Gabriel CHEL

Abonné·e de Mediapart

5 Billets

0 Édition

Billet de blog 15 mars 2020

Gabriel CHEL

Abonné·e de Mediapart

L'enfer libyen

Gabriel CHEL

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

___________________                                                                                   le 12 mars 2020
   L'enfer libyen
___________________
Avertissement :
Ce document s'efforce de donner une vision d'ensemble sur les horreurs qui se passent en Libye
et de proposer des pistes de mobilisation.
Il ne prétend pas du tout à l'exhaustivité ni à l'exactitude absolue.
Son plan est le suivant :
-1- C'est toujours le chaos et l'horreur en Libye
-2- Vue d'ensemble : les chiffres et la dynamique
-3- La situation reste absolument inacceptable
-4- L'Italie et les États membres de l'UE sont complices
-5- Proposition de revendications
-6- Les solutions pour faire aboutir nos revendications

-1- C'est toujours le chaos et l'horreur en Libye
-1.0- Le chaos
En Libye, il n'y a presque plus d’État, plus de justice (juges et avocats ont été menacés de mort), ce sont les mafias, les bandes armées, les trafiquants esclavagistes qui ont pris le pouvoir.
Beaucoup de ces milices ont été intégrées ou rattachées aux ministère de l’Intérieur.
Le trafic d’êtres humains qui est très lucratif
s’est converti en un secteur à part entière,
réseaux bien organisés et étroitement liés.
-1.1- Tortures, viols, horreurs... dans les centres de rétention
# Dans les centre de détention non officiels
Des sites de détention secrets aux mains des milices se sont multipliés.
Qui sont les migrants qui sont enfermés dans ces centres ?
- Des migrants vendus par des trafiquants qui les transportaient et qui  après les avoir dépouillés les vendent à ces milices.
- Des migrants kidnappés dans la rue ou dans les centres de détention officiels...
On y pratique :
- le travail forcé
- et la torture pour extorquer de l’argent aux familles restées au pays.
  Les trafiquants sont au téléphone avec les familles des migrants, pendant qu'ils torturent afin que leurs proches entendent les cris.
Personnes enchaînées, suspendues au plafond, battues, brûlées...
un enfant de 9 ans torturé à l’électricité pendant plusieurs semaines.
Femmes violées et reviolées...

Des hommes ont été forcés à se tenir en cercle pour regarder le viol et parfois le meurtre de femmes; ceux qui ont pris la parole ont été battus ou tués.
Selon les infirmiers et médecins italien qui ont soigné les migrants 90% des hommes ont subi des violences sexuelles dont des électrochocs aux organes génitaux...
# Dans les centres de détention officiels

