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Billet de blog 19 août 2025

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Stephen Miller, conseiller de Trump et cruel moteur de haine

Figure majeure de l'entourage de Donald Trump depuis début 2016, Stephen Miller est le moteur de la violence des politiques anti-migratoire de Trump. Retour sur le parcours et les actes d'un homme animé par une haine cruelle envers celleux qui osent chercher une meilleure vie aux États-Unis et qui façonne aujourd'hui un pan essentiel de la politique étasunienne.

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La loyauté au chef. Telle est la valeur cardinale qui dicte si quelqu’un mérite, ou non, de rester dans l’entourage de Donald Trump. Certes, il valorise d’autres choses, comme l’efficacité des individus dans leur travail ou leur capacité à relayer auprès du public la position présidentielle. Mais à la fin, c’est la loyauté envers lui, et plus que la loyauté, la déférence, qui reste maîtresse. Le léchage de bottes est roi et l’expression d’une contradiction vaut un aller simple pour le limogeage.

C’est, entre autres, ce qui explique le caractère tournant des administrations Trump. Il n’y a qu’à voir qu’entre son cabinet de fin de premier mandat et le premier cabinet de son second, seules deux personnes sont restées : John Ratcliffe, passé de directeur du renseignement national à patron de la CIA et Russell Vought, directeur du bureau de la gestion et du budget. Les deux ayant passé la période entre les deux mandats de Trump à travailler sur le Project 2025, un programme politique écrit par la très réactionnaire Heritage Foundation devant servir de plan d’action pour une seconde présidence Trump. Et bien que ce dernier ait passé la campagne présidentielle à expliquer qu’il n’avait rien à voir avec ce projet, force est de constater que son action politique depuis sa réélection est extrêmement proche de celle décrite par le Project 2025.

Mais ni Ratcliffe, ni Vought, ardents loyalistes du président, ne sont le sujet ici. Non, celui qui nous intéresse est, sur le papier, moins haut placé qu’un ministre mais il suit Donald Trump dans ses pas depuis la primaire républicaine de 2016 et a joué un rôle clé dans la construction de la rhétorique trumpienne, notamment dans la plus violente, celle réservée aux personnes migrantes. Il est aujourd’hui l’incarnation, et l’un des architectes, de la campagne d’attaques contre l’État de droit aux États-Unis au nom du prétendu intérêt supérieur de la Nation : Stephen Miller.

Illustration 1
Stephen Miller, Deputy Chief Staff de Donald Trump.

Du déclassement blanc au grand remplacement : itinéraire d’une haine viscérale

Né dans une famille californienne aux trois enfants, Stephen Miller connaît un début de vie assez aisé. La famille vit à Santa Monica dans une (très) grande maison aux 5 chambres, dans un des quartiers les plus huppés, et les plus blanc, de l’aire urbaine de Los Angeles. Un père qui oscille entre son cabinet d’avocat et l’entreprise immobilière familiale et une mère qui travaille dans ladite entreprise. La maison est entretenue par des employés de maison hispaniques (nom donné à la communauté des personnes issues d’une immigration provenant d’Amérique centrale et du Sud) qui s’occupe des tâches ménagères et des repas. Autant dire que son milieu de naissance est loin, bien loin, du besoin.

Mais alors que Miller termine son collège, en 1998, la famille doit se résoudre à vendre la maison et à déménager. Les répercussions du séisme de 1994, qui avait très fortement impacté Los Angeles et nombre de propriétés de l’entreprise familiale, et un important litige légal entre ex-partenaires dans le cabinet d’avocat de son père ont sévèrement entamé les finances de la famille. Au revoir les domestiques et la grande demeure dans un quartier très bourgeois. Et bonjour à une maison plus modeste, sans domestiques, dans un quartier de classe moyenne situé à proximité d’un quartier ouvrier à la forte population hispanique.

