La situation mondiale et la situation de la France. Selon le dernier rapport sur le commerce et le développement 2022, publié par la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (Cnuced ou Unctad en anglais), la croissance économique mondiale ralentira à 2,5% en 2022 et tombera à 2,2% en 2023. Ce ralentissement va coûter au monde plus de 17 000 milliards de dollars (20% du revenu mondial). Pour l’Observatoire français des conjonctures économiques OFCE, le pouvoir d'achat des ménages devrait reculer en 2022 et en 2023 de 1,4% (en unité de consommation) pour retrouver son niveau de 2019. Depuis la pandémie, 3% de la richesse nationale environ a été consacrée à amortir les chocs extérieurs sur l’économie. En empruntant massivement sur les marchés financiers, l'État est au bout de ses possibilités. Pour lutter contre l'inflation, la Banque centrale européenne augmente fortement les taux d'intérêts et menace la croissance. Cette approche nécessaire rend la vie plus dure aux entreprises, aux ménages et au budget d'un État fortement endetté. La France va se retrouver avec une récession lente et durable.
Le budget de l'État. Avec la guerre en Ukraine qui risque d'être longue, avec les difficultés de l'Europe et des partenaires financiers de la France, le ministère des Finances prévoit une croissance positive en 2023 à hauteur de 1%, un déficit public de 5%, une inflation à 4,3%, des dépenses de l'État de 480 milliards d'euros avec des recettes de 320 milliards d'euros et un endettement de 270 milliards d'euros. La dette s'envole. La France devient le champion des dépenses publiques en Europe.
D'après François ECALLE, ancien rapporteur général du rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques et président de l'association Fipeco. "Les recettes étant plutôt surestimées et les dépenses sous-estimées, une hausse du déficit public en 2023 est plus que probable". "le Haut Conseil des finances publiques HCFP considère que la croissance prévue par le gouvernement est "un peu élevée"". "Le gouvernement prévoit une forte croissance des dépenses publiques (+ 65 Md€), mais il est normal qu’elles croissent fortement lorsque le taux d’inflation est élevé". Avec une croissance plus faible, une inflation forte et plus de dépenses, jusqu'à quel point l'État peut vivre à crédit avec des taux d'intérêts qui augmentent dans un contexte de durcissement monétaire ? Le laxisme en matière de finances publiques, dont les gouvernements ont fait preuve ces dernières décennies, et le recours à un endettement extérieur via les banques commerciales mettent la France face à "un mur de la dette" difficilement surmontable.
Mais pourquoi la France emprunte-elle via les banques commerciales ? La Banque de France n'a pas toujours été indépendante, c'est avec le temps qu'elle a été soustraite à toute influence politique directe. La raison en est qu'une banque centrale indépendante peut mieux maintenir le taux d'inflation bas sans intervention de l'État. Les dirigeants politiques ne peuvent plus modifier les taux d'intérêts pour favoriser la croissance à court terme ou financer des mesures populaires. C'est en 1973 que la loi "Pompidou-Giscard" est votée. Elle précise que le Trésor ne peut s'endetter que de manière limitée auprès de la Banque de France : "on a eu une loi stupéfiante [...]. On a obligé l'État à aller se financer sur le marché financier privé à 4 ou 5%, et, du coup, notre dette est maintenant à 90% du produit national brut." Michel Rocard (Premier ministre de 1993 à 1994), Mediapolis, Europe 1, 22 décembre 2012. Même si en réalité, ce n'est qu'en 1993 que la loi sur l'indépendance totale de la Banque de France a été votée, elle ne finançait plus que 3% de la dette de la France.
Aujourd'hui si la Banque Centrale européenne BCE est rendue indépendante des États de la zone euro par le traité de Maastricht , elle n'en reste pas moins dans les mains des États qui en conservent la totalité du capital via les banques centrales nationales. La dette française est principalement financée par des obligations émises par l'État auprès de banques privées chargées de distribuer les titres sur le marché secondaire. Mais voilà, l'arrêt de rachat de titres publics par la BCE aura pour effet d'augmenter les taux d'intérêts et les écarts de taux entre les États de la zone euro. En plus si la dette de la France est identifiée par les marchés comme insoutenable, les taux d'intérêts qui lui sont appliqués risquent d'augmenter. Pourquoi ne pas suivre en partie l'exemple japonais ? Ce sont les économies des ménages japonais détenues sur des comptes bancaires qui sont utilisées pour acheter les obligations japonaises.
L’État est désarmé face à une récession. Avec la conjoncture actuelle, les autorités monétaires apparaîtraient désarmées, particulièrement en zone euro. Pour la France à moins d’une inventivité nouvelle, on voit mal quels nouveaux instruments monétaires pourraient rendre vigueur au budget de l’État et lancer de grands investissements pour le climat, etc. Il faut, comme au Japon, créer des nouveaux fonds citoyens mais avec des livrets réglementés. Ces nouveaux produits devront être encouragés par l’État qui en fixe le taux (supérieur à la cible d'inflation de 2% de la BCE), exonère les intérêts perçus de tout impôt et affecte les produits. L’essentiel devra aller au financement des transitions écologiques renouvelables, à la santé, à l’épargne dépendance, l’épargne handicap, l’épargne rural, etc. C'est aujourd'hui le seul chemin à prendre pour investir sans augmenter les dettes et les déficits publics tout en améliorant le pouvoir d'achat des classes pauvres et moyennes. Le tout avec une approche écologique, sociale et sans inflation.
Comprendre le multiplicateur budgétaire et l'impact des investissements citoyens régis par l'État ou investissements publics sur l'inflation et la récession.
Le multiplicateur budgétaire explique un élément essentiel de la politique économique conduite par les États : comment leur budget influence l’économie. C'est une mesure de l'impact d'une variation des dépenses publiques sur le produit intérieur brut (PIB).
La France a raté sa première chance. Le PIB en 2020 a reculé de 7,9%. Avec un taux d'inflation de 0,5% et un taux d'intérêts à zéro il fallait investir massivement : "En période de crise et, en particulier lorsque la politique monétaire atteint la borne zéro des taux d'intérêt, alors le multiplicateur augmente et atteint des valeurs plus élevées comprises entre 1,3 et 2,5..." OFCE dans son étude investissement public, Capital public et croissance. Mais pour la France l'INSEE a observé le contraire de la crise de 2008 : "l’investissement s’est réduit en 2020 dans une ampleur comparable à celle du PIB". Selon la Banque de France en 2020 et 2021 175 milliards d'euros ont pourtant été économisés en plus (épargne forcée Covid). Somme qui pouvait être investie très rapidement.
Investissements citoyens et inflation : aujourd'hui un choc de demande positif à la suite d'une relance par des investissements citoyens sera suivi par un choc d'offre positif très important. De ce fait la Banque centrale n'a plus besoin, en réaction, d'augmenter ses taux pour réduire l'inflation. L'activité économique sera soutenue par le choc d'offre, et le multiplicateur est d'autant plus fort. Analyse OFCE.
Investissements citoyens et récession : plusieurs études montrent que les multiplicateurs du PIB pour des investissements citoyens ou publics sont plus élevés en période de récession. Les retombées sont plus importantes dans le cas d'une union monétaire. L'impact est plus élevé dans une période de récession mondiale ou une récession dans la zone euro. La croissance des revenus due au multiplicateur engendre des recettes fiscales qui remboursent le déficit public.