cette personne qui semble étrange. Après tout, en quoi le nombre de mots d’une phrase ou des chiffres seraient néo-nazis ? En l’occurrence, l’origine de ces dogwhistle vient d’un terroriste étasunien néo-nazi, David Eden Lane, auteur du slogan dit des « 14 mots » : « We must secure the existence of our people and a future for white children » (« Il nous faut sécuriser l’existence de notre peuple et un futur pour les enfants blancs »). Ce même Lane utilisait souvent dans ces écrits le texte « 14/88 » qui faisait référence aux 14 mots et à ses 88 préceptes. Dans les cercles néo-nazis, le 88 est aussi une référence aux lettres HH (H étant la 8ème lettre de l’alphabet), initiales de « Heil Hitler ». Tout cela ne veut évidemment pas dire que ces chiffres ou le fait de faire une phrase de 14 mots est par essence d’extrême-droite mais que l’extrême-droite étasunienne en ligne a pendant des années utiliser des codes comme ceux-ci pour s’identifier au sein de communautés qu’elle essayait d’infiltrer. Mais ce fut aussi utile pour écarter son opposition, soit les personnes qui étaient au courant du sens codé de ces dogwhistles qui auraient voulu les dénoncer au sein des communautés, car ces dogwhistles sont suffisamment cryptiques pour que les membres de l’alt-right puisse taxer de « folle » toute personne qui voudraient exposer cette pratique.

Le côté cryptique fut même élevé en pratique de trolling (un acte volontairement désagréable/énervant/discriminant visant à faire réagir négativement des groupes de personnes sous couvert d’humour provocateur), notamment avec l’usage du « OK sign ». L’idée, provenant de 4chan, était de convaincre la gauche que le fait de faire le signe OK avec la main était un symbole suprémaciste (soit faire un cercle avec son index et son pouce tout en écartant les trois autres doigts) car les trois doigts écartés représentaient un W et le cercle, combiné au majeur dressé faisait un P, le tout signifiant « White Power ». Cet usage, supposément ironique à la base, est directement repris par l’alt-right qui profite du flou de la symbolique pour l’adopter, s’essayant à prendre des photos en faisant le symbole, si possible à proximité de personnalités honnies par l’alt-right pour se donner un côté provocateur, tout en ayant toujours l’humour comme excuse si l’interaction venait à mal tourner. Mais déjà, le « OK sign » marqua une évolution dans les dogwhistles de l’alt-right étasunienne car ce dernier sortait de la sphère en ligne, l’alt-right se sentait alors déjà suffisamment à l’aise pour se donner à voir de manière publique.

Le phénomène Trump : entre survie des dogwhistles sociaux et mort du dogwhistle politique

La candidature de Trump à la primaire Républicaine de 2015 fut une bouffée d’air frais pour l’alt-right étasunienne. Enfin un candidat qui ne mâchait pas ses mots, qui n’utilisait pas de dogwhistles mais qui disait juste les choses telles qu’il les pensait, comme l’alt-right l’espérait. Au revoir les discours nuancés sur l’immigration et bonjour les accusations sur les Mexicains, qui seraient tous des violeurs. Ou les migrant·es qui seraient toustes des criminel·les en puissance. L’alt-right, construite socialement par ses pratiques de dogwhistles bien à elle et ses campagnes de harcèlement et de trolling en ligne avait enfin son candidat. Et, paradoxalement pour un groupe construit autour de ses dogwhistles, cela voulait dire qu’enfin le sous-marin raciste allait pouvoir refaire surface presque sans dogwhistles politiques.

Presque 10 ans après que Trump a lancé sa carrière politique avec l’annonce de sa candidature à la primaire de 2015, force est tout de même de constater que la mort des euphémismes a connu des phases différentes.