Miller se retrouva alors dans un lycée public, bien moins huppé et surtout moins blanc, que le lycée privé que son frère ainé avait fréquenté. Devenu un auditeur assidu d’émissions de radios conservatrices et réactionnaires, présentés par des personnalités comme Rush Limbaugh ou Larry Elder, Miller se fait une place particulière dans son lycée : celle du jeune réactionnaire qui ne manque jamais une occasion pour se faire entendre et attirer l’attention. Que se soit pour décrier le fait que son école célébrait des fêtes hispaniques, comme le Día de los Muertos (Jour des morts), pour critiquer la trop forte diversité chez les lycéen·nes ou le manque de patriotisme de l’école dans le contexte du 11-septembre, Miller ne manquait pas une occasion de faire parler de lui. Et l’enceinte de son lycée ne lui suffisait pas pour exprimer ses positions, il se chercha d’autres exutoires. Ainsi, après avoir appelé plusieurs fois le standard du Larry Elder Show, il en devint un invité récurrent et alla jusqu’à inviter Larry Elder à tenir une conférence dans son lycée.

Ses thèmes de l’époque : les dangers du multiculturalisme, les excès du politiquement correct, l’immigration dangereuse et excessive et l’expression d’un nationalisme (blanc) décomplexé. Et ça lui fut profitable car il fut rapidement repéré par David Horowitz, un idéologue d’extrême-droite.

Horowitz a connu un parcours politique qui a commencé à la gauche radicale avant de rapidement se tourner, dans sa jeunesse, vers l’extrême-droite. Il était au début de années 2000 un agitateur d’extrême-droite à la verve virulente, qui n’avait jamais de mots assez durs pour ses pires ennemis : les migrant·es, le politiquement correct et l’Islam. Et Horowitz vit dans Miller un jeune déterminé, déjà acquis à ces causes, et qui pourrait l’aider à avancer ses pions dans la stratégie qu’il avait mis en place depuis la fin des années 1980 sur les campus étasuniens avec son organisation Students for Academic Freedom (Étudiant·es pour la Liberté Académique). Car si Horowitz avait rejeté depuis longtemps les idéaux politiques du mouvement des droits civiques et des Black Panthers, il en avait gardé certaines stratégies pour les retourner contre eux, et notamment l’exploitation du 1er amendement pour exprimer ses opinions. Si le mouvement des droits civiques avait utilisé le 1er amendement pour affirmer son droit à la liberté d’expression afin de pouvoir faire entendre sa volonté de justice et de fin de la ségrégation, Horowitz avait d’autres expressions à libérer en tête. Ainsi, son organisation visait à défendre spécifiquement la liberté d’expression des suprémacistes blancs, fascistes, violents islamophobes, racistes et autres paroles haineuses et nauséabondes pour leur permettre d’exister sur les campus étasuniens. Students for Academic Freedom eut même une stratégie en ligne précurseuse en mettant en ligne des listes de gauchiste « agissant » dans les universités étasuniennes et aida à lancer la carrière de noms connus aujourd’hui dans les sphères d’extrême-droite étasuniennes comme Richard Spencer (suprémaciste blanc, père de l’alt-right) ou Ben Shapiro (ultraconservateur, fondateur du DailyWire).

Devenu le protégé d’Horowitz, Miller pu, grâce à ce dernier, se forger localement l’image d’un héros de la liberté d’expression, brimé par le politiquement correct d’une école aussi gauchiste que symptomatique du déclin étasunien. Et c’est fort de cette image et de ce patronage que Miller entra dans l’enseignement supérieur à l’Université de Duke, la plus prestigieuse des universités du Sud. Et, à peine arrivé, il prit la direction du groupe local de Students for Academic Freedom et entreprit son premier combat pour la liberté d’expression : empêcher la tenue d’un évènement organisé par un groupe de soutien à la cause palestinienne.