Qui sont les migrants qui sont enfermés dans ces centres ?
Des migrants qui ont tenté de rejoindre l'Europe par la mer et qui ont été interceptés par les garde-côtes libyens qui les ramènent en Libye et les enferment dans ces centres de détention.
Les gardes-côtes font ce sale boulot à la demande de l’Italie et de l'U.E qui payent la Libye des dizaines de millions d'euros pour cela et lui fournissent des équipements.
Dans ces centres, les enlèvements par des milices avec la complicité des gardiens sont fréquents.
Et il n'est pas rare que des gardiens prennent les devants et revendent eux-mêmes des migrants à des trafiquants.
Un rapport du Haut Commissariat des Nations unies aux Droits de l’Homme a documenté :
des cas de tortures,
de travaux forcés,
de viols et de violences sexuelles
perpétrés par les gardes du DCIM [ dépendant du ministère de l'Intérieur].
Un rapport de l’Union européenne cite des disparition de migrants :
- après avoir été arrêtés par les garde-côtes.
- dans les centres de détention officiels.
Famine, morts...
Les 4 derniers mois de 2019, il y a eu au moins 14 morts. Certains sont morts de tuberculose, d’autres sont morts parce qu’ils ne mangeaient plus assez.
Impossible de recenser tous les décès. L’ONU a expliqué n'a pas accès aux registres des victimes.
# A cela s'ajoute la Guerre entre factions libyennes dont les conséquences sont d'ors et déjà au moins 44 morts parmi les migrants victimes de bombardements,
# Et, bien sûr, presque toutes les femmes et les adolescentes sont violées et reviolées, réduites à l’état d’esclaves sexuelles …
Certaines d'entre elles accouchent d'un enfant suite à un viol.
Celles qui ont la chance de retourner dans leur pays sont mises au ban de la société ainsi que leur enfant...
-1.2- Et pire que tout, l'esclavage :
Alpha Kaba «  Esclave des milices » (à lire absolument) écrit :
« L'esclavage est devenu chose commune en Libye, où il existe toute une économie construite sur le rapt, la vente et l'asservissement des hommes et des femmes noirs ». page 9
« Une salle vide, un cadenas, et chaque Libyen peut, s'il le souhaite, créer sa propre prison. Personne ne l'empêche de faire un Noir prisonnier » page 168
« Pour s’approvisionner, notre maître dispose nécessairement d'hommes qui chassent [et capturent] les réfugiés ou d'intermédiaires à qui ils achètent des esclaves » page 186
« D'une torsion du poignet, l'homme me force à pencher la tête en arrière. Ses ongles s'enfoncent dans ma mâchoire et j'ouvre la bouche. Le regard satisfait inspecte mes dents et mes gencives » page 139
« Une file d’hommes décharnés, vêtus de presque rien portant des pierres le dos courbé […]
Nous sommes des centaines, peut-être des milliers à n'être que des pions d'une économie bien rodée. Ici tout est minutieusement organisé. La hiérarchie des maîtres, des miliciens, des gardes. Il y a les esclaves qu'on achètent, propriété unique du maître, et ceux qu'on loue, comme ceux qui passent chaque jour sur le chantier » pages 163-164-165
«  En bas de l'échelle, nous les Noirs, participons au confort de cette élite locale. Tous vivent dans de belles maisons, certains roulent dans des voitures valant des dizaines de milliers de dollars et ils ont les moyens de nous louer. […]
Chaque soir, des hommes embarquent de force les femmes, puis les violent. La plupart d'entre elles sont enceintes et celles qui ont déjà accouché élèvent leur enfant en prison. » page 185
