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Billet de blog 10 juillet 2025

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Les principales causes économiques de la montée de l’extrême droite en Europe

Cette tribune fait une synthèse des racines économiques de la poussée des droites radicales en Europe et compare avec les États-Unis. Elle revient sur les chocs majeurs qui ont bouleversé le paysage économique européen.

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États-Unis : les racines économiques d’un virage populiste.

La montée de l’extrême droite aux États-Unis, incarnée notamment par le « trumpisme », ne peut être réduite à une simple réaction identitaire ou culturelle. Elle s’enracine profondément dans des dynamiques économiques qui ont bouleversé le quotidien de millions d’Américains. Si certaines causes font écho à celles observées en Europe, d’autres sont spécifiques au modèle américain. Voici une exploration des principales forces économiques à l’origine de ce basculement.

     Désindustrialisation et déclassement blanc. Le cœur industriel des États-Unis – le Midwest, les Appalaches, le Sud profond – a été ravagé par la désindustrialisation. Des villes entières, autrefois prospères grâce à l’automobile ou à la sidérurgie, se sont vidées de leur substance. Les classes moyennes blanches, souvent peu diplômées, ont vu leurs repères s’effondrer. Ce sentiment de déclassement, mêlé à une nostalgie d’un âge d’or industriel, a nourri une colère que l’extrême droite a su canaliser.

     Monopoles et élites économiques. La concentration du pouvoir économique entre les mains de quelques géants – les GAFAM en tête – a marginalisé les petits entrepreneurs, les commerçants, les travailleurs indépendants. Le rêve américain d’ascension sociale par le travail semble hors de portée. Ce désenchantement alimente un ressentiment profond contre les élites économiques et politiques, accusées de trahir les intérêts du peuple au profit des multinationales.

     Inflation et sentiment d’injustice. La pandémie de COVID-19 a laissé derrière elle une inflation galopante, notamment sur les biens de première nécessité. Les salaires, eux, n’ont pas suivi. Pour beaucoup, le quotidien est devenu plus difficile, plus incertain. L’extrême droite exploite ce malaise en dénonçant les dépenses publiques jugées inutiles – aides internationales, programmes sociaux, immigration – et en promettant un retour à la prospérité nationale.

     Logement inaccessible, colère palpable. Dans les grandes métropoles comme San Francisco ou New York, la crise du logement est devenue explosive. Loyers exorbitants, expulsions, précarité : les inégalités se creusent. Ce climat est propice aux discours populistes qui désignent des boucs émissaires – souvent les immigrés ou les minorités – comme responsables de la pénurie de ressources.

     Mondialisation et rejet du libre-échange. Les accords commerciaux comme le NAFTA ou le TPP sont perçus par une partie de la population comme des trahisons. Ils symbolisent la perte d’emplois, la fermeture d’usines, la montée de la concurrence étrangère. Donald Trump a su capter ce rejet en promettant de renégocier, voire de rompre ces accords, au nom de la protection des travailleurs américains.

L’Europe face à la tentation extrémiste : les racines économiques d’un basculement.

Depuis plus d’une décennie, l’Europe assiste à une montée préoccupante de l’extrême droite. Derrière les discours identitaires et les slogans nationalistes, une réalité plus sourde, plus profonde, se dessine : celle d’un malaise économique qui gangrène les sociétés européennes.

     Crise et désillusion sociale. La crise de 2008 a laissé des traces profondes. Classes moyennes et populaires, jadis piliers démocratiques, ont vu leur quotidien se dégrader : chômage, précarité, salaires figés. Ce sentiment d’abandon a été capté par l’extrême droite, qui s’est posée en porte-voix des « oubliés », promettant protection et reconnaissance là où les partis traditionnels restaient sourds.

     Jeunesse sacrifiée, avenir incertain. Dans des pays comme l’Espagne, l’Italie ou la Grèce, le chômage des jeunes dépasse les 20 %. Une génération entière se sent trahie, privée de perspectives. Cette frustration se transforme en colère, et cette colère, en vote protestataire. L’extrême droite, en dénonçant l’inaction des élites, devient un exutoire politique.

     Mondialisation et territoires abandonnés. La désindustrialisation, conséquence directe de la mondialisation, a frappé de plein fouet les régions rurales et périphériques. Usines fermées, services publics désertés, sentiment d’invisibilité : ces zones deviennent des terres fertiles pour les discours protectionnistes. L’extrême droite y promet un retour à la souveraineté économique, à la relocalisation, à la dignité.

     Europe technocratique. L’Union européenne, perçue comme distante et technocratique, est accusée d’imposer des politiques d’austérité et de dérégulation. L’euro, symbole d’une intégration économique jugée contraignante, devient un repoussoir. L’extrême droite en profite pour prôner un repli national, une reprise en main des leviers économiques.

     Inégalités et fracture sociale. Enfin, les inégalités croissantes entre les grandes métropoles dynamiques et les zones rurales ou post-industrielles nourrissent un sentiment d’injustice. Le fossé se creuse entre les « gagnants » de la mondialisation et ceux qui en paient le prix. L’extrême droite se présente alors comme l’alternative aux « élites mondialisées », promettant de rendre la parole et le pouvoir au « peuple ».

Les chocs majeurs qui ont bouleversé le paysage économique européen. Des deux côtés de l’Atlantique, quatre symptômes convergent : désindustrialisation, déclassement, rejet des élites, mondialisation. Mais en Europe, les chocs ont été amplifiés par des spécificités propres : une Union européenne critiquée pour sa lenteur et son poids qui peine à impulser la croissance, un euro contraignant et des réformes structurelles dictées par le Traité de Lisbonne. Ce dernier, adopté en 2007 après le rejet du traité constitutionnel en 2005, visait à flexibiliser le travail, libéraliser les marchés, alléger la dépense publique, etc. Résultat : une « économie sociale de marché » figée, inadaptée aux crises actuelles. Plutôt que de repenser le capitalisme européen, l’Union européenne a renforcé un modèle néolibéral en crise.

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