Une position qui peut paraître assez paradoxale, si on part du principe que les celleux qui défendent ardemment la liberté d’expression aux États-Unis le font de bonne foi. Or, il y a 20 ans comme aujourd’hui, les grandes organisations conservatrices pro-liberté d’expression sur les campus ont toujours été en faveur de l’expression libre et sans critiques de leurs positions tout en rejetant le droit de leurs opposant·es à parler. Students for Academic Freedom dressait des listes d’enseignant·es et d’étudiant·es activistes à écarter de l’enseignement supérieur du fait de leurs positions politiques il y a 20 ans déjà. Les figures droitières récentes de cette lutte des campus pour la liberté d’expression, que ce soit Ben Shapiro ou Charlie Kirk, sont toujours aussi opposées à l’expression de positions politiques de gauche radicale et étaient en faveur de la criminalisation des mobilisations pro-Palestine de l’année dernière sur les campus étasuniens.

Mais laissons ce détour dans l’hypocrisie et l’absence de bonne foi des figures de l’extrême-droite étasunienne pour revenir vers notre cher Stephen. Ses activités de fauteur de trouble lui valurent une petite réputation à Duke. Entre ses attaques contre le multiculturalisme qui pourri la société et le féminisme qui émascule les hommes, il trouvait toujours le temps de se faire remarquer en jetant ses déchets dans les couloirs et les allées de l’université arguant auprès de ses camarades que c’était le travail des agent·es d’entretien de jeter cela à la poubelle et pas à lui. Ce dénigrement des petites mains ouvrières de l’université, ses attaques régulières envers l’université et ses insultes envers tout ce que l’université contenait d’un tant soit peu à gauche lui valurent le châtiment qu’il méritait : une place au sein du journal de l’université, où il allait pouvoir s’attaquer à ses cibles fétiches. Apparemment, les personnes en charge du journal trouvaient qu’il ajoutait à la diversité des idées parues dans le journal. Quand bien même sa diversité consistait à demander la fin de la diversité en général pour avoir un entre-soi blanc. Cette période universitaire permit à Miller de se faire un nom dans son milieu et de mettre à l’épreuve ses stratégies argumentatives, en plus de construire des relations avec d’autres figures de son milieu, comme Richard Spencer, alors étudiant à Duke lui aussi.

Après ses études, il pu décrocher le poste d’attaché de presse de Michele Bachmann, élue à la chambre des Représentants appartenant au Tea Party dans le parti républicain, grâce à l’aide d’Horowitz. Un poste où il eut l’occasion de se former à l’exercice du travail dans le milieu politique de Washington D.C. Mais rapidement, en 2009, il changea d’employeur et devint l’attaché de presse de Jeff Sessions, alors sénateur de l’Alabama et réputé pour être un représentant de la droite de la droite du parti Républicain de l’époque. Sessions le familiarisera avec les think tank proches de l’extrême-droite et ça sera aussi l’occasion pour Miller de se lier avec des figures médiatiques réactionnaires, comme Laura Ingraham et Tucker Carlson, alors présentateurices à Fox News (la première y étant toujours tandis que l’autre a depuis quitté l’antenne pour animer son émission en ligne où il entretient un antisémitisme patent). Mais de manière plus notable, ce fut l’occasion pour Miller de se faire connaître de l’extrême-droite en ligne étasunienne et de l’introduire à Jeff Sessions. Il put donc travailler à tisser des liens entre les différentes figures de cette extrême-droite, incitant les membres de Breitbart, comme Steve Bannon, à aller puiser leur inspiration dans des sites suprémacistes et ouvertement fascistes. Il se radicalisa alors encore plus dans sa haine de l’immigration, puisant dans l’imaginaire de Jean Raspail et de son Le Camp des Saints, imaginant les migrants non-blancs comme des hordes de sauvages lancées dans une invasion destructrice du monde blanc.

Et, alors qu’il était déjà particulièrement fascisé, il devint aussi fasciné par l’entrée en politique de Trump. Avant même sa candidature à la primaire de 2016, les propos anti-migrant·es de Trump l’attirait car ce dernier, comme lui, ne s’embarrassait pas de dogwhistles. C’est donc naturellement que, une fois la candidature de Trump annoncée, Miller fit son possible pour rejoindre l’équipe de campagne. Et, après avoir tanné le directeur de campagne de Trump, il put les rejoindre dès janvier 2016 en tant que conseiller politique avant de vite devenir, sous l’impulsion de Bannon, le rédacteur de discours de Trump. Le début d’une aventure trumpiste qui, près de 10 ans plus tard, continue toujours.