«  Le système est pensé, ficelé, organisé. Toile d'araignée bien serrée dont on ne peut s'extirper. » page 188
«  [Une nuit 5 esclaves ont réussi à s'enfuir... mais ils ont été rattrapés] Le soir venu, nous sommes tous attendus dans la cour par les maîtres. Les cinq fuyards sont avec eux. Nez fracassé, pommettes explosées, leurs arcades saignent abondamment. Le plus grand marche en traînant sa jambe, probablement cassée.
Ils ne sont encore en vie que parce que le maître veut nous donner une leçon. Devant nos regards effrayés, les gardes les frappent. Le sable jaune vire vite au rouge. Ils ne se relèveront pas. »  pages 191-192
-1.3- Résumé de l'exploitation de la « ressource » Migrants :
E1 faire payer un max pour le transport (en pick-up ou camion...)
E2 dépouiller - violer
E3 enfermer dans centres de détention clandestins : violer – torturer pour faire payer
la famille
E4 soumette au travail forcé temporaire
E5 réduire en esclavage pour des années (Alpha KABA) – esclavage sexuel
           Suite au reportage de CNN en nov 2017 l'arrivée des migrants a chuté.
           On compense en kidnappant des hommes et des femmes (jeunes) parmi :
           - des migrants libres
           - des migrants dans les centres de rétention officiels avec la complicité des gardes
           - des migrants interceptés en mer avec la complicité des gardes-côtes.
E6 faire payer un max pour « traverser » la mer dans de bateaux pneumatiques
de mauvaise qualité, surchargés.
-1.4- La Méditerranée centrale est un trou noir – Le droit international est bafoué
On l'a vu, les gardes-côtes libyens sont payés par l'Italie et l'U.E. pour refouler en Libye dans les centres de détention les malheureux migrants qui essayent de se sauver par la mer.
Ils réalisent un refoulement efficace, mais laissent périr en mer beaucoup de migrants :
SOS Méditerranée janvier 2020 : Les alertes des embarcations en détresse ne sont pas transmises [par le centre de coordination de sauvetage libyen] aux rares navires à proximité.
La Méditerranée centrale devient un « trou noir », où d’innombrables bateaux peuvent disparaître sans laisser de trace.
Le droit international est on ne peut plus clair : « Tout rescapé doit être débarqué dans un "lieu sûr" dans les meilleurs délais, où ses droits fondamentaux seront respectés. »
L'ONU a déclaré à plusieurs reprises que ce pays ne peut pas être considéré comme un lieu sûr.
-2- Vue d'ensemble : les chiffres et la dynamique
- 7 millions de Libyens
- 700 000 migrants en Libye
- dont 450 000 migrants subsahariens ( entre 300 000 et 600 000)
- 3 000 sont détenus dans des centres de détention [ou rétention] officiels
- des milliers d'autres sont détenus dans des centres clandestins par des milices
- des milliers d'autres sont réduits en esclavage
- 10 000 seront probablement rapatriés en 2020 (retours « volontaires ») par l'OIM en Afrique subsaharienne
- 2 400 ont été « réinstallés » (via le HCR) en 2019 dans un pays d'accueil
- 8 000 ont été interceptés par les garde-côte libyens en 2019
- 6 000 sont arrivés en Italie en 2019
- 1 500 sont morts lors de la traversé en 2019
autrement dit, puisque 8000+6000+1500=15500, un migrant qui tente la traversé a :
8000/15500 – > 52% de « chances » d'être intercepté et amené en centre de détention,
6000/15500 – > 39% de chances d'arriver en Italie,
1500/15500 – > 10% de « chances » de mourir noyé (plus de 14,2% selon la Cimade).