Son premier mandat et le mandat de Joe Biden furent l’occasion pour le mouvement MAGA de largement accroître son contrôle sur le parti Républicain. Si ce dernier était encore rempli de néoconservateurices et autres politicien·nes non-MAGA en 2016 quand Trump devint président, le parti est aujourd’hui largement aligné derrière le président, soumis à une base républicaine radicalisée qui n’hésiterait pas à mettre fin à la carrière de celleux qui iraient contre les désirs de Trump. Ce contrôle sur le parti est visible dans le discours. Quoique dise le président, tout se justifie, tout se retrouve dans la bouche des autres Républicain·es et rien ne saurait être critiqué. La violence verbale, qu’elle soit dirigée vers des individus, des groupes sociaux ou des institutions, est plus que libérée. Traiter l’opposition d’être des traitres est une norme, accuser les personnes migrantes de tous les crimes de la Terre est une habitude et menacer la justice et celleux qui la rende est un sport. Le temps du dogwhistle politique, de l’euphémisme, est passé. Ou plutôt il a désormais un bouc-émissaire contre lequel le racisme est libéré. Plus besoin d’utiliser le mythe de la welfare queen en titillant les instincts racistes d’une partie de l’électorat pour casser l’État social, il suffit d’exploiter le racisme anti-migrant·es en l’exprimant très ouvertement pour obtenir les mêmes résultats.

Mais le dogwhistle social de l’alt-right, lui, n’a pas vraiment disparu, contrairement à l’alt-right qui a disparu au sens où elle a accompli son objectif : remplacer l’ancienne droite et devenir le nouveau Parti Républicain. Et le meilleur exemple de la subsistance de ce dernier et de la mort du dogwhistle politique est l’usage des réseaux sociaux de Trump et de ses administrations. Ainsi, le compte Twitter officiel de la Maison-Blanche a publié des images en IA de migrants enchainés qui pleurent, des deepfakes d’élus démocrates en pleurs ou encore une vidéo ASMR du bruit des chaines avec lesquelles des migrant·es sont déporté·es, souvent en dehors du cadre légal. Trump quant à lui a publié récemment une vidéo en IA de lui et Barack Obama dans le Bureau Ovale au moment où Obama se faisait arrêter pour trahison et tentative de coup d’État. Autant dire que le dogwhistle politique, l’euphémisme, est bel et bien enterré et que la violence exacerbée danse sur sa tombe.

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Capture d'écran d'un tweet du DHS datant du 24 juillet 2025 représentant le tableau "American Progress" avec comme texte : "A Heritage to be proud of, a Homeland worth Defending. American Progress - John Gast".

Et est-ce que le dogwhistle social, décorrélé de son objectif initial, subsiste ? C’est la question que l’on peut se poser face à ce tweet du DHS (équivalent du ministère de l’Intérieur), ce ministère dont dépend ICE, la Gestapo anti-migrant·es de Trump. Le tableau qui illustre le tweet est une représentation de la conquête de l’Ouest par les États-Unis, une partie de la mythologie étasunienne adorée par l’extrême-droite et ravivée par Trump dans ses discours dès 2016. Mais ce qui est intéressant ici est le texte : « A Heritage to be proud of, a Homeland worth Defending. American Progress – John Gast ». La première phrase contient 4 majuscules qui ne respecte aucun code écrit pour justifier la mise en majuscule et qui ne possède pas non plus de cohérence interne. « Heritage « et « Homeland » sont des noms liés respectivement à l’idée de fierté (« proud ») et de protection (« Defending »). Pourtant, seul « Defending » a une majuscule et non « proud ». En soit, cela pourrait tout à fait n’être qu’un simple détail, un choix d’écriture étrange de la part de la personne en charge du compte. Mais, à y regarder de près, les 4 lettres en majuscule sont : A, H, H et D. Et comme nous l’avons dit plus tôt, un dogwhistle très utilisé par l’alt-right il y a une dizaine d’années reposait sur les 14 mots, avec en bonus l’usage du 14 et du 88, ou de « AD » et « HH », la transcription en lettres de ces chiffres. Or, on a ici les 4 mêmes majuscules utilisées, dans un tweet qui fait 14 mots et qui fait appel à une partie de l’histoire étasunienne très prisée dans les milieux d’extrême-droite étasuniens. De là à dire que la personne qui tient le compte du DHS sait ce qu’elle fait et s’en amuse, il n’y a qu’un pas. Pas que je franchis personnellement car, au vu des publications du DHS en général, il n’est pas difficile de penser que læ CM du DHS puisse venir des milieux d’extrême-droite en ligne. Mais le fait est que le déni plausible est présent. C’est donc soit une surinterprétation, soit c’est bien l’interprétation que je présente et c’est un très bon exemple d’un dogwhistle d’extrême-droite de « qualité » (au sens où il est bien exécuté).