Quand la haine pure abreuve un mégaphone sans filtre

Car après toutes ces années, Miller est toujours là mais son influence s’est construite et s’est visibilisée de plus en plus au cours de la décennie passée. Lors de la campagne de 2016, alors qu’il était en charge d’écrire les discours de Trump, Miller était encore en contact régulier avec Horowitz pour lui demander conseil. Comment retourner les arguments des démocrates contre eux ? Comment s’en prendre à l’Islam sans paraitre trop ouvertement islamophobe ? Horowitz était là pour aider Miller quand ce dernier cherchait à trouver les limites acceptables de la haine qu’il pouvait mettre dans la bouche de Trump. Les attaques sur les villes en situation de guerre civile à cause de Black Lives Matter ? Miller. L’insistance sur les dangers de la charia et de « l’islam radical » ? Miller. « L’injustice » pour les hispaniques, les noirs et les pauvres (les gens d’en bas dans leur esprit) de voir leurs emplois volés par des migrants illégaux ? Miller.

La stratégie de Miller en termes de discours est simple : s’attaquer autant que possible à ses cibles favorites en essayant de toujours plus repousser les limites de l’acceptable. Et cette stratégie a fonctionnée. Là où, en 2016, Miller jugeait encore utile de parler de protection des personnes LGBTQ, ça n’est plus du tout le cas en 2025, elles sont devenues des cibles. Même les attaques contre les personnes migrantes qui, en 2016 déjà, étaient extrêmement violentes, ont fortement gagné en virulence et en intensité 9 ans plus tard.

Et Miller, suivant là l’enseignement reçu par Horowitz, sait ce qu’il essaye de produire dans l’auditoire. Aucune complexité, juste du « bon sens », de la désignation de coupables faciles et l’entretien d’une haine viscérale à leur encontre : les démocrates, les migrant·es. Voilà les causes de tous vos maux, ils ne sont pas comme nous, haïssez-les, votez pour nous et alors tout vos problèmes disparaitront. Ou, à minima, ces personnes souffriront plus que vous et vous pourrez vous satisfaire de ça, car la cruauté dans la politique de Miller n’est pas accidentelle, elle est recherchée.

En témoigne son action une fois la Maison Blanche atteinte. Il y retrouva Jeff Sessions, devenu le premier attorney general de Trump (sorte de ministre de la Justice) et ils formèrent tout deux un duo iconique, parfois rejoint, dans les premiers temps, par Steve Bannon (avant qu’il ne soit viré). Ensemble, ils mirent en place la stratégie d’usage massif d’executive orders pour court-circuiter et délégitimer le Congrès. Le Muslim Ban interdisant l’entrée aux États-Unis aux ressortissant·es de 7 pays à majorité musulmane ? C’était eux. Le durcissement du traitement des personnes migrantes (extension de la détention, séparation des familles, déportations accrues, etc) ? Eux aussi. Pendant 4 ans, Miller fut le conseiller immigration et derrière tous les durcissements en matière migratoire de la première administration Trump. Lorsque la Secretary of Homeland Security (ministre de l’Intérieur), Kirstjen Nielsen, démissionna en 2019, beaucoup y vire la main de Miller car cette dernière s’était opposée à un nouveau durcissement de la politique migratoire (en l’occurrence, l’organisation de rafles de migrant·es dans 10 grandes villes du pays) voulu par Miller et repris par Trump qui s’était mis à critiquer Nielsen pour son manque de fermeté. Car oui, valider la séparation volontaire de familles en détention, augmenter les déportations et implémenter le début de la construction du mur US-Mexique n’était toujours pas assez ferme.