Très grossièrement les choses se passent ainsi :
La majeure partie des 450 000 migrants subsahariens présents en Libye sont libres, ils se tiennent le long des routes, attendant du travail, mais ils risquent – entre autres – d'être kidnappés un jour par des milices et d'être réduits en esclavage...
Du temps de Kadhafi beaucoup de subsahariens venaient en Libye pour y trouver du travail, puis retournaient chez eux au bout de quelques années.Cela a dû durer plus ou moins jusqu'à novembre 2017, date du reportage CNN sur l'esclavage en Libye.
Donc une part des migrants subsahariens actuellement présents en Libye repartiront vraisemblablement chez eux par leurs propres moyens.
Les autres, dès qu'ils le peuvent, essayent de rejoindre l'Europe par la mer, mais la plupart d'entre eux sont interceptés par les garde-côtes libyens qui les ramènent en Libye dans les centres de détentions officiels.
Périodiquement l'OIM visite ces centres de détention et organise des retours « volontaires » dans les pays d'origine, ou plus exactement dans des centres de transit situés au Niger ou au Rwanda. Au bout d'un temps plus ou moins long ils pourront retourner chez eux.
Quant à ceux, détenus dans les centres de rétention officiels, qui risqueraient leur vie s'ils rentraient chez eux ( les Soudanais, les Érythréens, les Somaliens... ), leur dossier est examiné en Libye par le HCR et si et seulement si un État tiers se déclare prêt à les recevoir ils sont alors évacués vers le Niger, d'où l’État tiers en question viendra les chercher pour les « réinstaller » chez lui.
Mais ces réinstallations se font au compte gouttes, car les États tiers (Italie, France... Canada...) ne sont pas généreux : chaque année moins de 2% des réfugiés ayant besoin d’être réinstallés le sont vraiment !
En fin de compte les centres de détentions officiels sont :
- constamment remplis par les migrants interceptés par les gardes-côtes libyens,
- périodiquement vidés partiellement du fait des retours volontaires organisés par l'OIM.
Finalement il est à craindre que du point de vue de la majeure partie de nos hommes politiques (qui ont mis en place délibérément un tel mécanisme) la question soit considérée comme réglée : on « réinstalle » un nombre infime de ceux qui relèvent du droit d'asile, il n'y a pratiquement plus d'autres migrants provenant de Libye qui arrivent chez nous, et à terme ils sont refoulés en Afrique subsaharienne, c'est parfait !
-3- La situation reste absolument inacceptable
-3.1- D'abord cela générera des dizaines de milliers de morts !
Sur les 450 000 migrants subsahariens présents en Libye, même en supposant que 50 000 d'entre eux soient détenus et réduits au pire esclavage par des milices, et qu'ils n'aient jamais la possibilité d'en sortir – autrement que par la mort –, il en reste 400 000 autres, libres.
Compte tenu des risques de kidnapping par des milices esclavagistes et les risques de mort la quasi totalité d'entre eux voudront partir de ce pays.
Certains d'entre eux retourneront dans leur pays d'origine (s'ils n'y sont pas menacé de mort) par leurs propres moyens, ou via l'OIM (10 000 par an). Même si 100 000 quittaient la Libye par l'un de ces moyens, il en resterait encore 300 000.
Au moins 300 000 migrants subsahariens vont donc, à un moment ou à un autre, tenter de rejoindre l'Europe par la mer. Et il en mourra 1 sur 10 – > au moins 30 000 morts !
Il en sera intercepté et envoyés dans les centres de détention officiels 52% donc 156 000.
Ils vont y croupir des mois et des mois dans les conditions que l'on sait, et certains d'entre eux en mourront.
-3.2- Ensuite ce sera terrible pour tous ceux relevant du droit d'asile
qui sont enfermés indéfiniment (la plupart des Érythréens y sont depuis plus de 2 ans) dans des centres de rétention car les réinstallations se font au compte goutte. Déjà, certains d'entre eux se suicident.
Sur les 400 000 migrants subsahariens libres présents en Libye, on peut penser qu'environ 33% ( qui est à peu près le taux d'accord de l'asile en France ), soit 130 000 relèvent du droit d'asile. La plupart d'entre eux, au moins 100 000, tenteront la traversée de la mer pour aller en Europe.
Il en sera intercepté et envoyés dans les centres de détention officiels 52% donc 52 000.
À raison de 2400 « réinstallation » par an, il faudra plus de 21 ans pour qu'ils soient tous sauvés !!!

