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Billet de blog 18 octobre 2023

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Inflation, chômage... Ces indicateurs macroéconomiques à surveiller en 2024.

Inflation, chômage, récession, croissance-dette-déficit, charge de la dette, logements-immobilier, rendements des titres-obligations-actions. Des tendances macroéconomiques susceptibles de façonner la politique monétaire et les performances des investissements en 2024.

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L'inflation ne va pas baisser comme le prévoit la BCE. À -0,3% en décembre 2020, le taux d'inflation en zone euro a bondi en septembre 2021 à 3,4% sur un an, au plus haut depuis 13 ans. En octobre 2021, ce taux passe à 4,1% puis en novembre 2021 à 4,9% pour atteindre en octobre 2022 10,6%. La BCE a attendu juillet 2022 pour effectuer sa première hausse des taux directeurs de 50 points de base pour lutter contre cette inflation. Elle a maintenu ses taux d'intérêt à zéro et même négatifs pour le taux au jour le jour. Ce retard créa un véritable engrenage inflationniste. Au 14 septembre 2023, le taux directeur est à4,75% pour le prêt marginal au jour le jour, avec une inflation (IPCH) en France de 5,8% encore loin des objectifs visés de 2%.

La BCE ne pourra pas lutter seule contre l'inflation en France. Les raisons sont l'inflation alimentaire causée par les industriels et la hausse des prix de l'énergie. La politique budgétaire peut contribuer à juguler l’inflation. Pour le gouvernement français, le budget 2024 n'annonce pas un retour au sérieux budgétaire. De plus, la BCE n'a aucune action possible pouvant influencer les comportements des Français en termes d'épargnes et de dépenses. Il faut attendre peut-être 2025 pour avoir une inflation (IPCH) à 1,8% après une inflation de 2,6% prévue en 2024.

Le taux de chômage va augmenter. Fin 2022, le taux du chômage était à la baisse (inférieur de 0,3 point à son niveau un an auparavant) grâce aux contrats d'apprentissage. L'OFCE le justifie très bien. Les contrats très subventionnés par l'État comme les contrats d'apprentissage expliquent les deux tiers de cette diminution. En 2024, la courbe du chômage va au contraire s'inverser : emploi en repli, intérim en recul, pertes d'emplois dans le bâtiment, stabilisation des contrats d'apprentissage, etc. Dans ces projections macroéconomiques dévoilées lundi 18 septembre, la Banque de France confirme cette tendance : le taux du chômage au sens du Bureau international du travail (BIT) passerait à 7,5% en 2024 et 7,8% en 2025.

Le risque d'une récession se matérialise. La situation géopolitique restera tendue en 2024. La croissance économique mondiale devrait ralentir. D'après l'OCDE cette croissance devrait chuter à 2,7% soit -0,2 point à cause notamment des effets de la politique monétaire restrictive adoptée par de nombreuses Banques centrales. Elle ajoute "la confiance des entreprises et des consommateurs est orientée à la baisse". L'Allemagne, locomotive de l'Europe, reste au point mort. Un risque de récession lente et durable ne peut pas être écarté. Le dernier indice "flash composite" publié par S&P Global, mesurant l'activité du secteur privé, parle d'une "plus forte baisse des nouvelles affaires depuis près de trois ans en septembre" 2023 pour la zone euro. Il y a une inquiétude autour de l'impact de la hausse des taux d'intérêt sur la demande et une alerte sur l'euro qui commence à faiblir par rapport au dollar américain.

Croissance-dette-déficit. Avant le vote du budget 2024, le Haut conseil des finances publiques a remis son avis relatif au projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 révisé. En 2024, la prévision de croissance (+1,4 %) est loin des projections macroéconomiques de la Banque de France à 0,9%. Pour les entreprises, le gouvernement table sur "un niveau élevé d'investissement". Le taux de rendement à 10 ans est au plus haut, il va contraindre les entreprises à revoir leurs projets d'investissements.

À quelques exceptions, la dette publique a inexorablement progressé en France depuis le milieu des années 1970. Elle passe de 97,0% du PIB en 2017, à 109,5% pour 2023. Prévue stable à 109,4% en 2024, cette dette pourrait glisser et dépasser les prévisions à 110,2% en 2025. Un endettement excessif risque d’entraîner une crise très dure pour les années à venir.

Les prévisions de déficit élevé pour la France et d'autres pays européens peuvent créer une perturbation sur le marché obligataire. Les investisseurs sont nerveux, ils craignent que les taux européens atteignent les niveaux de 2011, année de la crise des dettes de la zone euro. Le déficit public français est en croissance depuis 60 ans. Pendant la crise de la Covid il s'est accru pour financer le "quoi qu'il en coûte". Les gouvernements n'arrivent plus à le réduire. Engagée dans sa bataille contre l'inflation et un euro faible, il n'est pas certain que la BCE puisse soutenir suffisamment la dette publique de la France en 2024.

Quant à la charge de la dette, l'État et les administrations publiques en général s'apprêtent à verser 57 milliards d'intérêts en 2024. Ce montant atteindrait 84 milliards en 2027. Que l'État soit contraint de payer aux banques privés des intérêts dépassant les budgets de l'éducation ou de la santé choque les Français. Ne faut-il pas suive l'exemple de la Belgique et lever des fonds via des obligations destinées aux épargnants français et réduire le programme de financement sur les marchés ?