Une autre constante de cette première administration fut le turnover dans certaines administrations lorsque des membres du cabinet perdait la grâce du président. Et lorsqu’inévitablement, ces personnes donnaient ensuite des interviews, ou écrivait des livres pour décrire l’envers du décor de la Maison Blanche, elles avaient toujours quelque chose à dire sur Stephen Miller. Ce dernier a toujours réfuté l’entièreté des propos qu’il aurait prononcé selon ces ancien·nes ministres, comme lorsque l’ex-ministre de la Défense, Mark Esper, l’accusa d’avoir voulu tremper la tête Abu Bakr al-Baghdadi (fondateur de Daesh, tué par les États-Unis en 2019) dans du sang de porc avant de la faire défiler au Proche-Orient pour faire peur aux autres terroristes.

Mais, malheureusement pour Miller, Trump ne fut pas réélu en 2020. Et ce, malgré la participation de Miller à la campagne de falsification de Trump post-élection. Il argua que les républicains dans les swing states (les États où en général se joue l’élection car ils ne sont pas clairement démocrates ou républicains) devaient envoyer des votes « alternatifs » de grands électeurs pour favoriser Trump. En somme, il voulait que les républicains dans ces swing states trichent et ignorent le résultat des urnes et agissent comme si Trump avait gagné l’élection afin que les républicain·es au Sénat puissent ensuite choisir de reconnaître ces faux votes au lieu des vrais. Et pour être clair, ce plan n’était pas une conspiration cachée, orchestrée dans les salles secrètes de la Maison Blanche. Miller l’exposa explicitement en direct sur Fox News en décembre 2020, un mois après la défaite de Trump face à Joe Biden.

Durant la présidence Biden, Miller lança sa propre organisation, l’America First Legal Foundation avec pour but d’intenter des actions en justice pour forcer des changements législatifs en matière d’immigration, évidemment, mais aussi d’éducation, ou pour attenter aux droits des personnes transgenres. Ce fut aussi l’occasion pour lui de, temporairement, participer à l’élaboration du Project 2025 de l’Heritage Foundation avant de s’en éloigner. Mais il eut l’occasion de retourner aux affaires dès 2024. Cette année-là, Biden avait annoncé sa volonté de soutenir une loi bipartisane sur l’immigration. Cette dernière se devait d’être particulièrement radicale dans son opposition à l’immigration et aux droits des personnes migrantes. La logique de Biden ? Couper l’herbe sous le pied de Trump en étant aussi extrême que lui avant l’élection de novembre. Une stratégie éculée de lutte contre l’extrême-droite qui continue à avoir un taux de réussite de 0%, mais il ne faudrait pas trop en attendre des démocrates tout de même. La proposition de loi aurait pu plaire aux républicains, après tout, elle était faite pour correspondre à leurs attentes. Mais Trump s’y opposa d’entrée de jeu, ne voulant pas laisser à Biden l’occasion de « régler » le « problème » migratoire parce qu’il comptait bien capitaliser dessus pour se faire réélire. Miller joua alors un rôle de lobbyiste pour Trump, mettant la pression aux élu·es républicain·es pour qu’iels tuent la proposition de loi, ce qui fut le cas. Et, une fois la campagne présidentielle relancée, Miller était de retour aux côtés de Trump.

Son rôle est alors le même qu’en 2016, ouvrir certains meetings, écrire des discours et élargir encore plus la fenêtre d’Overton, quitte à risquer de détruire le mur à côté de la fenêtre tant il l’étend sur la droite. Les attaques envers les personnes migrant·es sont toujours là, mais plus exacerbées, l’idée de défense de la « civilisation » s’installe comme celle que cette dernière se mettrait volontairement en péril en laissant l’immigration se faire sans limite, laissant entrer des groupes criminels armés aux États-Unis.