Mais toutes les personnes familières avec ce langage codé n’ont pas la même capacité à l’utiliser efficacement, ce qui nous ramène à Elon Musk et à ces deux saluts nazis sur scène. Comme dit plus tôt, ce geste a suscité des débats sur sa signification ou sur les intentions de Musk. Nous partirons donc du postulat suivant : nous ne sommes pas dans un exercice de pensée abstrait au niveau des faits. Oui, les saluts nazis, romains et fascistes sont légèrement différents les uns des autres, mais Musk a fait son geste dans le monde occidental en 2025. Et dans notre contexte culturel, ces différences n’ont pas d’importance et les trois saluts sont tous identifiés par l’écrasante majorité de la population comme des saluts nazis. Et les politicien·nes étasunien·nes qui ont prétendu le contraire le savent très bien, vu qu’aucun·e d’entre elleux n’a accepté de reproduire le geste, sachant très bien ce qu’il voulait dire. Maintenant que ce fait est établi, je tiens à livrer mon interprétation de ce geste, qui n’est qu’une interprétation car, heureusement, je ne suis pas dans la tête d’Elon Musk : il ne voulait pas faire un salut nazi mais un geste proche pour se faire bien voir du genre de personne dont il convoite l’admiration en ligne. Elon Musk s’évertue, depuis des années, à essayer de faire apprécier en ligne par des personnes qui sont elles-mêmes très présentes en ligne. Du fait de s’auto-proclamer « Roi des mèmes » à la triche aux jeux vidéo, tout est bon pour lui pour se faire apprécier par une population qui va des gameureuses aux fanatiques de technologique (les techbros) en passant, aussi, par les petits nazillons qui pullulent sur Internet. Or, si ces années ont bien montré une chose sur Elon Musk, c’est qu’il ne comprend que de manière très maladroite ces différentes cultures et que lui, qui se rêve en membre émérite et reconnu de ces diverses communautés, n’a tendance qu’à finir qu’avec l’image du bouffon (sauf avec les techbros qui, elleux, lui vouent un vrai culte). Or donc, je pense qu’il a vu des nuées de nazillons s’amuser pendant des années à évoquer des symboles du nazisme, à éparpiller des dogwhistles sociaux et a voulu essayer de plaire à ce public-là, qu’il connaît bien au vu de ces très régulières interactions Twitter avec des gens de cette mouvance. Mais, comme à son habitude, il n’a pas su mettre en œuvre ce qu’il voulait et au lieu de faire un dogwhistle pour amuser la galerie (des horreurs), il a, bêtement, juste fait deux saluts nazis non-ambigus. C’est en tout cas ma thèse.

Et oui, la raison ne change rien à la finalité : l’homme le plus riche de l’histoire a fait deux saluts nazis sur scène en en rigolant et cela a permis au parti Républicain d’expliquer pendant une semaine sur toutes les antennes que non, un salut nazi n’est pas un salut nazi mais juste une expression de reconnaissance, voire d’amour. Or, non ce n’est pas ça. Que ce soit fait pour être un petit rigolo provocateur ou sincèrement, un salut nazi à un meeting politique reste un salut nazi à un meeting politique. Et ce, que l’on interprète son geste comme je le fais, ou non. Preuve en est, Steve Bannon, ex-stratégiste de Trump et grand Pope de l’alt-right en son temps, a pu se permettre de faire un salut nazi sur scène, en utilisant la même phrase que Musk pour se dédouaner, à la CPAC de cette année, le grand raout annuel de la droite (extrême) étasunienne. À voir jusqu’où la mort des dogwhistles politiques nous mènera en termes de discours acceptables. Car si les dogwhistles cachent bien des intentions nauséabondes, ils restent préférables à l’expression explicite de ces intentions car ils signifient au moins que la société n’a pas encore assez déviée à droite pour devenir tolérante de cette haine débridée. Et une société avec des néo-nazis, fascistes et autres factieux qui se sentent obligés de cacher leurs intentions est préférable à une où ils se sentent libres de les hurler sur tous les toits sans conséquence, à minima sociale sans parler de légalité.

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