La charge de la dette européenne et française pèsera plus sur le budget français. Les émissions de dette par la commission européenne ont augmenté massivement. Avec près de 800 milliards d’euros de dette à émettre pour financer le plan de relance NextGenerationEU, l'Europe devient un des principaux émetteurs dans la zone euro. Cet emprunt a commencé en 2020 et devrait se poursuivre jusqu'en 2026. Au lancement de ce programme, les taux d'intérêts étaient au plus bas voire négatifs pour les ??maturités ?? inférieures à 10 ans. Les temps changent. Les taux directeurs ont considérablement augmenté avec la poussée de l'inflation. L'UE sera confrontée à un coût d'emprunt très élevé car les frais d’intérêts associés à une partie de la dette seront à sa charge.

Avec le risque d'élargissement du spread entre les taux de l'UE et ceux des pays de la zone euro et le resserrement quantitatif de la BCE par la réduction d'achats d'actifs, la France peut se trouver face à deux risques majeurs : celui de la liquidité et celui d'une aversion internationale.

La liquidité permet d'estimer la facilité de revente rapide d'un actif à un moment donné. Si la BCE rachète aux investisseurs moins d'emprunts de la France, il sera difficile aux porteurs de revendre rapidement leurs portefeuilles sans leur entraîner une forte perte. De même si certains pays du G7 accordent des taux plus élevés que la BCE, les investisseurs pourront se détourner des obligations assimilables du trésor français.

Quant à une aversion au risque, les grands investisseurs souhaitent sécuriser leurs investissements et donc ils se replient vers les actifs les moins risqués comme ceux de l'UE et ils délaisseront les actifs moins sûrs comme les obligations françaises.

Logements-immobiliers. Les Banques sont aux anges. L'Observatoire de Crédit Logement, la vigie du marché du crédit immobilier, écrit dans sa dernière publication sur l'activité du mois d'août : "la profitabilité des nouveaux crédits ne se dégrade plus depuis le début du printemps : elle se relève d’ailleurs depuis juin dernier". Au 1er octobre 2023, le taux d'usure sera à 5,8 % pour un prêt de 20 ans et plus. C'est une forte déception pour les acquéreurs après une douche froide pour les acteurs de l'immobilier. En effet le Haut conseil de stabilité financière (HCSF) a décidé le 26 septembre 2023 de maintenir les règles de taux d'endettement maximal de 35%. "La peur du vide" s'installe chez les propriétaires. Le décret n° 2023-822 du 25 août 2023 actualise et élargit le périmètre d'application de la taxe annuelle sur les logements vacants.

En 2024, le marché immobilier sera peut-être le marché le plus risqué. Le taux de vacance des bureaux atteindra un pic en raison du développement?? du télétravail.

Pour les maisons anciennes les prix resteront stables dans les banlieues des grandes agglomérations du fait de manque de maison à vendre. Malgré un cycle à la baisse, les vendeurs ne souhaitent pas baisser les prix. La majorité des transactions se fera sur le haut de gamme car les Banques préfèrent les particuliers avec de hauts revenus.

Pour les appartements neufs ou anciens, le décalage entre le prix de l'immobilier et le pouvoir d'achat des ménages va s'accentuer. Le marché sera freiné par les taux d'intérêts très élevés. La majorité des experts conseillent de mettre les appartements vides en location en attendant une meilleure conjoncture. Il faut surveiller les plus-values des résidences principales.

Pour les logements sociaux, ils vont être plus difficiles à obtenir. Fin 2022, 2,4 millions de ménages attendaient un logement social. Ils étaient 2,1 millions fin 2019. Alors qu'il faut produire plus pour répondre aux attentes de l’ensemble des ménages vivant dans des conditions précaires, on construit en moyenne 100 000 logements en moins chaque année. Les bailleurs sociaux pourraient construire encore moins de logements dans les prochaines décennies. Selon une étude prospective de la Banque des territoires, la construction de HLM devrait continuer de ralentir pour se stabiliser à une moyenne de 66 000 nouveaux logements annuels à partir de 2030.

Les titres obligataires feront mieux que les rendements élevés ou les actions. Les rendements des obligations d'État sont à la hausse. Les marchés ont intégré que les taux directeurs vont rester hauts pour longtemps. Une croissance faible prévue pour 2024 de 0,9% et une période de taux élevés devraient peser sur les fondamentaux du crédit des entreprises. Au plus haut depuis 2012, le taux de rendement à 10 ans (3,36% au 26 septembre 2023) va peser sur le coût de l'endettement des entreprises et leur capacité de lever de nouveaux capitaux ou de refinancer leur dette existante.

Acheter des actions c'est acheter une participation dans une société, ce n'est pas un prêt à un émetteur comme les titres à revenu fixe. Il est nécessaire de surveiller les valorisations boursières élevées et de s'engager plus dans des actions de "croissance à un prix raisonnable".

Cette tribune est publiée à des fins informatives et éducatives uniquement et ne doit pas être considérée comme un conseil d'investissement, fiscal ou juridique. Il faut surveiller fréquemment les indicateurs et faire appel à des spécialistes.

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