Une campagne qui fut clairement moins énergique et mobilisatrice que la première au niveau des meetings de Trump, notamment du fait du vieillissement de ce dernier. Mais, le résultat fut sans appel et Miller pu accompagner Trump à la Maison Blanche une nouvelle fois. Une dizaine de jours après la victoire, il est donc annoncé que Stephen Miller allait devenir le Deputy Chief of Staff, soit un des adjoints de Susie Wiles, la Chief of Staff de la Maison Blanche, sorte d’équivalent du Secrétaire général de l’Élysée en France. Soit un poste particulièrement influent au sein du pouvoir exécutif qui, dans le cas de Miller, lui a été donné avec en bonus un sujet particulier qu’il a à traiter, son sujet fétiche : l’immigration.

Et on peut dire qu’il n’a pas chômé depuis. Miller était à l’initiative dans la construction de la stratégie de blitzkrieg contre l’État de droit mené par l’administration Trump. L’idée ? Bombarder le système politique et judiciaire d’executive orders, une bonne partie étant évidemment anticonstitutionnelle, afin de le faire dérailler. Face à autant d’executive orders, impossible de suspendre tout ceux qui sont illégaux assez vite pour qu’ils n’aient pas d’effets et cela permet à l’administration d’accuser les juges fédéraux d’être au service du deep state, les accusant d’être, selon les mots de Miller en interview, des « juges marxistes » qui mèneraient un « coup d’État judicaire » contre Trump. Une stratégie qui rappelle ce que l’on peut retrouver ici aussi quand le gouvernement fait passer des lois qu’il sait anticonstitutionnelles, comme certaines parties de la loi Darmanin par exemple, et qu’il laisse le Conseil Constitutionnel les censurer pour ensuite remettre sur ce dernier les causes de son « impuissance ».

Et selon les médias étasuniens, se basant sur des fuites au sein de la Maison Blanche - qui est, comme lors de la première administration Trump, une véritable baignoire trouée – Stephen Miller aurait vraiment pris un rôle central dans le pouvoir exécutif. Il serait l’auteur d’un certain nombre d’executive orders, que Trump signerait ensuite, vraisemblablement sans toujours les lire à en juger par le fait qu’il a laissé entendre plus d’une fois qu’il ne connaissait pas vraiment leur contenu. Aussi, Miller aurait un droit de regard général sur tous les executive orders et a étendu son champ d’influence à l’enseignement supérieur, histoire de retrouver ses amours de jeunesse. Ainsi, accusant de nombreuses universités d’antisémitisme pour ne pas avoir écraser les manifestations pro-Palestine de l’année dernière, il en profite pour les faire chanter, exigeant qu’elles implémentent des changements de politiques décidées par la Maison Blanche sous peine de voir leur financement coupé. Il était même en charge de la coordination de l’action fédérale à Los Angeles quand Trump a appelé la garde nationale pour « reprendre le contrôle de ville ». Ce qui dans ce cas voulait dire : empêcher les habitant·es la ville de s’opposer aux rafles d’ICE. Autant dire que ce deuxième mandat de Trump est un grand moment de promotion pour un Miller qui n’a jamais eu autant de pouvoir et d’influence dans le Bureau Ovale.

L’idéologue en chef d’un président défaillant

Or, il est bon de ne surtout pas sous-estimer l’influence et le pouvoir qu’un fasciste à la petite semaine comme Stephen Miller a. Déjà, parce que comme je l’ai dit, il a, matériellement, beaucoup de pouvoir depuis son retour aux affaires en janvier 2025. Mais aussi parce que Trump a vieilli et connait, de plus en plus visiblement, un déclin de ses facultés cognitives.