Ces gens (52 000) – dont beaucoup ont échappé à la mort dans leur propre pays – vont croupir des années et des années dans ces centres pires que sordides et y subir les mauvais traitements et les horreurs que l'on sait, sans savoir si ils vont en sortir un jour.
Beaucoup vont suicider.

Tous ces chiffres sont très discutables car certaines des données sur lesquels ils sont basés sont peu fiables : Il faut donc prendre les estimations (probablement sous-évaluées) auxquelles on aboutit comme des approximations très grossières, permettant juste de se faire une idée du problème d'ensemble.
-3.4- Résumons
Si tout continue comme avant  :
- il y aura des dizaines de milliers de morts en mer
- il y aura des dizaines et des dizaines de milliers de gens qui vont croupir dans les centres de rétention pires que sordides où ils subiront des mauvais traitements et parfois des horreurs pendant des années
- il y aura des morts de faim, de faiblesse, de manque de soins
- il y aura des femmes et des jeunes filles violées et reviolées
- il y aura suicides
- il y aura des migrants détenus dans les centres de rétention, vendus aux esclavagistes, et parmi ces derniers combien mourront ?
- il y aura des migrants subsahariens libres qui vont se faire kidnapper et réduire eux aussi au pire esclavage, et parmi ces derniers combien mourront ?
-4- L'Italie et les États Membres de l'U.E. sont complices
et enfreignent leurs obligations au regard du droit international
Et le terme « complices » est faible, peut-être faudrait-il parler de co-acteurs, car en payant la Libye des dizaines de millions d'euros pour faire ce sale boulot et en lui fournissant assistance et équipement, ils participent activement à la réalisation de ces atrocités.
Ils n'ignorent pas le sort réservé aux réfugiés et migrants subsahariens (cf. – entre autres – le rapport de l'U.E. cité en -1.1-),
ils savent les détentions arbitraires, les actes de tortures, les mauvais traitements,
les violences sexuelles, les morts.
Ils savent les violations du principe de non-refoulement vers un territoire où la vie et la sécurité des personnes sont menacées.
Et l'Italie, soutenue par l'U.E., vient de renouveler pour 3 ans l'accord avec la Libye.
-5- Revendications
-5.1- Nos propositions
R1 Que les interventions des gardes-côtes libyen soit limitée à leurs eaux territoriales.
R2 Que les gardes-côtes libyen n'interviennent que pour sauver des vies.
R3 Que les gardes-côtes libyen arrêtent d'envoyer en Libye les migrants recueillis,
Que ces derniers soient transférés sur un navire non-libyen prenant part à une opération de sauvetage en mer.
R4 Que l'U.E. déploie un nombre approprié de navires (et des avions et hélicoptères et drones ) pour sauver le maximum possible de migrants en mer.
R5 Que l'Italie et l'U.E. reprennent en main la coordination des opérations de recherche et de sauvetage.
R6 Que la Libye libère les migrants détenus dans les centres de rétention, et que ces migrants soient accueillis dans des centres contrôlés et gérées par l'ONU, centres dans lesquels ils seront libres.
R7 Que l'U.E. accueille au moins tous ceux qui, dans les centres contrôlés et gérés par l'ONU, relèvent du droit d'asile.
R8 Que l'ONU organise des retour dans leur pays pour les autres, s'ils le veulent vraiment et les aide à se réinsérer.
R9 Que l'ONU puisse intervenir librement et en sécurité dans les centres de rétention officiels, et plus généralement partout en Libye où s'exerce l'autorité du gouvernement.
R10 Que la Libye arrête de criminaliser l'entrée et le séjour sur son territoire.
R11 Que la Libye traduise en justice ceux qui violent les droits (*).
R12 Que la Libye prenne des mesures contre le racisme (*).
(*) La portée de ces deux dernières mesures est limitée du fait de la quasi impuissance de la justice (des juges et des avocats menacés de mort).
A première vue, on pourrait penser que la France, qui contribue à 17,5% au PIB de l'U.E., fasse au minimum sa part, c'est à dire au moins 17,5%, de ce qu'il incombe à l'U.E. de faire. Mais peut-on se contenter de ce minimum lorsque des vies humaines sont en jeu ???
Peut-on laisser mourir des dizaines de milliers de gens alors qu'on est la 6ème puissance mondiale, qu'on est riche et qu'on a 100 fois les moyens de les sauver ?
-5.2- L'argument « pas d'appel d'air » ne tient pas vraiment la route
Contrairement à ce que disent certains, en secourant les migrants subsaharien en Libye on ne créera quasiment pas d’« appel d’air », en effet :
Depuis le reportage de CNN diffusé en novembre 2017, repris par de nombreuses TV (et bien d’autres reportages qui ont suivi), tout le monde sait, tous les Africains savent, que la Libye c’est l’horreur et l’esclavage.
Une forte proportion de jeunes Africains ont un smartphone, ils ont vu ces horreurs, ils en ont parlé aux copains...
