Cap sur les privatisations. "Laissons, laissons entrer le marché ! Depuis les années 1980, la ritournelle n’a cessé d’imprégner les politiques publiques, quels que soient les gouvernements". En France les privatisations sont l'emblème d'une rupture politique et idéologique avec l'économie administrée et d'une volonté de renforcer la compétitivité des grands groupes. En 1986, c’est l’amorce des privatisations avec l’arrivée de Jacques Chirac au gouvernement et le début d’une économie libérale. C’est un virage à 180% et le début de privatisation de nombreuses entreprises nationalisées (Saint-Gobain, TF1, Paribas, Société Générale, etc.). L’État réduit son intervention dans l’économie au profit de capitaux privés et une régulation basée sur la concurrence.
Est-ce la faute de l'Europe ? Depuis la pandémie, on note plutôt une tendance à accroître les déséquilibres et divergences macroéconomiques entre les pays de la zone euro. Depuis Maastricht, pour faciliter l'intégration, des contraintes budgétaires ont été mises en place, et des fonds de soutien seront payés en contrepartie de "réformes structurels" : une réduction drastique des dépenses publiques, une baisse du coût du travail et une ouverture à la concurrence des secteurs protégés. Avec la guerre en Ukraine et la flambée des prix de l'énergie avec une très forte inflation, il paraît aujourd'hui très difficile de réduire les dépenses publiques et de limiter la hausse des salaires. Reste l'ouverture à la concurrence des secteurs protégés. Alors quand un groupe comme EDF n'appartient pas à 100% à l'État, pour le privatiser il sera nationalisé. Histoire de quelques privatisations :
La nationalisation et la privatisation partielle de la Sécurité sociale :. "L’idée de faire davantage intervenir les assureurs complémentaires dans la protection maladie, conduit l’aile la plus libérale de la politique française, à rechercher comment y parvenir". L’implication de l’État dans la direction de la Sécurité sociale s’est renforcée avec la révision constitutionnelle du 22 février 1996 qui prévoit le vote annuel d’une loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS). L’institution de cette loi spéciale traduisait un accroissement des compétences du Parlement en matière de finances sociales et, plus largement, une plus grande intervention de l’État, revenant en cela partiellement sur l’autonomie des partenaires sociaux dans la gestion des régimes de la Sécurité sociale. Jusqu’alors, la gouvernance financière de la Sécurité sociale relevait, en effet, conjointement de l’État et des cotisants (salariés et employeurs), conformément au principe originel de leur financement. Les faits étant têtus, avec la loi du 13 août 2004, la place des complémentaires dans la prise en charge des dépenses de santé, fut actée. Cette loi crée à la fois l’Union des Caisses d’Assurance Maladie (UNCAM) mais aussi l’UNOCAM, union des complémentaires d’assurance maladie. Aujourd'hui, ce ne sont plus les représentants des salariés qui proposent mais le gouvernement qui fait recours au 49.3 pour faire passer l’ensemble du projet de loi de financement de la Sécurité sociale. Le gouvernement pourrait utiliser un amendement au budget de de la Sécurité sociale pour réformer la retraite et passer l'âge de départ à 65 ans. Mais adopter la réforme des retraites par un amendement gouvernemental c'est retenir une solution risquée juridiquement et politiquement.
La mainmise de l'État pour privatiser. En mai 2017 après l’élection présidentielle, les privatisations sont revenues dans le débat public puisque le gouvernement entendait se séparer de trois de ses actifs : Aéroports de Paris (ADP), la Française des Jeux et Engie, avec un élargissement de la mainmise de l’État sur les prestations sociales. La française des jeux c'est fait, et c'est le tour d'EDF au lien d'Engie.
Un petit rappel sur la privatisation des autoroutes vendues au nom de la dette. En 2005, le gouvernement opte pour la privatisation, au nom de la modernisation des infrastructures et du désendettement de la France. En 2006 l’État vend ses participations dans les sociétés concessionnaires d’autoroutes aux groupes Vinci, Eiffage et Abertis. Personne n’a rien compris à cette décision, car les autoroutes représentaient une recette supérieure aux intérêts payés par l’État. Cette opération, perçue comme un cadeau de l’État au secteur privé, n’a toujours pas été digérée par les Français. La loi du 24 décembre 2019 d'orientation des mobilités réforme en profondeur le cadre général des politiques de mobilités. Dans le cadre de l’examen de cette loi à l’Assemblée nationale, un amendement de dernière minute a été adopté visant, je cite, à "faire porter, par une délégation de service public, la création ou l’aménagement d’infrastructures à gabarit routier afin de faciliter, sécuriser ou fluidifier l’accès à une autoroute ou aux itinéraires qui la prolongent". Ne faut-il pas lire : donner aux sociétés d’autoroute la prise en charge des routes nationales ? Est-ce les prémisses d’une privatisation en bonne et due forme des routes nationales ?
Le long chemin des réformes du chômage. Depuis 1996 nos gouvernements sont persévérants. Après la Sécurité sociale, ils ouvrent la porte aux assurances chômage privées. Il y a l’assurance chômage dirigeant, l’assurance profession libérale, l’assurance chômage prêt immobilier, voilà l’assurance perte d’emploi privée, calculée en fonction du salaire et qui permet de compenser les baisses de revenus en période de chômage. En remplaçant les 2,4% de cotisations chômage des salariés par une hausse de 1,7 point de la contribution sociale généralisée, donc de supprimer les cotisations sur les salaires qui sont une ressource stable et pérenne, l’État a les mains libres pour réduire le niveau d’indemnisation, réintroduire la dégressivité des allocations et priver les salariés de certaines indemnités. Chose faite : "le nouveau projet de loi prévoit (9 novembre 2022) de priver d’indemnités les salariés qui désertent leur poste ou refusent à deux reprises un CDI après un CDD". Deux mesures qui peuvent créer une instabilité et de pousser les salariés vers une assurance privée.
La nationalisation partielle de la taxe d’habitation. L'avis du Sénat est clair : "il y a une nationalisation partielle de la taxe d’habitation car les allègements individuels transforment partiellement la taxe d’habitation en un impôt sur le revenu". Les conséquences de cette nationalisation sont une perte d'autonomie fiscale pour les élus locaux, un risque de recours à des projets privés ou une augmentation massive de la taxe foncière comme à Paris.
"Il apparaît que les considérations budgétaires, d’une part, et les exigences découlant du processus de libéralisation issu des directives européennes, d’autre part, constituent deux explications centrales de la privatisation des entreprises publiques en général et des opérateurs de services publics de réseaux en particulier". Cairn regards croisés sur l'économie.