J’en veux pour exemple une lubie qui lui a été présenté par Miller il y a des années : les gangs étrangers qui mèneraient une guerre aux États-Unis. Bien sûr, il y a des gangs et autres organisations criminelles organisées aux États-Unis – Al Capone est l’une des figures les plus connues des US du 20ème siècle après tout, ça n’est pas nouveau – et certaines trouvent leurs origines en dehors du territoire du pays. Mais la fixation de Miller sur ce sujet est aussi obsessive que stratégique. C’est lui qui a eu l’idée de classifier certaines organisations, comme MS-13, en tant qu’organisations terroristes afin de justifier certains de ses executive orders, permettant à ICE de contourner la justice pour organiser un certain nombre de rafles et de déportations. Mais c’est surtout lui qui a dévoilé à Trump l’existence de MS-13 il y a des années. Et lors de l’affaire Ábrego García, du nom d’un migrant présent légalement sur le sol étasunien qui a été déporté au Salvador en début d’année, c’est son appartenance supposée à ce gang qui a justifié sa déportation sans procès. Et son appartenance supposée se justifiait pour le gouvernement par deux choses : des tatouages sur ses doigts et le fait qu’il avait été repéré une fois avec une casquette des Chicago Bulls, l’équipe de basket de Chicago. Or, pour illustrer le sens de ces tatouages, la Maison Blanche fit circuler une image montrant le poing d’Ábrego García en rajoutant sur Photoshop « M », « S », « 1 » et « 3 » sur les doigts pour expliciter la signification supposée des tatouages. Et, interrogé sur le sujet, Trump a estimé que ces lettres et chiffres, ajoutés sur Photoshop, et visibles sur la photo juste en-dessous, étaient en fait des vrais tatouages et l’a même maintenu après que le journaliste lui a eu demandé de le redire, interloqué de voir le président des États-Unis croire quelque chose qu’un enfant de 8 ans trouverait ridicule. Et on pourrait faire un article entier de toutes les preuves, sur un an, que Trump a perdu de ses facultés cognitives, ce qui lui fait un point commun avec Joe Biden d’ailleurs.

Illustration 2
Donald Trump dans le Bureau Ovale tenant une image retouchée du poing de Kilmar Abrego Garcia.

Dans ce contexte, avec un président qui n’a plus toute sa tête et qui valorise la loyauté avant tout, il est évident qu’être un des membres du cercle fermé, excessivement loyal, avec 10 ans de service auprès de Trump et beaucoup d’influence à la Maison Blanche donne à Stephen Miller un pouvoir très important. Mais qui peut être challengé parfois. Après tout, lui est idéologiquement anti-migration, les migrant·es sont pour lui des envahisseureuses, des animaux presque, qu’il faut déporter à tout prix. Mais Trump reste obnubilé par son or, et a donc pu défendre l’idée, il y a quelques semaines, de protéger des déportations les travailleureuses migrant·es qui travaillent dans l’agriculture ou dans l’hôtellerie/restauration, mais aussi les détenteurices de visa H-1B, réservé aux travailleureuses qualifié·es, travaillant souvent chez les géants de la tech. À voir à quel point ces deux-là pourront jongler avec leurs intérêts divergents, mais une chose est sure, Miller n’a jamais été critiqué par Trump de quelque façon que ce soit.

Et oui, quelque part, peu importe si le moteur de la cruauté et de la haine de ce second mandat est un autre que Trump, les effets sont les mêmes. Mais il convient tout de même de prêter attention à Miller et aux autres instigateurices de haine qui orbitent autour de Trump et le nourrisse car quand Trump partira dans quelques années (que ça soit du fait d’une fin de mandat ou de sa mort), elleux resteront et poursuivront leur croisade de haine ailleurs. Peut-être avec le prochain, ou la prochaine, leadeureuse du parti républicain. Car des personnes comme Stephen Miller, influentes, sûres de leur bon droit et à la haine sans limites, ne s’arrêteront tant qu’elles n’auront pas mené à bien leur impossible croisade et ce, qu’importe le prix que d’autres auront à payer pour cela. Car pour ce second mandat de Trump, la cruauté n’est pas accessoire, elle n’est pas accidentelle, elle est la finalité, elle est ce qui est recherché. Et la loi ne saurait être un frein à ces volontés, car comme Miller le disait il y a quelques mois, il cherche à trouver une justification pour suspendre, pour une durée indéterminée, l’habeas corpus, soit la base légale sur laquelle repose l’État de droit aux États-Unis.

Illustration 3
Stephen Miller répondant aux reporters aux abords de la Maison Blanche.

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