Le petit nombre de ceux qui continuent à arriver en Libye sont probablement victimes de trafiquants qui les trompent sur la destination du voyage : ils leur font croire qu'ils vont les amener en Algérie ou en Tunisie, alors qu'ils vont les livrer, pour de l'argent, à des trafiquants libyens.
Si nos revendications étaient satisfaites cela n’augmenterait donc quasiment pas le nombre de ces arrivées, car pour les Africains subsahariens la Libye resterait associée à l'horreur et l'esclavage.
Donc quasiment pas d'appel d'air.
-5.3- Satisfaire nos revendication sauverait, d'après nos estimations,
certes très approximatives (et probablement sous-évaluées) de l'ordre de 30 000 vies humaines.
En effet, en supposant comme précédemment que 50 000 migrants subsahariens soient détenus et réduits au pire esclavage par des milices, et qu'ils n'aient jamais la possibilité d'en sortir – autrement que par la mort –, il en reste 400 000 autres.
Sur ces 400 000, si l'U.E. transfert chez elle et accueille tous ceux qui relèvent du droit d'asile, cela fera environ 130 000 migrants subsahariens sauvés (auxquels il faudrait ajouter les migrants non subsahariens relevant du droit d'asile).
Sur les 270 000 migrants subsahariens restants, un certain nombre vont rejoindre leur pays par leurs moyens ou via l'OIM (10 000 par an). Supposons qu'ils soient 100 000.
Les 170 000 migrants subsahariens restants plus un certain nombre de migrants non subsahariens tenteront un jour ou l'autre de rejoindre l'Europe par la mer. Supposons qu'ils soient 200 000 à le faire.
Compte tenu des points R1, R2, R4 et R5 la proportion de morts noyés va être très faible.
En effet, selon la Cimade, elle était de 1 personne sur 46 en 2017.
Si les points R1,R2, R4, R5 sont vraiment appliqués cette proportion devrait être encore nettement inférieure.
Supposons qu'elle soit de 1 sur 70, le nombre total de morts sera alors 200 000/70= moins de 3000.
Alors que si rien ne change ce nombre de mort sera probablement supérieur à 30 000 ( comme on l'a vu dans le point -3.2-).
Donc satisfaire nos revendication sauverait, d'après nos estimations – certes très approximatives –, de l'ordre de 30 000 vie humaines.
Bien sûr, même si nos revendications étaient satisfaites, il y aurait quand même 3000 morts noyés. C'est 3000 morts de trop.
Mais pour éviter ces morts la seule alternative que je vois serait que l'U.E. dans un premier temps transfert en Europe tous les migrants actuellement présents en Libye qui le désirent, puis, dans un deuxième temps, décide de ceux auxquels elle accorde le statut de réfugié.
Je crains que demander une telle chose soit complètement irréaliste (compte tenu des opinions publiques des pays de l'U.E.), et contribue à faire rejeter toutes nos demandes.
Peut-être existe-t-il d'autres alternatives que je ne vois pas.
Ce point est important car de nombreuses vies humaines sont en jeu. Je le laisse à la réflexion, à la discussion et à la décision de toutes et tous.
-6- Les solutions pour faire aboutir nos revendications
L'U.E. paraît déterminée à poursuivre sa politique criminelle, le renouvellement de l'accord pour 3 ans avec la Libye en est la dernière preuve. Il semble donc quasiment impossible de bouger les choses.
Mais peut-on se résoudre à accepter de telles horreurs ? NON !
Que faire ? Pas évident !
Faisons un brainstorming, remuons toutes les idées, même les plus folles, discutons-les, améliorons-les, rejetons les mauvaises, réalisons les bonnes...
Voici un certain nombre d'idées (à compléter, critiquer, améliorer....), des plus raisonnables aux plus folles :
-6.1- Sant'Egidio
La Communauté de Sant’Egidio est une organisation catholique engagée dans la lutte contre la pauvreté et pour la paix. Présente dans 74 pays. 60 000 membres.
Elle est très implantée en Italie, très peu en France.
Elle gère plusieurs couloirs humanitaires (réfugiés syriens, réfugiés éthiopiens).
Elle projette de créer un corridor humanitaire pour 50 000 migrants actuellement en Libye (La Croix 08/07/2019).
Pour le moment rien de concret en France à ce sujet.
St Egidio et ses partenaires prennent en charge le logement, l'accompagnement :
- les personnes sont mieux accueillies (volontariat citoyen – ouvert à tous),
- la tâche d'un gouvernement en est allégée.
On peut donc raisonnablement penser que face à une demande de Sant'Egidio les États aillent, en matière d'accueil, un peu au-delà de ce qu'ils auraient fait sans cela.
-6.2- Rencontre avec tous les « humanistes »
- ONG françaises : Coordination SUD, Amnesty, SOS-méditerranés, MSF, La Cimade...
- ONG des autres pays de l'U.E
- Députés « humanistes » de l'A.N. et de l'U.E (Français et étrangers)
pour débattre et décider des actions concernant la Libye et plus généralement la politique européenne d'externalisation des frontières.
-6.3- Intervention auprès des députés
- Envoi de courriels
   . aux députés de l'A.N. Française
   . et (en français et en anglais) aux députés de l'U.E.
Faire cela en lien avec le max de partenaires cités au -6.2-
- Rencontre de ces mêmes députés, en lien avec les mêmes partenaires.

-6.4- Faire bouger l'opinion publique
Pour la majorité d'entre eux, les politiques occupant des postes de responsabilité savent l'horreur criminelle de leur politique, mais compte tenu notamment de la pression de l'opinion publique ils ont peur, s'ils se montraient plus humain, de perdre les élections au profit de l'extrême droite.
Notons que la même personne qui répond « il y a trop d'immigrés » à un sondage, peut très bien faire preuve de compassion et d'humanité face au vécu (torture, viol...) dont témoignent des migrants subsahariens détenus en Libye.
Il importe donc de conscientiser l'opinion publique :
-6.4.1- Médias
- Articles de presse : Faire appel aux « humanistes » cités au -6.2- qui ont les moyens d'être publiés.
- TV : Faire appel aux « humanistes » cités au -6.2- qui ont les moyens d'être invités...
-6.4.2- Organiser des manif-happenings :
personnes enchaînées, traînant de lourdes chaînes, pancartes :
« NON aux 30 000 morts programmées !»
« Sauvons 30 000 vies ! »
« Ne nous jetez pas en enfer ! »
« Non au rejet dans l'enfer de milliers et de milliers d'enfants ! »
« Non au rejet dans l'enfer de milliers et de milliers de femmes ! »
« Non au rejet dans l'enfer de milliers et de milliers d'êtres humains ! »
« Au secours ! »
« Help ! »
...
Si possible en coordination avec d'autres pays européens.
Si ces manifs sont vraiment réussies, cela devrait donner la possibilité de s'exprimer dans les médias.
-6.4.3- « Sondage très particulier » (*)
amenant d'abord les personnes à se prononcer sur Auschwitz etc. puis sur le sort qui est fait (avec la complicité active de notre pays) aux migrants subsahariens en Libye.
Cette même idée pouvant être reprise et aménagée pour interroger nos députés et ceux de l'U.E.
Là encore faire cela, si possible, en coordination
- avec les ONG et organisations (et personnalités dont députés...) françaises qui luttent pour la justice et l'humanité envers les migrants,
- et avec leurs homologues des autres pays de l'U.E.
(*) Réaliser le sondage suivant (à critiquer, compléter, améliorer...) :
# Question 1: Quelqu’un s’échappe d’Auschwitz, faut-il l’y remettre ?
- OUI
- NON
# Question 2 : Le gouvernement Suisse a verrouillé ses frontières en 1942
alors qu’il connaissait l’existence des chambres à gaz, livrant ainsi des milliers de juifs à une mort certaine.
Parmi les 2 opinions suivantes, cochez celle qui a votre accord :
Opinion 1 : ce fut un comportement criminel et abject.
Opinion 2 : ce fut un comportement louable.
# Question 3 :
En Libye les migrants africains subsahariens subissent le pire : enchaînés, suspendus au plafond, battus, violés, brûlés, mourant de maladie et de faim, réduits en esclavage, torturés, tués …
Presque toutes les femmes et les adolescentes ont été violées, parfois soumises à des viols collectifs ou réduites à l’état d’esclaves sexuelles.
Les malheureux migrants qui tentent de traverser la Méditerranée sont le plus souvent interceptés par les garde-côtes libyens et ramenés dans l’enfer libyen, et cela à la demande de l’Union Européenne (dont la France) qui donne des dizaines de millions d'euros à la Libye pour faire ce sale boulot.
Quelqu’un s’échappe de l’enfer libyen, faut-il l’y remettre ?
- OUI
- NON
# Question 4 :
Contrairement à ce que disent certains, en secourant les migrants fuyant la Libye on ne créera quasiment pas d’« appel d’air », car depuis le reportage de CNN diffusé en novembre 2017 (et bien d’autres reportages qui ont suivi), presque tous les Africains savent, que la Libye
c’est l’horreur et l’esclavage ( beaucoup de jeunes Africains ont un smartphone et ils ont vu ce reportage et ils en ont parlé à leurs copains…).
Donc il est probable que presque plus aucun migrant n'arrive en Libye.
Environ 3000 migrants sont détenus dans les centres de détention officiels libyens.
Environ 1000 d'entre eux ne peuvent pas retourner dans leur pays car ils y seraient en danger de mort.
Selon la loi française ces derniers devraient bénéficier du droit d’asile.
Parmi les quatre solutions suivantes, cochez celle qui a votre préférence :
Solution 1 : on vient au secours des migrants détenus dans les centres de détention, on les accueille tous en France en leur donnant le statut de réfugié.
Solution 2 : on vient au secours de ces migrants, on les accueille temporairement tous en France, puis on n’accorde le statut de réfugié à ceux (environ 1000) qui y ont droit au regard de la loi, et on reconduit tous les autres dans leur pays d’origine, s’ils y sont en sécurité.
Solution 3 : on accueille seulement ceux (environ 1000) qui ont droit au statut de réfugié au regard de la loi, et on aide le HCR et l'OMI à reconduire tous les autres dans leur pays d’origine, s’ils y sont en sécurité.
Solution 4 : on les laisse là où ils sont, qu'ils subissent des viols et des tortures, qu'ils en meurent... ce n'est pas notre problème !
Si les résultats de ce sondage sont positifs, on en fait alors connaître les résultats aux médias pas trop pourris et autres et si un certain nombre de ces médias donnent non seulement le résultat du sondage mais donnent aussi l'essentiel du contenu du sondage, on peut espérer que ça fasse bouger les lignes dans l'opinion.
Idée annexe (à critiquer, compléter, améliorer...) :
Envoyer un questionnaire analogue à ce sondage
- à tous les députés français
- à tous les députés de l'Union Européenne (traduit dans leurs langues respectives).
---------------------------------------------
Brain storming ….
toute critique, et surtout toute proposition est bienvenue !
------------------------------------------
Sources de quelques chiffres utilisés dans ce texte, et autres compléments,
se reporter au document : « L'enfer libyen - annexe »
Contact : Gabriel CHEL – gabriel.chel@wanadoo.fr – 05.56.17.91.57 – 06.85.56.25.92
François BOMPY – francois.bompy@gmail.com – 07.81.03.34.87
___ fin ___

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.